Le biogaz : du sale au propre !

Le biogaz : du sale au propre ! Introduction suggérée Le biogaz est un gaz naturel obtenu à partir de la fermentation, en l’absence d’oxygène, de matières organiques d’origine végétale et animale dans un dispositif appelé digesteur. Constitué principalement de méthane et de gaz carbonique, c’est un puissant gaz à effet de serre. C’est pourquoi produire et valoriser du biogaz, c’est aussi avoir un effet bénéfique sur l’effet de serre en évitant la libération de méthane et en économisant des énergies fossiles. C’est un gaz qui produit assez d’énergie pour chauffer des poussinières, pour permettre la cuisson des aliments et même pour fournir de l’électricité. Malgré tous ces avantages, le potentiel énergétique de cette ressource est encore peu développé en Afrique. Justin Lekoto, responsable de la production végétale au Centre Songhai de Porto Novo, au Bénin, nous parle des potentialités du biogaz pour l’agriculture. Il répond aux questions de Felix Houinsou. Début de la bande : « Pour avoir le gaz, on introduit dans le digesteur un mélange …» Fin de la bande : «… de formation pour agir un peu sur la conscience des gens. » Durée de la bande : 7’47 Annonce de fin : Cette émission vous était proposée par le CTA. Transcription Lekoto Pour avoir le gaz, on introduit dans le digesteur un mélange à des proportions bien déterminées de matière d’origine animale et végétale ; ici, précisément, nous utilisons comme matière d’origine animale soit des fientes de porc ou bien des fientes de poules pondeuses ou bien des bouses de vache mélangées avec des matières d’origine végétale… ici nous utilisons surtout la jacinthe d’eau. Nous l’utilisons pour montrer qu’on peut valoriser la jacinthe d’eau pour alimenter les animaux mais également pour produire le biogaz et aussi pour la fertilisation ; donc la jacinthe d’eau est finement coupée, mélangée aux fientes et introduite dans le digesteur avec de l’eau et une fois dans le digesteur, donc en l’absence de l’air, il y a des micro-bactéries qui se chargent de faire le travail de fermentation et pour un digesteur qui est déjà en marche, au bout de 24 heures, vous avez un maximum de production de biogaz que vous pouvez utiliser à votre fin. Houinsou Une question qui m’est venue à l’idée pendant que vous expliquiez un peu le processus, le biodigesteur dont vous parlez, c’est un appareil, c’est une machine ? Lekoto Justement. Le biodigesteur que nous avons ici, c’est une pièce construite en ciment, donc en maçonnerie, qui est entièrement sous le sol pour permettre d’avoir une constante de température et de pression. Houinsou Alors le biogaz que vous obtenez à partir de ce digesteur, quels sont les profits ou bien quels sont les avantages qu’on peut en tirer ? Lekoto Le biogaz peut servir d’abord comme produit fini dans le processus de production et peut servir à beaucoup de choses : un, le biogaz peut servir à la cuisson des aliments et le biogaz peut servir, dans notre cadre ici, à chauffer une poussinière pour l’élevage soit des poussins soit des dindonneaux soit des pintadeaux, ainsi de suite. Le biogaz peut servir à avoir de l’électricité. Dans notre cadre ici, le biogaz alimente un moteur thermique qui à son tour fait tourner un alternateur qui génère du courant ; et en plus de tout cela, avec la production du biogaz, il y a les sous-produits : il y a d’abord l’effluent c'est-à-dire le liquide qui sort du digesteur qu’on recueille dans un bac à coté, et qui est un engrais liquide excellent ; et à la fin, en utilisant les fientes, les jacinthes d’eau et consort, après décomposition, après fermentation, il y a la boue (cette boue est déjà décomposée) qu’on peut utiliser directement au jardin ou au champ pour fertiliser. Il y a aussi un autre intérêt : quand l’effluent sort, il se décompose progressivement et après la décomposition de l’effluent, ça devient un produit aérobie et vous allez voir, il y a des petites mouches qui viennent commencer par pondre, laissent les larves et ces larves-là, on les récolte pour nourrir les poissons. Et également cet effluent en se décomposant arrive à un niveau où on peut produire ce que nous appelons les « daphnies ». Les daphnies c’est des petits