Le biogaz se diffuse au Mali-Sud

Depuis dix ans, la Compagnie Malienne de Développement des Textiles vulgarise la production de biogaz dans la région Mali-Sud selon un modèle chinois. Plus de la moitié des soixante installations fonctionnent aujourd'hui. De l'organisation villageoise dépend le succès de l'entreprise et des recherches restent encore nécessaires au niveau des ménages. Dans la région sud du Mali, comme dans beaucoup d'endroits d'Afrique, les commerçants prélèvent trop de bois dans les villages pour l'approvisionnement des villes. C'est pourquoi plusieurs organisations sur le terrain* ont cherché des alternatives pour réduire la destruction du couvert arboré. Le Service Formation du Département du Développement rural de la CMDT a tenté, dans la région Sud, des essais de production de biogaz au début des années 80. Profitant de la création d'un atelier technologique à Sirakélé (ATS), à quelques kilomètres de Koutiala et devant les difficultés rencontrées, l'expérience d'un technicien chinois a été demandée. Celuici a mis en place une installation qui fonctionne bien dans les régions chaudes de Chine : appareil de 6 in3 avec un réservoir souterrain en béton et alimentation à la bouse de vache et à l'eau. Dans un premier temps, il a été décidé de vulgariser ce modèle au niveau collectif : éclairage de la maternité, de la case d'alphabétisation et éventuellement de la mosquée. L'introduction des installations privées était prévue pour une deuxième phase. Un bon accueil chez les ruraux Dès 1984, la CMDT commençait sa phase d'expérimentation avec 64 installations dans la région de Koutiala. L'ATS demande aux villages concernés de répondre à certains critères afin de garantir une bonne implantation de l'activité biogaz : présenter deux personnes alphabétisées pouvant être formées sur le biogaz, fournir de la main-d'oeuvre et des matériaux pendant la construction, assurer la formation d'un « spécialiste biogaz » qui supervisera la construction d'autres installations. La CMDT, qui donne des crédits pour certains matériaux de construction, demande que les villages soient organisés en Associations Villageoises (AV), et donc bénéficient d'un certain encadrement. Parallèlement, les « responsables biogaz » formés au village peuvent faire appel à l'assistance de PATS pendant les premières années de fonctionnement, surtout pour les problèmes de gestion de la production. Une solide association - villageoise Les paysans de la région n'étaient pas familiarisés avec ce type de technologie. Quelles furent leurs réactions ? Pour le savoir, le Service Formation de la CMDT a mis en place un Projet d'Identification des Technologies Alternatives (PITA) avec l'appui de l'Association Néerlandaise d'Assistance au Développement (SNV). Le PITA était chargé d'évaluer l'impact de l'introduction de nouvelles technologies, comme les ruches améliorées, les moulins et les batteuses à mil, les charrues. L'introduction du biogaz en milieu villageois fut l'une de ces études. Pour le biogaz comme pour le reste, le bouche à oreille fut un excellent moyen de diffusion. L'encadrement de la CMDT y a beaucoup participé. Les paysans étaient très curieux de voir comment l'on pouvait produire de l'énergie avec de la bouse de vache. Sur le marché, lorsque des habitants d'un village bénéficiant d'un digesteur racontaient leur expérience, les voisins se pressaient pour venir voir. Le forgeron de Nankorola a demandé à la CMDT d'effectuer une installation chez lui dès qu'il a vu celle de son association villageoise fonctionner. Par la suite, les visites interpaysannes se sont chargées de diffuser l'information. L'éclairage est toujours cité comme le premier bienfait du biogaz. Les paysans savent qu'ils peuvent chauffer l'eau et préparer les repas avec cette énergie mais ils ne l'utilisent guère pour cela, encore moins pour l'alimentation d'un réfrigérateur ou d'un moteur, qui demande une plus grande production de gaz et un matériel dont ils ne peuvent supporter le coût. Pour que l'installation de biogaz fonctionne bien, il faut que l'Association Villageoise fonctionne bien elle aussi. Le besoin de lumière pour la maternité ou d'autres lieux doit être ressenti par le village tout entier. A N'Tosso, par exemple, la maternité est fermée et l'installation ne marche pas. Les villageois ne sont pas motivés pour alimenter l'appareil en bouses. A Kian, même problème car le spécialiste biogaz n'est pas rémunéré. En cas de noncohésion dans le village, il est très difficile d'inciter les gens à maintenir le fonctionnement du digesteur. Cependant, l'on peut dire que l'introduction du biogaz est bien adaptée aux conditions rurales de la région. Les villageois voient qu'ils économisent le pétrole de leurs lampes. En revanche, si cette énergie permet de préserver l'environnement, l'impact est moins clair pour les ruraux qui considèrent le bois comme un don de Dieu, gratuit. En ce qui concerne la rentabilité directe de l'installation, les prix ne sont pas suffisamment stabilisés depuis la dévaluation du Franc CFA pour l'estimer. Par ailleurs, des recherches restent nécessaires avant d'envisager son introduction au niveau familial. Article rédigé par D. Bruinsma et Sibiry Goïta Boîte Postale 92 - Koutiala MALI * Direction du Machinisme Agricole, Service National des Eaux et Forêts, Centre National d'Energie Solaire et des Energies Renouvelables, Compagnie Malienne de Développement des Textiles, Bamako, MALI.

