Cherche partenaires privés

Nécessité fait loi : les instituts de recherche agricole du Sud collaborent de plus en plus avec le secteur privé, source de financements. Mais ces partenariats axés sur des produits rentables ne s’intéressent guère aux besoins des agriculteurs locaux. La recherche agronomique du Sud n’échappe pas à l’érosion générale des dépenses publiques de recherche qui frappe la plupart des États y compris au Nord. Selon l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI), les dépenses moyennes par chercheur ont diminué de moitié entre 1971 et 2000 dans la recherche publique agricole en Afrique. Les contributions des donateurs sont également nettement en baisse. En 2000, elles ne constituaient plus que 35 % des budgets contre la moitié cinq ans plus tôt. Pour augmenter leurs ressources, les centres nationaux de recherche sont à la recherche d’alliances avec le secteur privé pour des recherches communes. C’est l’objectif des Partenariats public-privé (PPP) : mettre en commun le savoir-faire des uns et des autres, les fonds et les environnements (laboratoires, champs d’expérimentation, etc.) pour obtenir des résultats profitables aux deux parties. L’une doit être publique (laboratoire de recherche, université, centre régional ou international de recherche, ONG) et l’autre privée (entreprise, centre de recherche privé, groupement de producteurs). L’enjeu est d’importance aussi bien pour les États ACP, soucieux d’augmenter leur production agricole et d’améliorer les conditions de vie des agriculteurs, que pour les firmes privées qui visent avant tout la rentabilité financière. Les grandes entreprises agro-industrielles mondiales sont actives depuis longtemps au sein du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (GCRAI), mais elles ont encore peu investi dans les institutions publiques de recherche des pays du Sud. En 2000, elles n’ont contribué qu’à environ 2 % des budgets de la recherche agronomique en Afrique. Faire cause commune Cependant, les PPP se développent ces dernières années essentiellement sous la pression des firmes internationales désireuses de tester leurs semences et leurs plantes génétiquement modifiées. Ainsi, pour promouvoir son coton transgénique ­ coton Bt ­ la firme Monsanto a fortement investi dans la recherche agricole du Burkina Faso et du Mali. L’Institut de recherche agricole du Kenya (KARI) conduit, avec le Centre international pour l’amélioration du maïs et du blé (CIMMYT), un programme pour mettre au point un maïs génétiquement modifié résistant aux attaques des insectes foreurs de tiges, financé par la société Syngenta, un des leaders mondiaux de la protection des cultures. La recherche de nouveaux produits pousse aussi les firmes à investir dans la recherche au Sud. Au Ghana, le partenariat Novella implique la firme Unilever, un des géants de l’agroalimentaire, le Centre international pour la recherche en agroforesterie (ICRAF), l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), le Secrétariat d’État suisse aux affaires économiques (SECO) ainsi que l’Institut ghanéen de recherches forestières (FORIG) et des ONG. Il vise à mettre sur pied une chaîne de production d’huile en développant la culture et l’exploitation durable d’Allanbackia, un arbre des forêts tropicales d’Afrique de l’Ouest et du Centre dont les amandes fournissent une huile aux propriétés intéressantes et à haut potentiel commercial. D’autres types de partenariat sont soutenus par des fondations qui souhaitent avant tout avoir une action sur le développement local. C’est le cas du projet africain de sorgho bio-fortifié soutenu par la Fondation Bill et Melinda Gates. Il a pour objectif la mise au point d’un sorgho riche en éléments nutritifs destiné aux pays africains. Le consortium qui comporte des centres de recherche africains, des universités et une entreprise privée a déjà mis au point une première variété. Des PPP équitables Dans tous les cas, il est nécessaire de définir clairement la collaboration entre les participants qui contribuent tous à la planification, aux ressources et aux activités requises pour atteindre l’objectif choisi. En général, le PPP est formalisé dans un contrat qui stipule l’objet de la recherche, les méthodes, la durée, les coûts, les intervenants, le matériel et le partage des retombées financières. Dans les îles Fidji, un projet combine conservation de l’environnement, recherche sur les drogues et développement économiqu. Les villageois immergent en mer des