insectes qui se développent dans l’eau qui servent à nourrir les alevins donc il y a une intégration entre la production du biogaz et la pisciculture et la production végétale et puis l’élevage. Houinsou Est-ce que cette technologie est adaptée aux petits agriculteurs ou plutôt réservée exclusivement à l’agriculture à grande échelle ? Lekoto Bon, si vous voyez bien le processus lui-même, moi je dis ce n’est pas nécessairement les grands qui peuvent avoir à leur portée le biogaz ou bien qui peuvent installer une tête de production de biogaz. Même un petit fermier, chez lui, peut installer un petit digesteur à sa taille ! Je donne un exemple précis : pour installer un biodigesteur, du type Songhai que nous avons aujourd’hui dans le contexte que nous vivons actuellement, un digesteur de cinq mètres cube, avec les équipements périphériques pour stocker le gaz, pour compresser et tout, vous pouvez avoir à investir 500 à 600 000 au maximum et cet investissement peut vous permettre d’avoir un digesteur qui a une durée de vie de 25 ans au moins. Donc du coup ça nécessite de l’argent mais quand on voit que c’est un investissement, ça ne vaut rien. Houinsou Alors, en dehors de cela, est-ce qu’il y a d’autres contraintes qui entravent la bonne marche du système ? Lekoto C’est vrai que le premier élément, c'est qu'il y a beaucoup de gens, quand on parle du biogaz, on a l’engouement tout de suite, on va le faire, c’est attrayant, c’est bon mais ce qui constitue encore des contraintes pour certaines personnes, c’est la production même : d’abord il faut avoir cette passion pour la chose parce qu’on va utiliser des déchets. Vous utilisez ce qui sent mauvais, ce qui repousse, ce qui est répugnant pour produire ce qui est utile …vous voyez … Il y a certaines personnes, quand on dit, on peut avoir le gaz à partir des déjections animales ou humaines pour produire le gaz, préparer avec … Il y en a qui se disent, mais… je ne veux pas le faire … ça repousse donc et il y a en a qui, psychologiquement, sont un peu frappés et ça les fait reculer. L’autre contrainte c’est la disponibilité en matière première, ce n’est pas évident ! Nous sommes par exemple à Porto-Novo ici, j’ai un digesteur de 5 mètres ou bien 10 mètres cube que je dois alimenter chaque jour, mais il faut avoir les matières premières telles que les fientes ou les bouses de vache pour charger. Et là du coup, je peux avoir le digesteur mais si je n’ai pas les matières premières pour alimenter, ça reste comme ça, je ne produis pas de gaz et ça met la vie de la pièce que constitue le digesteur même en danger. Houinsou Toutes ces difficultés que vous avez énumérées, est-ce que vous préconisez quelque chose pour pouvoir contourner ces problèmes ? Lekoto D’abord par rapport au coût, l’investissement même … Moi, ça c’est mon avis personnel, quand je regarde un peu la chose de près, depuis que le biogaz… on en parle dans nos pays africains, on dit c’est important pour nous, ça ne prenait pas … Je dis, c’est vrai, il y a ce premier facteur qui est le coût, l’investissement mais quand on regarde de près, on peut le résoudre facilement : il faut d’abord arriver à convaincre les gens, à toucher les mentalités : même si je suis dans un bâtiment qui coûte 200 000 ou 300 000, investir dans quelque chose qui va durer 25 ans, ça vaut le coup donc il faut travailler sur la conscience des gens pour qu’ils comprennent. L’autre côté c’est de trouver des mécanismes pour implanter un digesteur à titre communautaire, voir comment l’état peut rentrer un peu dans le jeu, comme on fait des puits villageois, on fait des châteaux hydrauliques villageois, ainsi de suite, pour que ça soit des investissements à titre communautaire, là ça amoindrit un peu le choc. Ce problème culturel qui repousse un peu les gens, sur la manipulation des déchets, je pense aussi que c’est psychologique … Je prends par exemple dans la région, dans l’Ouémé ici, on prend les paniers, on les enduit de bouse de vache, qui tient très bien pour conserver la vie du panier pour vendre l’akassa et consort… Mais utiliser la bouse de vache pour charger le gaz, on dit, ça sent … Donc ça c’est une question de formation pour agir un peu sur la conscience des gens.

