Innovation technique et réduction de la pauvreté à Madagascar: débat revisité sur la pertinence du système de riziculture intensive : document de travail BV Lac n°6

La réduction de la pauvreté rurale et la sécurité alimentaire de Madagascar restent indissociablement liées à l'amélioration de la productivité du secteur rizicole. Pourtant, le système de riziculture intensive (SRI) sur lequel beaucoup d'espoir a été fondé, donne l'impression d'une grande incompréhension dans l'histoire agronomique nationale. Cette innovation présentait toutes les caractéristiques d'une success story inéluctable: conçue localement avec les paysans plutôt que par des experts, faiblement coûteuse en intrants dans une économie de subsistance, adaptée aux sols pauvres et à la capacité limitée d'irrigation, prometteuse en rendement dans un pays au déficit rizicole chronique. L'incompréhension vient tout autant d'une diffusion en panne à Madagascar que du succès connu dans d'autres pays rizicoles1. Plusieurs diagnostics ont expliqué cette panne par comparaison avec des méthodes traditionnelles concurrentes: fort contenu en travail, besoin de trésorerie élevé, complexité technique et besoin d'accompagnement. Pire qu'un faible taux d'adoption, une forte désadoption a été mesurée. Alors que le système est mis au ban par les scientifiques, peu convaincus de son académisme, et les bailleurs de fonds, plus que dubitatifs face à son niveau d'appropriation, des expériences discrètes de diffusion de systèmes fortement inspirés du SRI montrent des résultats intéressants sur le terrain. L'objectif de cet article est triple : (i) revisiter de façon dépassionnée le débat sur les difficultés de diffusion de ce système à la lueur des analyses critiques les plus récentes ; (ii) montrer comment dans deux régions du pays -le Lac Alaotra et Manakara- à la fois le contenu de la proposition technique et la méthode de diffusion ont été questionnés et adaptés aux situations paysannes et aux contextes locaux ; (iii) élargir la réflexion à l'analyse des mécanismes qui pourraient, sous l'impulsion de politiques publiques idoines, offrir une nouvelle chance à cette innovation. La diffusion du SRI s'est heurtée à la réalité des conditions de fonctionnement des petites agricultures familiales malgaches et aux logiques de production qui les sous-tendent : minimisation des risques, économie de ressources, stratégies de survie, rôle des échanges communautaires. Elle s'est heurtée aussi au frein de l'environnement économique empreint d'incertitude de ces agricultures : disponibilité défaillante et accès réduit aux facteurs de production et aux marchés. Les paysans ont évalué l'offre technique en la resituant dans le cadre des contraintes auxquelles ils sont confrontés et des objectifs qu'ils poursuivent et l'acceptent difficilement. Assez paradoxalement, le SRI dans son acception classique apparaît comme un itinéraire technique bien adapté aux exploitants les plus nantis, tout en s'avérant largement hors de portée des plus démunis. En effet, les petits exploitants arbitrent entre la rentabilité espérée à la fin de la saison culturale de leur force de travail utilisée à pratiquer le SRI et le gain monétaire certain et immédiat tiré de la vente de cette force de travail dans d'autres exploitations notamment. Deux éléments viennent peser sur ce simple calcul de rentabilité : la prise de risque liée au renoncement d'un gain certain en échange d'un gain aléatoire (eu égard aux aléas agricoles) et le coût d'opportunité correspondant au renoncement d'un gain immédiat en échange d'un gain futur. Cet arbitrage amène les riziculteurs démunis à la 1 Dont plusieurs par ironie exportent du riz vers Madagascar : Thaïlande, Chine 3 recherche d'un compromis rationnel entre espérance de gain (satisfaisante), prise de risque (réduite) et coût d'opportunité des facteurs (acceptable). Le résultat du compromis dépendra de leur positionnement sur la trajectoire de sortie de pauvreté qui va des stratégies de survie à prise de risque quasiment nulle vers la capitalisation avec prise de risque rémunératrice. L'inversion des stratégies de minimisation du risque et le posit

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Bibliographic Details
Main Authors: Dabat, Marie-Hélène, Jean-Treyer, Olivier, Grandjean, Philippe, Vallois, Patrick, Portal, Damien, Chalvin, Arnaud
Format: monograph biblioteca
Language:fre
Published: AFD