coraux artificiels, rapidement colonisés par des plantes et autres organismes vivants, qui sont vendus à des spécialistes des aquariums. Les villageois ont ainsi un revenu tout en conservant leurs coraux naturels et leurs touristes, tandis que les scientifiques de l’Institut américain de technologie de Georgie peuvent continuer à rechercher de nouveaux médicaments dans les espèces colonisant les récifs coralliens. S’ils en trouvent, les villageois toucheront une part des profits des ventes. L’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages (APA) qui découlent de leur utilisation sont le plus souvent régis par des textes internationaux tels que les Lignes directrices de Bonn. En cas de litiges, les instances juridiques sont parfois amenées à trancher. Un jugement a reconnu les droits de la communauté San d’Afrique australe pour le hoodia, un cactus coupe-faim (voir Spore 99). La firme qui commercialise le produit devra verser aux San 6 % des profits des ventes estimées de 3 à 40 milliards de dollars. Pour éviter ces procédures, la signature d’ententes contractuelles préalables est préférable même si leur élaboration peut prendre de plusieurs mois à deux ans. L’Afrique du Sud, le Guyana, le Malawi et le Vanuatu sont les pays qui ont réglementé le plus précisément l’APA. Quant aux communautés détentrices de savoirs ancestraux et ouvertes à d’éventuels PPP rémunérateurs de leurs savoirs, elles se dotent de plus en plus souvent de conseils de surveillance, habilités à les représenter dans l’examen des propositions de partenariats pour veiller à ce qu’elles soient équitables. Lorsque les initiatives de partenariat viennent des firmes privées, les instituts nationaux de recherche agronomique du Sud doivent veiller à préserver leur indépendance. Mais, de fait, les recherches et les moyens financiers ont tendance à se focaliser sur les cultures d’exportation ou les plus intéressantes pour le Nord. Les cultures peu rentables mais souvent vitales pour les populations locales risquent alors d’être laissées pour compte. Tenir compte des attentes locales D’autres types de partenariat impliquant des entreprises locales ou des groupements de producteurs permettent des recherches mieux adaptées aux nécessités du pays. Par exemple, les recherches liées à une filière spécifique, généralement de produits de rente ­ coton, palmier à huile ­, sont en grande partie financées par les acteurs de ces filières économiquement rentables. En Côte d’Ivoire, le Fonds interprofessionnel pour la recherche et le conseil agricole (FIRCA), qui représente les fédérations de producteurs, est représenté au conseil d’administration du Centre national de recherche agronomique (CNRA) et de l’Agence nationale d’appui au développement rural (ANADER). Il peut ainsi cibler les activités de recherche sur les besoins spécifiques des agriculteurs et en assure la vulgarisation. Le lien entre la recherche et la production agricole nationale est ici très fort et permanent. C’est aussi le cas à Madagascar où le FOFIFA, l’institut national de recherche agricole, travaille, par exemple, avec les exportateurs de vanille biologique. En République dominicaine, un PPP lie l’Institut dominicain de recherche agricole et forestière (IDIAF) à la coopérative de services multiples Francisco del Rosario (CFRS) pour la mise au point d’un mode de transformation des bananes produites par la coopérative en conformité avec son label “bio”. Dans ce contexte où la recherche des pays ACP, particulièrement africains, manque de moyens et dépend de plus en plus des financements privés, les attentes des petits agriculteurs qui cultivent pour leur consommation et le marché local ont bien du mal à être prises en compte. Impliquer les entreprises dans des programmes préalablement définis comme utiles au développement agricole des pays concernés est l’objectif du Forum pour la recherche agricole en Afrique (FARA). Ce forum, de même que le réseau de renforcement de la recherche agricole en Afrique de l’Est (ASARECA), plaide pour une cohérence globale des recherches dans les différentes filières. Il veille à assurer la participation des acteurs locaux (producteurs, distributeurs, vulgarisateurs, etc.) dans le choix des axes de recherche.

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Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 2005
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/63154
https://hdl.handle.net/10568/99639
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