Tournée européenne de M. Fischler pour défendre

Le Commissaire Fischler a effectué en juillet une tournée rapide en dix jours de sept capitales européennes, afin d'expliquer les propositions de révision à mi-parcours de la PAC. Lors de cette tournée qui a commencé par les Pays-Bas, M. Fischler a réaffirmé que la politique agricole commune était « vouée à l'échec » si les agriculteurs se contentaient d'être uniquement des producteurs. Selon lui, la question « n'est pas de savoir s'il faut soutenir nos agriculteurs mais comment s'y prendre pour les aider. La révision à mi-parcours est précisément le moyen de combler l'écart entre nos objectifs et nos résultats ». Concernant les subventions, il a rappelé que la Commission souhaite créer un système dans lequel les agriculteurs « sont libres de décider de leur gestion, en fonction des demandes du marché et des attentes de la population ». Telle est la logique qui est à la base du découplage des aides directes de la production, a précisé M. Fischler. Il a insisté sur le fait que la réforme proposée se fonde sur trois éléments : des adaptations dans certains secteurs du marché, des aides directes découplées de la production, et une plus grande proportion des crédits affectés au développement rural. Lors de sa visite en France, M. Fischler a choisi d'insister sur le fait que la Commission était soucieuse de « consolider les paiements directs en faveur des agriculteurs et de les rendre plus acceptables par nos sociétés, ainsi que dans le cadre de l'OMC ». En l'occurrence, la Commission propose qu'à l'avenir, les agriculteurs bénéficient d'une aide directe au revenu sans être obligés de produire des céréales ou de la viande bovine. En revanche, ils devront produire de manière satisfaisante les biens d'intérêt général exigés par la société, notamment la préservation des paysages et la protection de l'environnement. Pour M. Fischler, « ce découplage ne constitue pas seulement une simplification administrative très poussée ; il s'agit également d'éviter que les aides incitent à produire sans tenir compte du marché, ruinant ainsi l'image de la politique agricole ». En France, comme en Italie, le Commissaire a déclaré que les petites exploitations seraient totalement exemptées de la « modulation dynamique », qui prévoit une diminution progressive des aides directes et un plafonnement des dépenses par exploitation. Il a rappelé que les propositions de la Commission ont pour objectif de faire bénéficier aux producteurs français de céréales des évolutions positives que connaît le marché mondial. Or, « cela n'est possible que de façon limitée, avec le système actuel. D'abord, le système communautaire de droits de douane à l'importation est inapproprié ; ce qui a été particulièrement préjudiciable aux producteurs français en raison des importations massives à bas prix en provenance de la région de la mer Noire. Ensuite, il existe des incertitudes considérables liées aux importantes fluctuations des prix et des variations du taux de change entre l'euro et le dollar, qui pourraient compromettre fortement les possibilités d'exportation de nos agriculteurs ». C'est pourquoi une baisse supplémentaire de 5 % du prix d'intervention des céréales permettrait aux producteurs d'écouler plus facilement leurs produits sur les marchés mondiaux, tout en préservant leurs revenus agricoles du fait de l'augmentation des paiements d'aides directes. Au Royaume-Uni, le Commissaire Fischler a défendu la proposition de « plafonnement » de l'aide communautaire par exploitation à hauteur de 300 000 € , expliquant qu'elle était justifiée par le fait que les grandes exploitations ont la possibilité de réaliser des économies d'échelle. Il a rappelé que le système actuel, « n'avait pas toujours permis que les paiements directs soient octroyés là où ils sont le plus utiles, 80 % de ces paiements étant effectivement alloués à 20 % des exploitations ». M. Fischler a également indiqué que pour l'UE, l'abolition de la PAC n'était simplement pas à l'ordre du jour. Il a réaffirmé que le nouveau système n'entraînera pas de distorsion commerciale, avec toutes les retombées négatives que cela peut impliquer pour les pays en développement. Cet aspect de la réforme devrait renforcer la position de négociation de l'UE dans le cadre du « Cycle de développement de Doha ». M. Fischler est également revenu sur ce point lorsqu'il a présenté les propositions de révision à mi-parcours de la PAC au Danemark. Avec un excédent de 5 milliards d'euros enregistré par le secteur agricole et agroalimentaire, il est important pour le Danemark d'avoir une agriculture compétitive, a t-il déclaré. Pour M. Fischler, la réforme de la PAC affranchira les agriculteurs danois des tracasseries administratives et leur permettra ainsi de retrouver leur fonction d'entrepreneur, d'exporter des produits de qualité et de produire pour leurs clients et non pour les stocks d'intervention. Lors de sa visite en Finlande, M. Fischler a rejeté les allégations selon lesquelles la Commission aurait l'intention d'amputer le budget de l'agriculture. « Nous entendons maintenir le niveau d'aide en faveur du secteur agricole », l'objet de ce réexamen à mi-parcours étant de permettre « une utilisation plus rationnelle et plus efficace des ressources », a t-il indiqué. « Notre intention est de préserver l'activité des agriculteurs dans les exploitations, de leur octroyer des aides découplées de la production afin de stabiliser leurs revenus », a t-il précisé, ajoutant que « des aides supplémentaires seront accordées aux agriculteurs qui doivent faire face à des conditions climatiques difficiles, comme c'est le cas dans de les nombreuses régions défavorisées de Finlande ». Il a rappelé que pour la Finlande, le renforcement de la politique de développement rural donnera lieu à des crédits supplémentaires pour les zones