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Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: Audio biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 2008
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/59530
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Description
Summary:Le biogaz : du sale au propre ! Introduction suggérée Le biogaz est un gaz naturel obtenu à partir de la fermentation, en l’absence d’oxygène, de matières organiques d’origine végétale et animale dans un dispositif appelé digesteur. Constitué principalement de méthane et de gaz carbonique, c’est un puissant gaz à effet de serre. C’est pourquoi produire et valoriser du biogaz, c’est aussi avoir un effet bénéfique sur l’effet de serre en évitant la libération de méthane et en économisant des énergies fossiles. C’est un gaz qui produit assez d’énergie pour chauffer des poussinières, pour permettre la cuisson des aliments et même pour fournir de l’électricité. Malgré tous ces avantages, le potentiel énergétique de cette ressource est encore peu développé en Afrique. Justin Lekoto, responsable de la production végétale au Centre Songhai de Porto Novo, au Bénin, nous parle des potentialités du biogaz pour l’agriculture. Il répond aux questions de Felix Houinsou. Début de la bande : « Pour avoir le gaz, on introduit dans le digesteur un mélange …» Fin de la bande : «… de formation pour agir un peu sur la conscience des gens. » Durée de la bande : 7’47 Annonce de fin : Cette émission vous était proposée par le CTA. Transcription Lekoto Pour avoir le gaz, on introduit dans le digesteur un mélange à des proportions bien déterminées de matière d’origine animale et végétale ; ici, précisément, nous utilisons comme matière d’origine animale soit des fientes de porc ou bien des fientes de poules pondeuses ou bien des bouses de vache mélangées avec des matières d’origine végétale… ici nous utilisons surtout la jacinthe d’eau. Nous l’utilisons pour montrer qu’on peut valoriser la jacinthe d’eau pour alimenter les animaux mais également pour produire le biogaz et aussi pour la fertilisation ; donc la jacinthe d’eau est finement coupée, mélangée aux fientes et introduite dans le digesteur avec de l’eau et une fois dans le digesteur, donc en l’absence de l’air, il y a des micro-bactéries qui se chargent de faire le travail de fermentation et pour un digesteur qui est déjà en marche, au bout de 24 heures, vous avez un maximum de production de biogaz que vous pouvez utiliser à votre fin. Houinsou Une question qui m’est venue à l’idée pendant que vous expliquiez un peu le processus, le biodigesteur dont vous parlez, c’est un appareil, c’est une machine ? Lekoto Justement. Le biodigesteur que nous avons ici, c’est une pièce construite en ciment, donc en maçonnerie, qui est entièrement sous le sol pour permettre d’avoir une constante de température et de pression. Houinsou Alors le biogaz que vous obtenez à partir de ce digesteur, quels sont les profits ou bien quels sont les avantages qu’on peut en tirer ? Lekoto Le biogaz peut servir d’abord comme produit fini dans le processus de production et peut servir à beaucoup de choses : un, le biogaz peut servir à la cuisson des aliments et le biogaz peut servir, dans notre cadre ici, à chauffer une poussinière pour l’élevage soit des poussins soit des dindonneaux soit des pintadeaux, ainsi de suite. Le biogaz peut servir à avoir de l’électricité. Dans notre cadre ici, le biogaz alimente un moteur thermique qui à son tour fait tourner un alternateur qui génère du courant ; et en plus de tout cela, avec la production du biogaz, il y a les sous-produits : il y a d’abord l’effluent c'est-à-dire le liquide qui sort du digesteur qu’on recueille dans un bac à coté, et qui est un engrais liquide excellent ; et à la fin, en utilisant les fientes, les jacinthes d’eau et consort, après décomposition, après fermentation, il y a la boue (cette boue est déjà décomposée) qu’on peut utiliser directement au jardin ou au champ pour fertiliser. Il y a aussi un autre intérêt : quand l’effluent sort, il se décompose progressivement et après la décomposition de l’effluent, ça devient un produit aérobie et vous allez voir, il y a des petites mouches qui viennent commencer par pondre, laissent les larves et ces larves-là, on les récolte pour nourrir les poissons. Et également