La qualité paie

Difficile, pour les producteurs de thé, d’influencer la baisse des cours. Toutefois, l’amélioration de la qualité et la mise en valeur des thés du terroir pourraient permettre aux meilleures variétés de sortir du lot. Tous les analystes s’accordent sur la question. Les cours du thé ne sont pas près de se relever. Selon la Banque mondiale, ils ont chuté de 44 % en valeur réelle entre 1970 et 2000. Quant aux producteurs, ils perçoivent aujourd’hui moitié moins, en termes réels, qu’il y a trente ans. Certes, en 2004, le prix des précieuses feuilles de Camellia sinensis a bénéficié d’une hausse de 2 % pour une production mondiale de 3,2 Mt. Et le thé, qu'il soit noir ou vert, demeure, après l’eau, la boisson la plus populaire de la planète. L'Occident, consommateur traditionnel de thé noir, apprécie de plus en plus le thé vert pour ses vertus médicinales. Mais le prix du thé, tributaire des qualités et des quantités demandées par les acheteurs, pâtit de la concurrence grandissante d’autres breuvages. Les prévisions de la FAO fixent à 3,68 Mt la production en 2014 alors que la consommation se limiterait à 2,67 Mt. Les pays ACP représentent environ 14 % de la production globale, mais 30 % des exportations, le Kenya étant le premier exportateur mondial (294 000 t). De plus, le thé reste le seul produit de base qui se vend aux enchères. Ce système est loin de bénéficier aux petits producteurs, qui n’ont aucune prise sur la fixation des prix. La Chambre nationale de commerce et d’industrie du Kenya a d’ailleurs appelé, en 2004, à la fermeture de ces Bourses du thé. D'autant que les collusions entre courtiers ne sont pas rares. Elles sont régulièrement dénoncées à Mombasa (Kenya), qui accueille le plus grand centre de vente des pays ACP, l’autre place de marché de la zone se trouvant à Limbe (Malawi). Vente aux enchères Il y a quelques années, certains producteurs, notamment des régions ACP, ont envisagé de se mettre à l’heure d’Internet afin de court-circuiter les intermédiaires. Les marchés électroniques sont censés réduire le coût des transactions, comme les délais de paiement et de livraison. Aujourd’hui, c’est en Inde que ces plates-formes virtuelles sont le plus actives. Mais de fait, elles excluent les petits et moyens producteurs qui n’ont pas accès aux technologies de l’information et de la communication (TIC). En l’absence de Bourses en ligne, il existe quelques cyber-magasins de thé. Certains se sont même spécialisés dans la vente électronique de thé équitable, en gros ou au détail. Mais pour l’heure, l’essentiel du marché reste contrôlé par une poignée de multinationales et il incombe aux producteurs d’inventer eux-mêmes de nouvelles stratégies. Là encore, le Kenya compte jouer un rôle moteur et tirer parti des Indications géographiques (IG), reconnues depuis 1994 par l’OMC (voir Spore 116). Le thé figure parmi les produits qu’il entend faire enregistrer sur la liste des IG, actuellement limitée aux seuls vins et spiritueux. Des thés du terroir L’initiative vise à protéger les thés du terroir des pratiques peu scrupuleuses des intermédiaires, comme le mélange avec des thés de qualité inférieure ou l’usage abusif de marques existantes. Par exemple, l’usine kenyane de Gathuthi produit environ 2 500 t par an, alors qu’il se vend, sous cette dénomination, quelque 5 000 t. Aux yeux d’Agnes Nyaga, représentante du Kenya Tea Board et vice-présidente pour l’Afrique d’Origin, une organisation de défense des IG, les planteurs africains seront les premiers bénéficiaires des IG. Ils pourront ainsi passer du statut “de producteurs de matières premières à [celui] d’exportateurs de produits différenciés qui sont facilement identifiables sur le marché”, a-t-elle souligné lors d’une table ronde de l’OMC en 2004. Très recherchés, les thés du terroir sont plus rémunérateurs. La filière équitable procure déjà une visibilité et une distribution internationales à plusieurs thés, même de façon embryonnaire. Environ 40 % de ce thé éthique viennent de petits planteurs, notamment dans les pays ACP. Des variétés du Kenya, d’Ouganda, de Tanzanie et du Zimbabwe ont ainsi reçu le label Fairtrade, synonyme d’un prix d’achat décent aux producteurs et d’un mode de production respectueux de l’environnement. Les plantations partenaires perçoivent une “prime équitable”, dont le montant s’élève à 0,5 € par kilo pour les feuilles brisées et broyées ainsi que pour les thés traités mécaniquement, et à 1 € pour les thés à grandes feuilles, transformés de façon artisanale. Sur le terrain, cette prime sert à promouvoir des projets sociaux. Ainsi, en Tanzanie, la Mufindi Tea Company, forte de 2 500 employés dont 60 % de saisonniers, a pu investir dans une garderie pour enfants située dans l'enceinte de la plantation et agrandir l’école maternelle des enfants des travailleurs. Le Fonds européen de développement (FED) soutient également le secteur du thé. C’est sous son impulsion que fut créée, dès 1960, la première unité théicole du Rwanda, à Mulindi. L’usine est aujourd’hui en voie de privatisation. Plus récemment, en Ouganda, le FED a appuyé un programme de développement du thé villageois, à hauteur de 20 millions d’euros. Comme le rappelle une récente note de synthèse du CTA, cette manne doit aider les petits planteurs à mieux rentabiliser leur activité et donc à augmenter leur revenu réel.

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Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 2006
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/63172
https://hdl.handle.net/10568/99642
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