défavorisées et en faveur de programmes agroenvironnementaux qui, aujourd'hui, manquent de financement. Il a enfin affirmé que pas un seul agriculteur finlandais ne sera touché par le « plafonnement » à 300 000 € des aides agricoles. En Italie, M. Fischler a réaffirmé que la Commission entendait « continuer à garantir aux agriculteurs italiens un revenu équitable, et que ses propositions ne modifient pas d'un iota cet objectif ». Il a en outre indiqué que la révision à mi-parcours proposée ne change en rien les engagements financiers prévus jusqu'en 2006, mais vise avant tout à mettre fin à une production uniquement destinée aux stocks d'intervention. La réforme de la PAC permettra aux agriculteurs italiens de satisfaire aux normes élevées de production et donc de vendre à de meilleurs prix, a t-il ajouté. En Allemagne, M. Fischler a déclaré qu'il était important de répondre aux attentes des consommateurs en découplant les paiements directs de la production et en subordonnant l'octroi des aides au respect des normes en matière d'environnement, de sûreté alimentaire et de bien-être des animaux. Il a déploré que les efforts consentis par les agriculteurs pour préserver l'environnement et produire des aliments sûrs et de bonne qualité ne soient généralement pas rétribués par le marché, ajoutant que les coûts de ces services d'intérêt général devraient être directement pris en charge par le budget de la PAC. Concernant le « plafonnement » des aides agricoles individuelles, il a réaffirmé qu'il n'était pas économiquement justifiable que les grandes exploitations agricoles reçoivent chaque année plus d'un millions d'euros de subventions communautaires. M. Fischler a également tenté de dissiper les craintes des anciens Allemands de l'Est, à propos de l'impact du « plafonnement » sur les exploitations à forte intensité de main-d'&#156;uvre. Il a précisé à cet effet, que ces exploitations recevront une indemnité de 3 000 € par employé, ce qui leur garantira des revenus financiers supplémentaires. Dans tous les pays visités, M. Fischler a particulièrement insisté sur le fait que les consommateurs exigent une production durable de denrées alimentaires plus saines et de meilleure qualité. C'est pour cette raison que la réforme de la PAC a pour double objectif de dissocier les paiements directs de la production et de subordonner les aides au respect de l'environnement, des normes de sûreté alimentaire, de bien-être des animaux et de sécurité sur le lieu de travail. C'est toujours pour tenter de faire adopter les propositions de révision à mi-parcours de la PAC que le Commissaire Fischler s'est rendu le 2 septembre en Autriche, où il a déclaré que la réforme était dans l'intérêt même des agriculteurs autrichiens. En effet, la « modulation dynamique » proposée ne concernera pas les deux tiers des agriculteurs qui, dans leur ensemble, recevront effectivement plus d'argent grâce à la réforme de la PAC, du fait de l'augmentation des dépenses affectées au développement rural. Il a mis en garde les agriculteurs contre un rejet des propositions, rappelant qu'ils risqueraient alors de perdre le soutien des consommateurs et des contribuables. Il a réaffirmé que l'intention de la Commission n'était pas de restreindre le budget de l'agriculture mais simplement de dépenser les ressources de manière plus rationnelle. Il a ajouté que la réforme proposée entraînera une plus grande transparence des aides accordées aux agriculteurs en contrepartie de « services d'intérêt général » tels que la protection de l'environnement. Ce qui garantira aux agriculteurs une plus grande stabilité de leurs revenus, a t-il conclu. <br/><br/><b>Comment:</b><br/> L'argument du Commissaire Fischler selon lequel le nouveau système ne créera pas de distorsions commerciales peut être contesté. Si, en effet, le découplage va moins inciter les agriculteurs à produire pour les stocks d'intervention, il pourrait toujours les encourager à produire jusqu'à ce que les prix du marché mondial baissent en deçà du coût unitaire marginal de production, de transformation et de commercialisation à l'international d'un produit dérivé. Car les paiements d'aides directes entraînent bel et bien le gonflement de l'offre des agriculteurs. Ainsi, quel que soit le niveau de prix, ils sont prêts à produire plus qu'ils ne le feraient sans le versement de ces aides directes, au risque de voir s'effondrer les prix de nombreux produits agricoles sur le marché mondial. On signale déjà qu'en Afrique orientale, des négociants français vendraient leur blé à des prix 20 % inférieurs à ceux pratiqués sur le marché mondial. L'insistance avec laquelle M. Fischler affirme que les engagements financiers prévus jusqu'en 2006 ne seront pas affectés par la proposition de révision à mi-parcours laisse à penser qu'il cherche ainsi à « gagner du temps » pour tester la détermination et le degré de résistance des États membres face aux réformes proposées. Ce qui va permettre ensuite à la Commission d'élaborer des propositions acceptables qui vont faire évoluer le processus de réforme de la PAC vers des aides généralisées aux agriculteurs, découplées de la production et donc plus compatibles avec les règles de l'OMC. C'est dans ce contexte qu'il convient d'analyser le mécontentement actuel que suscitent dans différents Etats membres de l'UE, les propositions de la Commission concernant le réexamen à mi-parcours de la PAC. Des critiques qui risquent toutefois d'avoir plus d'incidence sur le « timing » et les modalités de la réforme proposée que sur son orientation générale.

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Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 2002
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/64108
http://agritrade.cta.int/fr/Archives/Newsletter-Agriculture/2002/Octobre-2002
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