Aux origines de la diversité de la patate douce (Ipomoea batatas) : une enquête phylogéographique en Amérique tropicale (aire d'origine) et en Océanie (aire d'introduction)

Au travers d'une approche de génétique des populations et de phylogéographie, basée sur la comparaison des patrons de diversité chloroplastiques et nucléaires, cette étude s'attache à retracer les processus qui ont façonné la diversité de la patate douce depuis sa domestication en Amérique tropicale jusqu'à son introduction et sa diffusion en Océanie. Dans un premier temps, cette étude s'intéresse à l'histoire de la domestication et à l'identification de l'origine botanique et géographique de la patate douce dans son aire d'origine - l'Amérique tropicale. La patate douce est un taxon hexaploïde pour lequel les différents contributeurs sauvages n'ont pas encore été clairement identifiés. Deux hypothèses sont classiquement invoquées: 1) une origine autopolyploide à partir d'un taxon sauvage diploide I. tridida et 2) une origine allopolyploide ayant impliqué l'hybridation de deux espèces distinctes I. trifida et I. triloba. Nos résultats génétiques viennent corroborer le scénario auto-polyploïde. Néanmoins, contrairement à ce qui était avancé auparavant, I. trifida ne peut être considérée comme l'ancêtre sauvage de la patate douce. Des formes sauvages de I. batatas existent, populations à partir desquelles les formes cultivées ont été domestiquées. Par ailleurs, nous révélons l'existence de deux lignées chloroplastiques distinctes au sein des cultivars de patate douce, ce qui laisse penser que plusieurs parents sauvages, différenciés génétiquement mais probablement conspécifiques, sont impliqués dans la formation du génome de I. batatas. Deux scénarios (non exclusifs) peuvent alors être envisagés: i) I. batatas résulte de l'hybridation de plusieurs lignées distinctes (conspécifiques ou proches); ii) I. batatas est un complexe autopolyploïde avec une origine multiple. La caractérisation génétique des cultivars de patate douce met en lumière l'existence de deux groupes génétiques différenciés et géographiquement structurés: l'un correspond aux variétés d'Amérique centrale et caribéenne et l'autre aux variétés de la région du Pérou et de l'Equateur. Ce patron de diversité suggère fortement une domestication multi-locale - en Amérique centrale et en Amérique du Sud - et renforce l'hypothèse d'une origine autopolyploïde multiple dans ces deux régions. Dans un deuxième temps, notre étude nous conduit en Océanie, une aire d'introduction de la patate douce. La distribution de la patate douce dans le Pacifique s'explique par une (des) introduction(s) préhistorique( s) en Polynésie en provenance d'Amérique du Sud (par les polynésiens eux-mêmes) et des introductions historiques dans le Pacifique Ouest, en provenance du Mexique et des Caraïbes. Il s'agit là d'une hypothèse élaborée par des linguistes, ethnobotanistes et archéologues, mais qui à ce jour manquait de preuves génétiques. En combinant un échantillonnage de variétés traditionnelles contemporaines et des spécimens d'herbiers datant du 18ième au début du 20ième siècle, nous avons pu retracer l'évolution temporelle et spatiale de la diversité dans le Pacifique. Nous montrons que les variétés de patate douce présentes jusqu'au début du 20ième siècle en Polynésie ont clairement une signature génétique sud-américaine, c'est-à-dire qu'elles dérivent directement des variétés de la région Pérou-Equateur. Ainsi nos données génétiques apportent une preuve supplémentaire à l'existence d'au moins une connexion préhistorique entre la Polynésie et l'Amérique du Sud. A l'Ouest du Pacifique, les cultivars de patate douce ont une origine principalement centraméricaine. Nous montrons également qu'il y a eu un remaniement de la base génétique au fil des nouvelles introductions, effaçant progressivement la signature des introductions d'origine. En revanche, les phénotypes reconnus par les cultivateurs et les noms associés - c'est-à-dire les déterminants " culturels " des variétés - ont probablement été maintenus. La patate douce est essentiellement propagée par voie clonale par les cultivateurs. Toute

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Bibliographic Details
Main Author: Roullier, Caroline
Format: thesis biblioteca
Language:fre
Published: UM2
