Les trésors de l’eau qui dort

Les zones humides, hautement productives, abritent toutes sortes d’espèces végétales et animales et constituent une réserve mondiale d’eau, d’oxygène et de gaz carbonique. Entre profit et protection, où se trouve le juste équilibre ? Chaque pays a ses zones humides. L’Okavango au Botswana et les marécages du Sudds au Soudan sont des exemples bien connus tout comme les zones riveraines du delta du Niger. Les îles des Caraïbes et du Pacifique ont aussi leurs zones humides, par exemple Vella Lavella dans les Îles Salomon, le réseau de la rivière Sepik en Papouasie-Nouvelle-Guinée et pas moins de 11 zones humides distinctes dans les îles de Trinité-et-Tobago. Au moins 570 millions d’hectares sont considérés comme zones humides dans le monde, soit environ un vingtième de la surface des terres du globe. Qu’est-ce qu’une zone humide ? Estuaires, lagons, marais, marigots, marécages, tourbières et plaines inondées des bassins fluviaux relèvent tous de la définition : ce sont des endroits où l’eau domine l’environnement et détermine la flore et la faune. Le niveau de l’eau peut y être légèrement inférieur, égal ou légèrement supérieur à celui de la terre et cette eau peut être stagnante, courante, soumise aux marées, saumâtre, douce ou salée. Au cours du XXe siècle, la moitié des zones humides du monde a disparu et le rythme ne faiblit pas. La plupart ont été victimes des drainages, de la culture irriguée, de la pollution et de la surexploitation des ressources — poissons, bois et eau. Dans les années 70, le monde a commencé à ressentir le besoin d’agir. Le 2 février 1971 — devenu depuis la Journée mondiale des zones humides —, un traité intergouvernemental sur la protection des zones humides a été signé à Ramsar, Iran, et on le connaît depuis sous le nom de Convention de Ramsar. Aujourd’hui, cette convention compte 132 signataires et concerne 1 178 sites de zones humides, représentant un total de 102 millions d’hectares. C’est le premier traité mondial de ce type sur la protection et l’utilisation rationnelle des ressources naturelles mondiales. Au début, il était surtout axé sur la protection, principalement la sauvegarde de l’habitat des oiseaux aquatiques. Ces dernières années, l’utilisation rationnelle a gagné en importance, y compris dans ses aspects culturels. La prochaine Conférence des signataires de Ramsar aura lieu en Espagne, en novembre 2002, sur le thème ' Zones humides : eau, vie et culture '. Généreuses de nature Dans la plupart des pays ACP, les zones humides, très productives, sont cultivées en saison, sans besoin de jachère ni d’engrais. Après la saison des pluies, on peut y pratiquer des cultures de décrue comme le sorgho. Pendant la saison sèche, les éleveurs les utilisent comme pâturages et pendant les inondations, la fertilité des sols se reconstitue et les zones sont de nouveau exploitées par les pêcheurs. Lorsque les eaux se retirent, les poissons se réfugient dans les ruisseaux et les rivières et le cycle recommence avec de nouvelles cultures. Mais les zones humides sont un trésor pour d’autres raisons. C’est là que viennent frayer la plupart des espèces de poissons commerciaux pêchés en mer. Elles sont aussi le berceau du riz, le nid et le refuge de millions d’oiseaux migrateurs, l’habitat des crevettes, la pépinière des plantes médicinales, des mangroves et des matériaux de construction comme le bois et les roseaux. Dans les zones humides de Diawling en Mauritanie, Sporobolus robustus, une plante pérenne, est utilisé pour fabriquer des nattes et du matériel de pêche, Acacia nilotica fournit les tanins pour les tanneries traditionnelles et le riz sauvage, Oryza barthii, fournit de la nourriture. Ces espèces étaient en voie d’extinction après la construction du barrage de Diama en amont sur le fleuve Sénégal, en 1986. Elles sont réapparues depuis la mise en place, au milieu des années 90, de vannes et de digues qui ont permis de reconstituer les niveaux d’eau douce. La gestion des zones humides est une entreprise complexe, car il ne suffit pas de maintenir l’humidité. Les marécages de Nariva, à la Trinité, sont zone interdite, mais dans les années 80, les cultivateurs ont drainé et occupé des centaines d’hectares pour y cultiver le riz, au grand dam de la Société pour la protection des oiseaux sauvages de Pointe-À-Pierre et malgré les dispositions de la Convention de Ramsar. Au-delà des disputes qu’ils provoquent, les conflits d’intérêts vis-à-vis de l’utilisation des ressources des zones humides peuvent bouleverser le fragile équilibre qui caractérise ces zones. Conversion ou protection ? La plupart des zones humides sont habitées par des usagers très divers qu’il faut associer à tout plan de gestion durable. Les zones humides offrent des ressources et des usages très multiples. Au cours des deux dernières décennies, une approche polyvalente est apparue comme la piste la plus raisonnable pour une utilisation durable de ces ressources. Au niveau gouvernemental, il s’agit de mettre de l’ordre et de régler les droits des habitants — et des autres usagers — à la terre et à l’eau, sans oublier les questions de santé et d’hygiène. Les savoirs locaux, souvent dispersés entre divers usagers, doivent être combinés avec les savoirs scientifiques. Les premières tentatives d’application de cette approche polyvalente des acteurs et des usages commencent à donner des résultats. Dans la zone de Kafue, en Zambie, les premiers accords de partenariat réglementant les droits d’usage de l’eau ont été conclus entre les planteurs de canne à sucre, les communautés locales et le Fonds mondial pour la nature (WWF). Dans la zone d’Illubabor, en Éthiopie, le Programme de gestion des zones humides exécuté par le Wetland Action Consortium et l’Université britannique de Huddersfield s’est attaché à associer tous les acteurs en présence à la gestion et à la planification des activités. La conclusion de ce programme, qui pourrait être partagée partout dans le monde, est qu’une exploitation polyvalente — avec un équilibre entre protection et développement — est une solution viable pour continuer à profiter des bénéfices socioéconomiques tout en laissant la nature jouer son rôle hydrologique et écologique. [caption] à la recherche du paradis perdu.

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Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 2002
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/62930
https://hdl.handle.net/10568/99673
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