Pastoralisme en quête d'espaces en savane tchadienne. Des Peuls autour de la forêt classée de Yamba Berte
L'étude porte sur les pratiques pastorales des pasteurs et agro-pasteurs peuls résidents dans trois campements fixes et un campement mobile, tous situés autour de la Forêt Classée de Yamba Berté en savane tchadienne. L'objectif de cette réflexion engagée au cours de cette thèse est, à terme, de construire une vision théorique permettant de concilier la politique de protection de l'environnement au développement durable, notamment le pastoralisme dans une zone fortement agricole. L'étude a été réalisée à travers l'approche anthropologique fondée sur une démarche éco-systémique. Elle a été appréhendée par la combinaison de plusieurs outils méthodologiques : enquêtes qualitative et quantitative, entretiens à structure semi-libre, et observation participante touchant une gamme variée d'interlocuteurs. Les résultats obtenus montrent que la gestion de l'espace et des ressources naturelles devient de plus en plus difficile pour les pasteurs et agro-pasteurs. Il en résulte de nombreuses contraintes dans leurs pratiques pastorales, issues notamment de la confrontation avec les populations agricoles autour d'enjeux fonciers et des gestionnaires de la forêt classée autour des ressources ligneuses. En plus de ces contraintes, le pastoralisme est considéré dans cette région comme l'activité la plus nuisible à la protection de l'environnement. Pourtant, pastoralisme, agriculture et aire protégée ne sont pas réellement incompatibles. L'animal n'est pas forcement l'ennemi de l'arbre, et moins encore celui du champ, et au contraire l'un pouvait contribuer à la préservation des autres. Dans ce contexte de marginalisation du pastoralisme en zone de savane, les pasteurs et agro-pasteurs qui y vivent, connaissent une situation peu enviable qui tend vers le mépris et le désintérêt général. Ils sont, soit soumis à la disparition des pâturages, soit confrontés à un mitage de leur espace limitant leurs déplacements et c'est la viabilité de leurs systèmes de production qui est en jeu. Les capacités de ces pasteurs et agro-pasteurs à gérer les risques sont sérieusement mises en danger car les marges de manoeuvre ont régressé devant les fronts agricoles. Le véritable défi de développement du pastoralisme dans cette région reste à trouver un droit écrit, légitimé par les acteurs eux-mêmes, original, moderne, sécurisant la mobilité pastorale et promouvant une cogestion de l'espace et des ressources. Pour cela il faut des organisations de la société civile pastorale plus fortes, qui puissent articuler et défendre les intérêts de leurs membres et travailler avec les gouvernements pour concevoir et mettre en oeuvre des politiques qui soutiennent la viabilité de leur système de production. Il s'agit de reconnaître et d'assurer la sécurité et la stabilité quant à l'accès aux ressources pastorales, sans forcement être lié par la récurrente notion de la propriété privée. La sécurisation foncière des pasteurs semble donc devoir s'accommoder davantage d'un mode jouissif, que d'un mode acquisitif, à savoir la détention et l'exercice d'un droit absolu de propriété. En matière de gestion durable des ressources naturelles, notamment les aires protégées, nous estimons qu'une approche basée sur la cogestion régie par les coutumes, les règles et les conventions locales seraient un outil fort pour concilier développement socio-économique des populations locales et protection de l'environnement.
Summary: | L'étude porte sur les pratiques pastorales des pasteurs et agro-pasteurs peuls résidents dans trois campements fixes et un campement mobile, tous situés autour de la Forêt Classée de Yamba Berté en savane tchadienne. L'objectif de cette réflexion engagée au cours de cette thèse est, à terme, de construire une vision théorique permettant de concilier la politique de protection de l'environnement au développement durable, notamment le pastoralisme dans une zone fortement agricole. L'étude a été réalisée à travers l'approche anthropologique fondée sur une démarche éco-systémique. Elle a été appréhendée par la combinaison de plusieurs outils méthodologiques : enquêtes qualitative et quantitative, entretiens à structure semi-libre, et observation participante touchant une gamme variée d'interlocuteurs. Les résultats obtenus montrent que la gestion de l'espace et des ressources naturelles devient de plus en plus difficile pour les pasteurs et agro-pasteurs. Il en résulte de nombreuses contraintes dans leurs pratiques pastorales, issues notamment de la confrontation avec les populations agricoles autour d'enjeux fonciers et des gestionnaires de la forêt classée autour des ressources ligneuses. En plus de ces contraintes, le pastoralisme est considéré dans cette région comme l'activité la plus nuisible à la protection de l'environnement. Pourtant, pastoralisme, agriculture et aire protégée ne sont pas réellement incompatibles. L'animal n'est pas forcement l'ennemi de l'arbre, et moins encore celui du champ, et au contraire l'un pouvait contribuer à la préservation des autres. Dans ce contexte de marginalisation du pastoralisme en zone de savane, les pasteurs et agro-pasteurs qui y vivent, connaissent une situation peu enviable qui tend vers le mépris et le désintérêt général. Ils sont, soit soumis à la disparition des pâturages, soit confrontés à un mitage de leur espace limitant leurs déplacements et c'est la viabilité de leurs systèmes de production qui est en jeu. Les capacités de ces pasteurs et agro-pasteurs à gérer les risques sont sérieusement mises en danger car les marges de manoeuvre ont régressé devant les fronts agricoles. Le véritable défi de développement du pastoralisme dans cette région reste à trouver un droit écrit, légitimé par les acteurs eux-mêmes, original, moderne, sécurisant la mobilité pastorale et promouvant une cogestion de l'espace et des ressources. Pour cela il faut des organisations de la société civile pastorale plus fortes, qui puissent articuler et défendre les intérêts de leurs membres et travailler avec les gouvernements pour concevoir et mettre en oeuvre des politiques qui soutiennent la viabilité de leur système de production. Il s'agit de reconnaître et d'assurer la sécurité et la stabilité quant à l'accès aux ressources pastorales, sans forcement être lié par la récurrente notion de la propriété privée. La sécurisation foncière des pasteurs semble donc devoir s'accommoder davantage d'un mode jouissif, que d'un mode acquisitif, à savoir la détention et l'exercice d'un droit absolu de propriété. En matière de gestion durable des ressources naturelles, notamment les aires protégées, nous estimons qu'une approche basée sur la cogestion régie par les coutumes, les règles et les conventions locales seraient un outil fort pour concilier développement socio-économique des populations locales et protection de l'environnement. |
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