cet effluent en se décomposant arrive à un niveau où on peut produire ce que nous appelons les « daphnies ». Les daphnies c’est des petits insectes qui se développent dans l’eau qui servent à nourrir les alevins donc il y a une intégration entre la production du biogaz et la pisciculture et la production végétale et puis l’élevage. Houinsou Est-ce que cette technologie est adaptée aux petits agriculteurs ou plutôt réservée exclusivement à l’agriculture à grande échelle ? Lekoto Bon, si vous voyez bien le processus lui-même, moi je dis ce n’est pas nécessairement les grands qui peuvent avoir à leur portée le biogaz ou bien qui peuvent installer une tête de production de biogaz. Même un petit fermier, chez lui, peut installer un petit digesteur à sa taille ! Je donne un exemple précis : pour installer un biodigesteur, du type Songhai que nous avons aujourd’hui dans le contexte que nous vivons actuellement, un digesteur de cinq mètres cube, avec les équipements périphériques pour stocker le gaz, pour compresser et tout, vous pouvez avoir à investir 500 à 600 000 au maximum et cet investissement peut vous permettre d’avoir un digesteur qui a une durée de vie de 25 ans au moins. Donc du coup ça nécessite de l’argent mais quand on voit que c’est un investissement, ça ne vaut rien. Houinsou Alors, en dehors de cela, est-ce qu’il y a d’autres contraintes qui entravent la bonne marche du système ? Lekoto C’est vrai que le premier élément, c'est qu'il y a beaucoup de gens, quand on parle du biogaz, on a l’engouement tout de suite, on va le faire, c’est attrayant, c’est bon mais ce qui constitue encore des contraintes pour certaines personnes, c’est la production même : d’abord il faut avoir cette passion pour la chose parce qu’on va utiliser des déchets. Vous utilisez ce qui sent mauvais, ce qui repousse, ce qui est répugnant pour produire ce qui est utile …vous voyez … Il y a certaines personnes, quand on dit, on peut avoir le gaz à partir des déjections animales ou humaines pour produire le gaz, préparer avec … Il y en a qui se disent, mais… je ne veux pas le faire … ça repousse donc et il y a en a qui, psychologiquement, sont un peu frappés et ça les fait reculer. L’autre contrainte c’est la disponibilité en matière première, ce n’est pas évident ! Nous sommes par exemple à Porto-Novo ici, j’ai un digesteur de 5 mètres ou bien 10 mètres cube que je dois alimenter chaque jour, mais il faut avoir les matières premières telles que les fientes ou les bouses de vache pour charger. Et là du coup, je peux avoir le digesteur mais si je n’ai pas les matières premières pour alimenter, ça reste comme ça, je ne produis pas de gaz et ça met la vie de la pièce que constitue le digesteur même en danger. Houinsou Toutes ces difficultés que vous avez énumérées, est-ce que vous préconisez quelque chose pour pouvoir contourner ces problèmes ? Lekoto D’abord par rapport au coût, l’investissement même … Moi, ça c’est mon avis personnel, quand je regarde un peu la chose de près, depuis que le biogaz… on en parle dans nos pays africains, on dit c’est important pour nous, ça ne prenait pas … Je dis, c’est vrai, il y a ce premier facteur qui est le coût, l’investissement mais quand on regarde de près, on peut le résoudre facilement : il faut d’abord arriver à convaincre les gens, à toucher les mentalités : même si je suis dans un bâtiment qui coûte 200 000 ou 300 000, investir dans quelque chose qui va durer 25 ans, ça vaut le coup donc il faut travailler sur la conscience des gens pour qu’ils comprennent. L’autre côté c’est de trouver des mécanismes pour implanter un digesteur à titre communautaire, voir comment l’état peut rentrer un peu dans le jeu, comme on fait des puits villageois, on fait des châteaux hydrauliques villageois, ainsi de suite, pour que ça soit des investissements à titre communautaire, là ça amoindrit un peu le choc. Ce problème culturel qui repousse un peu les gens, sur la manipulation des déchets, je pense aussi que c’est psychologique … Je prends par exemple dans la région, dans l’Ouémé ici, on prend les paniers, on les enduit de bouse de vache, qui tient très bien pour conserver la vie du panier pour vendre l’akassa et consort… Mais utiliser la bouse de vache pour charger le gaz, on dit, ça sent … Donc ça c’est une question de formation pour agir un peu sur la conscience des gens.