Subjects:E14 - Économie et politique du développement, F08 - Systèmes et modes de culture, pauvreté, Oryza sativa, agriculture intensive, http://aims.fao.org/aos/agrovoc/c_6151, http://aims.fao.org/aos/agrovoc/c_5438, http://aims.fao.org/aos/agrovoc/c_3906, http://aims.fao.org/aos/agrovoc/c_4510,
Online Access:http://agritrop.cirad.fr/559222/
http://agritrop.cirad.fr/559222/1/document_559222.pdf
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Summary:La réduction de la pauvreté rurale et la sécurité alimentaire de Madagascar restent indissociablement liées à l'amélioration de la productivité du secteur rizicole. Pourtant, le système de riziculture intensive (SRI) sur lequel beaucoup d'espoir a été fondé, donne l'impression d'une grande incompréhension dans l'histoire agronomique nationale. Cette innovation présentait toutes les caractéristiques d'une success story inéluctable: conçue localement avec les paysans plutôt que par des experts, faiblement coûteuse en intrants dans une économie de subsistance, adaptée aux sols pauvres et à la capacité limitée d'irrigation, prometteuse en rendement dans un pays au déficit rizicole chronique. L'incompréhension vient tout autant d'une diffusion en panne à Madagascar que du succès connu dans d'autres pays rizicoles1. Plusieurs diagnostics ont expliqué cette panne par comparaison avec des méthodes traditionnelles concurrentes: fort contenu en travail, besoin de trésorerie élevé, complexité technique et besoin d'accompagnement. Pire qu'un faible taux d'adoption, une forte désadoption a été mesurée. Alors que le système est mis au ban par les scientifiques, peu convaincus de son académisme, et les bailleurs de fonds, plus que dubitatifs face à son niveau d'appropriation, des expériences discrètes de diffusion de systèmes fortement inspirés du SRI montrent des résultats intéressants sur le terrain. L'objectif de cet article est triple : (i) revisiter de façon dépassionnée le débat sur les difficultés de diffusion de ce système à la lueur des analyses critiques les plus récentes ; (ii) montrer comment dans deux régions du pays -le Lac Alaotra et Manakara- à la fois le contenu de la proposition technique et la méthode de diffusion ont été questionnés et adaptés aux situations paysannes et aux contextes locaux ; (iii) élargir la réflexion à l'analyse des mécanismes qui pourraient, sous l'impulsion de politiques publiques idoines, offrir une nouvelle chance à cette innovation. La diffusion du SRI s'est heurtée à la réalité des conditions de fonctionnement des petites agricultures familiales malgaches et aux logiques de production qui les sous-tendent : minimisation des risques, économie de ressources, stratégies de survie, rôle des échanges communautaires. Elle s'est heurtée aussi au frein de l'environnement économique empreint d'incertitude de ces agricultures : disponibilité défaillante et accès réduit aux facteurs de production et aux marchés. Les paysans ont évalué l'offre technique en la resituant dans le cadre des contraintes auxquelles ils sont confrontés et des objectifs qu'ils poursuivent et l'acceptent difficilement. Assez paradoxalement, le SRI dans son acception classique apparaît comme un itinéraire technique bien adapté aux exploitants les plus nantis, tout en s'avérant largement hors de portée des plus démunis. En effet, les petits exploitants arbitrent entre la rentabilité espérée à la fin de la saison culturale de leur force de travail utilisée à pratiquer le SRI et le gain monétaire certain et immédiat tiré de la vente de cette force de travail dans d'autres exploitations notamment. Deux éléments viennent peser sur ce simple calcul de rentabilité : la prise de risque liée au renoncement d'un gain certain en échange d'un gain aléatoire (eu égard aux aléas agricoles) et le coût d'opportunité correspondant au renoncement d'un gain immédiat en échange d'un gain futur. Cet arbitrage amène les riziculteurs démunis à la 1 Dont plusieurs par ironie exportent du riz vers Madagascar : Thaïlande, Chine 3 recherche d'un compromis rationnel entre espérance de gain (satisfaisante), prise de risque (réduite) et coût d'opportunité des facteurs (acceptable). Le résultat du compromis dépendra de leur positionnement sur la trajectoire de sortie de pauvreté qui va des stratégies de survie à prise de risque quasiment nulle vers la capitalisation avec prise de risque rémunératrice. L'inversion des stratégies de minimisation du risque et le posit