Décentralisation et participation : priorité aux producteurs

La production agricole africaine, de plus en plus soumise à la pression de la mondialisation et de la décentralisation devient une activité à haut risque, qui se heurte à deux handicaps principaux : les calamités naturelles et la désorganisation des producteurs. Il existe pourtant une forte demande en produits de qualité et elle doit être satisfaite. Y-a-t-il un outil capable de répondre à ces exigences? L’accès des producteurs au savoir et au savoir faire nécessaires pour l’amélioration quantitative et qualitative de la production a été longtemps handicapé par une vulgarisation agricole traditionnelle qui s’appuyait sur des modèles de type ‘contractuel’, comme le modèle essais-démonstrations ou de type ‘consultatif’ qui tentait de prendre en compte les connaissances endogènes. Mais ces modèles étaient entièrement gérés par les encadreurs et ils n’associaient pas suffisamment les producteurs. Ils ont donc échoué ou produit des résultants médiocres. Aujourd’hui un autre modèle, plus ‘collégial’, émerge : les producteurs — devenus des partenaires — sont associés à toutes les étapes du processus de décision. C’est dans cet esprit que les services de la recherche de la République du Bénin ont développé un nouvel outil méthodologique : l’approche participative niveau village (APNV). Elle consiste à associer l’ensemble des acteurs partenaires, agriculteurs, pêcheurs, pisciculteurs, éleveurs, exploitants forestiers, femmes rurales, ONG et associations de développement à toutes les étapes du processus : analyse des contraintes au niveau des terroirs, amélioration des systèmes de production agricole, gestion des ressources naturelles, ce qui a permis de renforcer le système de vulgarisation et de parvenir à une planification participative des actions de développement. Cette approche se base sur quatre modules : le diagnostic global, l’analyse des problèmes et la recherche des solutions, la planification et la mise sur pied d’un comité de concertation. Le comité de concertation est ouvert à toutes les couches socioprofessionnelles. Il a créé un véritable engouement chez les producteurs, qui savent ce qu’ils veulent et qui ont compris que leur destin était entre leurs mains. Au Bénin, ce programme a démarré en 1998. Il couvre aujourd’hui plus de 1 000 villages répartis sur tout le territoire national à travers 77 sous-préfectures. Il s’appuie sur des équipes pluridisciplinaire et fait l’objet d’un système rigoureux de suivi-évaluation. Après 3 années d’expérience, on constate que le niveau de conscience des producteurs a évolué. Ils sont dévoués, rompus à la tache et réceptifs. Il faut maintenant les aider à mieux face aux maladies et attaques pré et post récolte, y compris au niveau du stockage. Ils sont prêts à prendre des risques, à travailler dur et à s’engager totalement, avec détermination. Il est désormais clair que tout programme, toute étude, tout plan de développement qui se veut objectif ne peut ignorer cette approche. La décentralisation est un système dans lequel les collectivité s’administrent elles-mêmes, sous le contrôle de l’Etat ; pour que le processus réussisse, il est essentiel que l’administration se rapproche de l’administré et que les pouvoirs de décision soient transférés vers les niveaux de gouvernement et d’administration les plus proches du terrain. La décentralisation n’est pas une nouveauté en Europe, mais elle avance à grands pas également en Afrique et elle a donné, dans des pays comme la Zambie, le Mozambique et l’Ouganda, des impulsions majeures au développement rural, qui ont permis de grandes avancées. Dans d’autres pays à administration centralisée, comme le Bénin, ce temps arrive également et toutes les dispositions juridiques, sociales, institutionnelles nécessaires sont prises par le Gouvernement pour appliquer la décentralisation ; l’Etat est confirmé dans son rôle de guider, suivre et réguler ; de vastes campagnes d’information et de communication sont mises en œuvre. L’APNV a pris les devants en permettant d’ores et déjà aux producteurs de gérer leurs propres affaires. Mais le développement rural est vulnérable et certains préalables doivent être satisfaits par les élus locaux et leurs conseillers, qui doivent jouer le jeu de la participation avec leurs administrés et leur rendre compte de leurs activités et décisions. La décentralisation, en s’appuyant sur l’APNV, peut créer les conditions d’un développement local durable, s’attaquer au problème de la pauvreté et ouvrir une nouvelle voie au développement rural à la base. Ne laissons pas passer cette opportunité. [caption] Marcellin Laly est un technicien supérieur et spécialiste en pêches et pisciculture. Il anime le Comité Approche Participative Niveau Village (APNV) à Grand-Popo, République du Bénin. Les opinions exprimées dans ce Point de vue sont celles de l’auteur, et ne reflètent pas nécessairement les idées du CTA.

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Bibliographic Details
Main Author: Laly, Marcellin
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 2002
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/63462
https://hdl.handle.net/10568/99672
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