Reproduire des plantes, reproduire une société. Structuration sociale de la diversité des ressources génétiques in situ : Rapport scientifique de l'ATP 06/01

Si le climat et le sol ont depuis longtemps été étudiés pour leur effet structurant sur les agro-écosystèmes, il est moins courant d'étudier l'action de facteurs anthropologiques comme l'identité sociale des agriculteurs et la différenciation de leurs systèmes d'alliance, de mariage et d'échange. Cette étude montre comment la différenciation sociale des agriculteurs constitue un facteur clé de la diversité in situ des ressources génétiques. Sur le versant Est du Mont Kenya, la différenciation linguistique des groupes sociaux soulève un problème anthropologique. Cette différenciation et le fait qu'elle se maintienne au fil des générations sont expliqués par le taux d'endogamie linguistique, c'est-à-dire par la proportion de mariages conclus entre locuteurs d'un même dialecte. Ce système d'alliance et de mariage détermine directement l'orientation des systèmes d'échanges de semences. En effet, proportionnellement au taux d'endogamie, les semences acquises auprès des alliés proviennent du même groupe linguistique. L'effet structurant de ce système d'échange centripète sur la diversité variétale et génétique des plantes cultivées est analysé. Les groupes sociaux cultivent d'autant plus les mêmes variétés qu'ils sont proches linguistiquement. Au-delà du système d'alliance et de mariage, l'identité sociale des agriculteurs est ensuite considérée comme facteur de structuration de la diversité. Une étude des marchés locaux de semence montre comment la différenciation des réseaux sociaux constatés en dehors des marchés se prolonge à l'intérieur des marchés. Les transactions ne sont pas conclues au hasard. Significativement, l'identité linguistique du vendeur et celle de l'acheteur correspondent, de sorte que la circulation des semences acquises au marché est là encore centripète, c'est-à-dire orientée vers l'intérieur des groupes sociaux. L'impact de la différenciation sociale des agriculteurs sur la différenciation génétique des plantes a été évalué à l'échelle régionale à l'aide de marqueurs moléculaires sur le mil et le sorgho. Les résultats sur le mil, allogame, soulignent l'importance des flux de pollen qui nivèlent la différenciation entre les dialectes alors qu'une différenciation morphologique et génétique se maintient au niveau local. En revanche, les populations de sorgho préférentiellement autogame sont fortement structurées. Cette étude représente une réelle avancée pluridisciplinaire combinant les sciences sociales et biologiques. Elle établit de nouvelles passerelles à travers un dispositif conceptuel et des méthodes d'analyse communs aux deux disciplines. Une approche comparative des agriculteurs et une stratégie d'échantillonnage, également comparative, des plantes apparaissent comme un point focal de l'interdisciplinarité.

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Bibliographic Details
Main Author: Leclerc, Christian (ed.)
Format: monograph biblioteca
Language:fre
Published: CIRAD
Subjects:E50 - Sociologie rurale, F30 - Génétique et amélioration des plantes, U30 - Méthodes de recherche, plante de culture, Sorghum, Cenchrus americanus, http://aims.fao.org/aos/agrovoc/c_1972, http://aims.fao.org/aos/agrovoc/c_7244, http://aims.fao.org/aos/agrovoc/c_13199, http://aims.fao.org/aos/agrovoc/c_4086,
Online Access:http://agritrop.cirad.fr/553265/
http://agritrop.cirad.fr/553265/1/document_553265.pdf
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