L'analyse de filière et les risques sanitaires

L'intitulé proposé pour cette contribution conduit directement à penser en termes de sécurité sanitaire des aliments : contamination (ou non-décontamination) des aliments le long de la chaîne, approche qualité, démarche HACCP… C'est un des aspects, certes très important, de la santé publique vétérinaire mais ce n'est pas celui sur lequel je voudrais travailler. Je préférerais donc intituler cette réflexion " Analyse de la filière et risques épidémiologiques animaux ", même si certaines méthodes sont communes. Mes recherches étant récentes, il s'agira uniquement de réflexions méthodologiques plutôt que de résultats de recherches. 1. Par rapport aux maladies épidémiques animales (épizooties), les filières présentent tout d'abord un rôle ou un risque à la fois d'introduction et diffusion des pathogènes. Les importations de poussins d'un jour au Nigeria depuis la Chine ou de viande découpée de dinde en Grande Bretagne depuis la Hongrie sont ainsi peut être à l'origine de l'introduction de la grippe aviaire dans ces pays cette année. La diffusion de cette même maladie par les chaînes de commercialisation à l'intérieur des pays est maintenant avérée. Des approches d'analyses fonctionnelles des filières et de quantification des flux sont donc indispensables pour nourrir les modèles d'analyses de risque des épidémiologistes. L'identification et la surveillance des points critiques (du point de vue de la diffusion de pathogènes) pourraient même devenir une méthode de détection précoce de la circulation de ces pathogènes. En effet, les petits éleveurs traditionnels des PVD ont souvent tendance à commercialiser même à bas prix leurs animaux malades, ou simplement menacés, d'épizooties ou simplement menacés plutôt que de collaborer à des méthodes de contrôle collectif des épizooties qui signifient souvent pour eux des abattages massifs sans ou à faible compensation. Les filières (traditionnelles) seraient donc du fait de cette pratique des lieux de concentration des pathogènes animaux. Alors que la surveillance épidémiologique des petits élevages traditionnels se révèle très difficile et très coûteuse, en particulier pour la détection précoce des pathogènes, celle de certains points des filières pourrait se révéler plus efficace et moins onéreuses. C'est une hypothèse qu'on voudrait étudier en combinant des analyses fonctionnelles et des méthodes HACCP (au regard de la circulation des pathogènes animaux). Les acteurs des filières peuvent également être des éléments très actifs non seulement du transport des pathogènes depuis un élevage mais également de la contamination active d'autres élevages et marchés (refus de marchés, fomites…). Dans les filières traditionnelles comprenant de très nombreux agents au comportement variable, les contrôles sanitaires classiques apparaissent souvent difficiles et inefficaces. De ce fait, les épidémiologistes recourent de plus en plus à des modélisations de réseaux et de systèmes multi-agents pour l'estimation du risque épidémique. Une crise sanitaire provoque souvent un choc qui conduit à la réorganisation de la filière, avec des perdants et des gagnants, ce qui intéresse beaucoup certains économistes. Mais ces réorganisations signifient aussi des répartitions différentes des risques liés aux filières de circulations des pathogènes. Les comprendre et les anticiper devient donc aussi une priorité pour les épidémiologistes et autres gestionnaires du risque zoosanitaire. 2. L'autre volet de nos préoccupations qui impose le recours à des analyses de filières concerne l'évaluation des coûts et bénéfices des maladies et des méthodes de contrôle. Le coût direct d'une épizootie en termes de pertes de production primaire (mortalité…) ne représente souvent que quelques % de son coût total. Les effets directs sur les acteurs des filières et les effets induits (producteurs d'aliments par exemple) mais aussi les perturbations globales de l'économie sont souvent beaucoup plus importantes. Il est donc nécessaire pour les économistes de la santé de pouvoir les appréhender. Une des autres conséquences majeures d'un point de vue économique des épizooties est les variations des marchés. Celles-ci dépendent séparément ou à la fois de variations des choix des consommateurs (y compris dans leurs composantes psychologiques et sociales), d'interdiction de mouvements de produits, de fluctuations des prix qui se répercutent plus ou moins aux différents niveaux des filières, de fluctuations sur les marchés internationaux à la fois pour les agents d'amont et pour ceux d'aval. Ici aussi l'anticipation de ces mouvements et de leurs conséquences sur la restructuration des filières sont des composantes indispensables à intégrer dans les calculs économiques nourrissant les modèles d'analyse de risque. Dérivés de cette contrainte apparaissent les modes de gouvernance du risque sanitaire (international) lié aux produits animaux, qu'il s'agisse de santé humaine ou vétérinaire. L'interdépendance des Etats vis-à-vis de la protection sanitaire a conduit à l'élaboration de " règles internationales " (codex alimentarius et code de l'OIE), à leur reconnaissance dans le cadre de l'OMC et même à la reconnaissance d'un organisme normatif de référence pour cette OMC, l'OIE. Si les Etats restent souverains dans leur politique commerciale, la globalisation des normes de référence et l'inclusion des produits animaux dans des négociations globales plutôt que spécifiques, pèse souvent sur les opportunités commerciales des PVD.

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Bibliographic Details
Main Author: Renard, Jean-François
Format: conference_item biblioteca
Language:fre
Published: CIRAD
Subjects:E10 - Économie et politique agricoles, E50 - Sociologie rurale, E16 - Économie de la production,
Online Access:http://agritrop.cirad.fr/546779/
http://agritrop.cirad.fr/546779/1/ID546779_D.pdf
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