Subjects:F70 - Taxonomie végétale et phytogéographie, F30 - Génétique et amélioration des plantes, Ipomoea batatas, domestication, variation génétique, distribution géographique, évolution, distribution des populations, phylogénie, polyploïdie, phénotype, hybridation, provenance, http://aims.fao.org/aos/agrovoc/c_3937, http://aims.fao.org/aos/agrovoc/c_2360, http://aims.fao.org/aos/agrovoc/c_15975, http://aims.fao.org/aos/agrovoc/c_5083, http://aims.fao.org/aos/agrovoc/c_2745, http://aims.fao.org/aos/agrovoc/c_6113, http://aims.fao.org/aos/agrovoc/c_13325, http://aims.fao.org/aos/agrovoc/c_6094, http://aims.fao.org/aos/agrovoc/c_5776, http://aims.fao.org/aos/agrovoc/c_3706, http://aims.fao.org/aos/agrovoc/c_16022, http://aims.fao.org/aos/agrovoc/c_2485, http://aims.fao.org/aos/agrovoc/c_5296, http://aims.fao.org/aos/agrovoc/c_5725, http://aims.fao.org/aos/agrovoc/c_7253,
Online Access:http://agritrop.cirad.fr/569259/
http://agritrop.cirad.fr/569259/1/document_569259.pdf
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Description
Summary:Au travers d'une approche de génétique des populations et de phylogéographie, basée sur la comparaison des patrons de diversité chloroplastiques et nucléaires, cette étude s'attache à retracer les processus qui ont façonné la diversité de la patate douce depuis sa domestication en Amérique tropicale jusqu'à son introduction et sa diffusion en Océanie. Dans un premier temps, cette étude s'intéresse à l'histoire de la domestication et à l'identification de l'origine botanique et géographique de la patate douce dans son aire d'origine - l'Amérique tropicale. La patate douce est un taxon hexaploïde pour lequel les différents contributeurs sauvages n'ont pas encore été clairement identifiés. Deux hypothèses sont classiquement invoquées: 1) une origine autopolyploide à partir d'un taxon sauvage diploide I. tridida et 2) une origine allopolyploide ayant impliqué l'hybridation de deux espèces distinctes I. trifida et I. triloba. Nos résultats génétiques viennent corroborer le scénario auto-polyploïde. Néanmoins, contrairement à ce qui était avancé auparavant, I. trifida ne peut être considérée comme l'ancêtre sauvage de la patate douce. Des formes sauvages de I. batatas existent, populations à partir desquelles les formes cultivées ont été domestiquées. Par ailleurs, nous révélons l'existence de deux lignées chloroplastiques distinctes au sein des cultivars de patate douce, ce qui laisse penser que plusieurs parents sauvages, différenciés génétiquement mais probablement conspécifiques, sont impliqués dans la formation du génome de I. batatas. Deux scénarios (non exclusifs) peuvent alors être envisagés: i) I. batatas résulte de l'hybridation de plusieurs lignées distinctes (conspécifiques ou proches); ii) I. batatas est un complexe autopolyploïde avec une origine multiple. La caractérisation génétique des cultivars de patate douce met en lumière l'existence de deux groupes génétiques différenciés et géographiquement structurés: l'un correspond aux variétés d'Amérique centrale et caribéenne et l'autre aux variétés de la région du Pérou et de l'Equateur. Ce patron de diversité suggère fortement une domestication multi-locale - en Amérique centrale et en Amérique du Sud - et renforce l'hypothèse d'une origine autopolyploïde multiple dans ces deux régions. Dans un deuxième temps, notre étude nous conduit en Océanie, une aire d'introduction de la patate douce. La distribution de la patate douce dans le Pacifique s'explique par une (des) introduction(s) préhistorique( s) en Polynésie en provenance d'Amérique du Sud (par les polynésiens eux-mêmes) et des introductions historiques dans le Pacifique Ouest, en provenance du Mexique et des Caraïbes. Il s'agit là d'une hypothèse élaborée par des linguistes, ethnobotanistes et archéologues, mais qui à ce jour manquait de preuves génétiques. En combinant un échantillonnage de variétés traditionnelles contemporaines et des spécimens d'herbiers datant du 18ième au début du 20ième siècle, nous avons pu retracer l'évolution temporelle et spatiale de la diversité dans le Pacifique. Nous montrons que les variétés de patate douce présentes jusqu'au début du 20ième siècle en Polynésie ont clairement une signature génétique sud-américaine, c'est-à-dire qu'elles dérivent directement des variétés de la région Pérou-Equateur. Ainsi nos données génétiques apportent une preuve supplémentaire à l'existence d'au moins une connexion préhistorique entre la Polynésie et l'Amérique du Sud. A l'Ouest du Pacifique, les cultivars de patate douce ont une origine principalement centraméricaine. Nous montrons également qu'il y a eu un remaniement de la base génétique au fil des nouvelles introductions, effaçant progressivement la signature des introductions d'origine. En revanche, les phénotypes reconnus par les cultivateurs et les noms associés - c'est-à-dire les déterminants " culturels " des variétés - ont probablement été maintenus. La patate douce est essentiellement propagée par voie clonale par les cultivateurs. Toute