Epidémiologie de la maladie de la mosaïque du manioc en République Centrafricaine, résistance variétale et assainissement par thermothérapie
Le manioc est devenu une culture essentielle en Afrique sub-saharienne où elle assure la sécurité alimentaire des populations rurales. En République Centrafricaine (RCA), elle constitue la première culture vivrière avec une production de 2,4 millions de tonnes de tubercules frais. Cette culture est toutefois confrontée à des baisses de rendement depuis ces dix dernières années entrainant une flambée des prix sur le marché. Dans le but d'améliorer la production de manioc et de maintenir une sécurité alimentaire durable en RCA, les objectifs de mon travail de thèse étaient premièrement d'identifier les contraintes biotiques du manioc en Centrafrique, en réalisant une surveillance épidémiologique à l'échelle du pays, et de caractériser moléculairement les agents pathogènes responsables de la maladie de la mosaïque du manioc (CMD). Nous avons ainsi déterminé que la CMD était la plus importante contrainte biotique du manioc en Centrafrique avec une incidence de 85% et une perte de production estimée à 50%. Notre étude a aussi mis en avant le mauvais état sanitaire des boutures de manioc utilisée lors de la replantation des parcelles avec 79% de boutures contaminées. D'autre part, nous avons caractérisé moléculairement l'East African cassava mosaic virus-Uganda et l'African cassava mosaic virus (Geminiviridae, Begomovirus) comme agents causaux de la CMD et suggéré que les infections mixtes et la synergie jouent un rôle important dans la sévérité de la CMD et les pertes de récoltes observées en Centrafrique. Afin de mettre à la disposition des paysans des cultivars améliorées, nous avons dans un deuxième temps réalisé une sélection variétale participative en infestation libre, multi-sites et multicritères, basée à la fois sur la résistance à la CMD, le rendement, les qualités organoleptiques des tubercules et leur adéquation avec les habitudes culinaires des populations centrafricaines. Elle a permis d'identifier huit cultivars résistants et un cultivar tolérant à hauts rendements vraisemblablement capables de contenir l'épidémie sévère de CMD centrafricaine et compatibles avec les exigences des populations locales. Enfin, nous avons évalué l'efficacité d'une technique d'assainissement des boutures de manioc basée sur la thermothérapie et facilement transposable en milieu paysan. Le suivi en plein champ de l'état phytosanitaire des plants de manioc issus de boutures infectées et thermo-traitées a montré que la thermothérapie permet d'assainir jusqu'à 40% des plants. Les boutures de manioc thermo-traitées produisent des plantes avec une incidence et une sévérité des symptômes de la CMD significativement plus faible que les plantes non traitées. Les plants provenant des boutures de manioc thermo-traitées à 49°C ont donné des rendements significativement plus élevés, équivalent à celui des boutures issues de plantes asymptomatiques. L'ensemble de cette enquête épidémiologique démontre que la maladie la plus dommageable des cultures de manioc en Centrafrique est la CMD, qu'elle se propage principalement par les boutures contaminées et que la situation épidémique est sévère. Les solutions explorées dans cette étude pour endiguer l'épidémie, à savoir l'évaluation de la résistance variétale et l'assainissement des boutures par thermothérapie, ont donné des résultats très encourageants. Dans la mise en place urgente d'une stratégie de contrôle de la CMD en Centrafrique, le déploiement à grande échelle de matériel végétal résistant à la CMD et la vulgarisation en milieu rural de la technique de la thermothérapie, associés à l'ensemble des pratiques culturales capable d'améliorer l'état sanitaire des plantes, devraient permettre d'augmenter considérablement la production du manioc.
Summary: | Le manioc est devenu une culture essentielle en Afrique sub-saharienne où elle assure la sécurité alimentaire des populations rurales. En République Centrafricaine (RCA), elle constitue la première culture vivrière avec une production de 2,4 millions de tonnes de tubercules frais. Cette culture est toutefois confrontée à des baisses de rendement depuis ces dix dernières années entrainant une flambée des prix sur le marché. Dans le but d'améliorer la production de manioc et de maintenir une sécurité alimentaire durable en RCA, les objectifs de mon travail de thèse étaient premièrement d'identifier les contraintes biotiques du manioc en Centrafrique, en réalisant une surveillance épidémiologique à l'échelle du pays, et de caractériser moléculairement les agents pathogènes responsables de la maladie de la mosaïque du manioc (CMD). Nous avons ainsi déterminé que la CMD était la plus importante contrainte biotique du manioc en Centrafrique avec une incidence de 85% et une perte de production estimée à 50%. Notre étude a aussi mis en avant le mauvais état sanitaire des boutures de manioc utilisée lors de la replantation des parcelles avec 79% de boutures contaminées. D'autre part, nous avons caractérisé moléculairement l'East African cassava mosaic virus-Uganda et l'African cassava mosaic virus (Geminiviridae, Begomovirus) comme agents causaux de la CMD et suggéré que les infections mixtes et la synergie jouent un rôle important dans la sévérité de la CMD et les pertes de récoltes observées en Centrafrique. Afin de mettre à la disposition des paysans des cultivars améliorées, nous avons dans un deuxième temps réalisé une sélection variétale participative en infestation libre, multi-sites et multicritères, basée à la fois sur la résistance à la CMD, le rendement, les qualités organoleptiques des tubercules et leur adéquation avec les habitudes culinaires des populations centrafricaines. Elle a permis d'identifier huit cultivars résistants et un cultivar tolérant à hauts rendements vraisemblablement capables de contenir l'épidémie sévère de CMD centrafricaine et compatibles avec les exigences des populations locales. Enfin, nous avons évalué l'efficacité d'une technique d'assainissement des boutures de manioc basée sur la thermothérapie et facilement transposable en milieu paysan. Le suivi en plein champ de l'état phytosanitaire des plants de manioc issus de boutures infectées et thermo-traitées a montré que la thermothérapie permet d'assainir jusqu'à 40% des plants. Les boutures de manioc thermo-traitées produisent des plantes avec une incidence et une sévérité des symptômes de la CMD significativement plus faible que les plantes non traitées. Les plants provenant des boutures de manioc thermo-traitées à 49°C ont donné des rendements significativement plus élevés, équivalent à celui des boutures issues de plantes asymptomatiques. L'ensemble de cette enquête épidémiologique démontre que la maladie la plus dommageable des cultures de manioc en Centrafrique est la CMD, qu'elle se propage principalement par les boutures contaminées et que la situation épidémique est sévère. Les solutions explorées dans cette étude pour endiguer l'épidémie, à savoir l'évaluation de la résistance variétale et l'assainissement des boutures par thermothérapie, ont donné des résultats très encourageants. Dans la mise en place urgente d'une stratégie de contrôle de la CMD en Centrafrique, le déploiement à grande échelle de matériel végétal résistant à la CMD et la vulgarisation en milieu rural de la technique de la thermothérapie, associés à l'ensemble des pratiques culturales capable d'améliorer l'état sanitaire des plantes, devraient permettre d'augmenter considérablement la production du manioc. |
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