Saved in:
Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 1995
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/60704
Tags: Add Tag
No Tags, Be the first to tag this record!
Description
Summary:Depuis dix ans, la Compagnie Malienne de Développement des Textiles vulgarise la production de biogaz dans la région Mali-Sud selon un modèle chinois. Plus de la moitié des soixante installations fonctionnent aujourd'hui. De l'organisation villageoise dépend le succès de l'entreprise et des recherches restent encore nécessaires au niveau des ménages. Dans la région sud du Mali, comme dans beaucoup d'endroits d'Afrique, les commerçants prélèvent trop de bois dans les villages pour l'approvisionnement des villes. C'est pourquoi plusieurs organisations sur le terrain* ont cherché des alternatives pour réduire la destruction du couvert arboré. Le Service Formation du Département du Développement rural de la CMDT a tenté, dans la région Sud, des essais de production de biogaz au début des années 80. Profitant de la création d'un atelier technologique à Sirakélé (ATS), à quelques kilomètres de Koutiala et devant les difficultés rencontrées, l'expérience d'un technicien chinois a été demandée. Celuici a mis en place une installation qui fonctionne bien dans les régions chaudes de Chine : appareil de 6 in3 avec un réservoir souterrain en béton et alimentation à la bouse de vache et à l'eau. Dans un premier temps, il a été décidé de vulgariser ce modèle au niveau collectif : éclairage de la maternité, de la case d'alphabétisation et éventuellement de la mosquée. L'introduction des installations privées était prévue pour une deuxième phase. Un bon accueil chez les ruraux Dès 1984, la CMDT commençait sa phase d'expérimentation avec 64 installations dans la région de Koutiala. L'ATS demande aux villages concernés de répondre à certains critères afin de garantir une bonne implantation de l'activité biogaz : présenter deux personnes alphabétisées pouvant être formées sur le biogaz, fournir de la main-d'oeuvre et des matériaux pendant la construction, assurer la formation d'un « spécialiste biogaz » qui supervisera la construction d'autres installations. La CMDT, qui donne des crédits pour certains matériaux de construction, demande que les villages soient organisés en Associations Villageoises (AV), et donc bénéficient d'un certain encadrement. Parallèlement, les « responsables biogaz » formés au village peuvent faire appel à l'assistance de PATS pendant les premières années de fonctionnement, surtout pour les problèmes de gestion de la production. Une solide association - villageoise Les paysans de la région n'étaient pas familiarisés avec ce type de technologie. Quelles furent leurs réactions ? Pour le savoir, le Service Formation de la CMDT a mis en place un Projet d'Identification des Technologies Alternatives (PITA) avec l'appui de l'Association Néerlandaise d'Assistance au Développement (SNV). Le PITA était chargé d'évaluer l'impact de l'introduction de nouvelles technologies, comme les ruches améliorées, les moulins et les batteuses à mil, les charrues. L'introduction du biogaz en milieu villageois fut l'une de ces études. Pour le biogaz comme pour le reste, le bouche à oreille fut un excellent moyen de diffusion. L'encadrement de la CMDT y a beaucoup participé. Les paysans étaient très curieux de voir comment l'on pouvait produire de l'énergie avec de la bouse de vache. Sur le marché, lorsque des habitants d'un village bénéficiant d'un digesteur racontaient leur expérience, les voisins se pressaient pour venir voir. Le forgeron de Nankorola a demandé à la CMDT d'effectuer une installation chez lui dès qu'il a vu celle de son association villageoise fonctionner. Par la suite, les visites interpaysannes se sont chargées de diffuser l'information. L'éclairage est toujours cité comme le premier bienfait du biogaz. Les paysans savent qu'ils peuvent chauffer l'eau et préparer les repas avec cette énergie mais ils ne l'utilisent guère pour cela, encore moins pour l'alimentation d'un réfrigérateur ou d'un moteur, qui demande une plus grande production de gaz et un matériel dont ils ne peuvent supporter le coût. Pour que l'installation de biogaz fonctionne bien, il faut que l'Association Villageoise fonctionne bien elle aussi. Le besoin de lumière pour la maternité ou d'autres lieux doit être ressenti par le village tout entier. A N'Tosso, par exemple, la maternité est fermée et l'installation ne marche pas. Les villageois ne sont pas motivés pour alimenter l'appareil en bouses. A Kian, même problème car le spécialiste biogaz n'est pas rémunéré. En cas de noncohésion dans le village, il est très difficile d'inciter les gens à maintenir le fonctionnement du digesteur. Cependant, l'on peut dire que l'introduction du biogaz est bien adaptée aux conditions rurales de la région. Les villageois voient qu'ils économisent le pétrole de leurs lampes. En revanche, si cette énergie permet de préserver l'environnement, l'impact est moins clair pour les ruraux qui considèrent le bois comme un don de Dieu, gratuit. En ce qui concerne la rentabilité directe de l'installation, les prix ne sont pas suffisamment stabilisés depuis la dévaluation du Franc CFA pour l'estimer. Par ailleurs, des recherches restent nécessaires avant d'envisager son introduction au niveau familial. Article rédigé par D. Bruinsma et Sibiry Goïta Boîte Postale 92 - Koutiala MALI * Direction du Machinisme Agricole, Service National des Eaux et Forêts, Centre National d'Energie Solaire et des Energies Renouvelables, Compagnie Malienne de Développement des Textiles, Bamako, MALI.