La sécurité n’est pas un vain mot

Les accidents dans les champs et dans les fermes sont aussi préoccupants que les graves défauts de sécurité relevés sur l’ensemble de la chaîne alimentaire. Trop peu, trop tard ou, pour ceux qui ne sont pas organisés, trop loin : ainsi se résument les mesures de sécurité pour les producteurs, les transformateurs et les consommateurs du monde entier. Nous avons tous besoin de manger pour vivre et nous devons tous beaucoup à l’agriculture. Mais pourquoi diable la traitons-nous si mal ? À un bout de la chaîne alimentaire, les consommateurs s’indignent à hauts cris des risques que présente pour leur santé une nourriture de qualité suspecte. Mais à vrai dire ce n’est qu’une infime portion du problème de sécurité qui touche l’ensemble de la chaîne alimentaire. De la charrue à l’assiette, on se soucie peu et on parle moins encore de la santé et de la sécurité de ceux qui produisent la nourriture et la transforment. Or, leur santé et leur sécurité sont essentielles. Pour eux-mêmes et, au bout du compte, pour les consommateurs. L’agriculture n’est pas un conte de fées. Le monde agricole est rude, avec ses blessures, ses maladies et ses morts. L’agriculture est le troisième secteur d’activité le plus dangereux après les mines et le bâtiment. Elle emploie près d’un milliard trois cents millions de travailleurs actifs, ou la moitié de la force de travail de la planète. On y enregistre près de la moitié des 250 millions d’accidents du travail survenus dans le monde. Selon les estimations du Bureau international du travail (BIT), 170 000 travailleurs agricoles sont victimes chaque année d’un accident mortel ; 10 % de ces accidents ont lieu en Afrique subsaharienne. Dans les pays ACP et les autres pays en développement, le monde de l’agriculture se caractérise par un nombre élevé de travailleurs indépendants, bien que plus de la moitié des travailleurs agricoles soient salariés. Salarié ou non, personne ne se blesse volontairement, mais beaucoup de gens prennent de gros risques sous la pression de la productivité et pour gagner quelques sous de plus. Mais les dangers sont bien là, en partie liés au manque d’éducation et à l’absence (ou l’insuffisance) de consignes de précaution, et en partie liés à la prédominance de l’argent sur la sécurité. Danger! Paysans au travail La forte proportion d’accidents mortels ou de blessures dans l’agriculture (deux fois plus que dans les autres secteurs) est liée aux conditions de travail particulières. Les travaux agricoles sont multiples et se déroulent le plus souvent en plein air, ce qui expose les travailleurs aux aléas du climat. Beaucoup d’activités sont saisonnières et se font dans l’urgence. En contact fréquent ou permanent avec des animaux et des plantes, les travailleurs agricoles s’exposent aux morsures, aux empoisonnements, aux infections, aux maladies parasitaires, aux allergies, aux intoxications. Les postures de travail qu’impliquent certaines tâches ainsi que l’emploi d’outils manuels ou mécaniques inadaptés entraînent des accidents et des invalidités. Les risques liés aux pesticides et à d’autres produits chimiques sont reconnus. Pourtant, nombre de petits agriculteurs ignorent ces dangers : ils ne reçoivent pas d’instructions claires et pratiques sur le sujet ou n’ont pas de vêtement de protection approprié. Les conditions de sécurité dans les grandes exploitations ne sont souvent pas meilleures. Le BIT a recensé de nombreux cas au Zimbabwe et en Éthiopie où la plupart des travailleurs agricoles, ouvriers saisonniers et occasionnels, ne reçoivent ni formation spéciale ni protection. Hors des champs, l’insécurité est tout aussi préoccupante. Les unités de transformation agricole — en particulier dans le secteur informel — sont petites, mal éclairées, mal ventilées et dotées d’équipements parfois dangereux. Les risques sont sérieux, tant pour la sécurité du personnel que pour l’hygiène et la qualité du produit final. Lisez le règlement Au fur et à mesure que la production s’intensifie, les techniques de culture, d’élevage, de transformation et de distribution deviennent plus compliquées. Chaque nouvelle machine ou chaque nouveau produit chimique, des engrais aux produits de nettoyage, comporte un risque d’effets préjudiciables sur les hommes et l’environnement. Pourtant, le secteur agricole et les organismes ou institutions qui devraient lui garantir un environnement propice sont incapables d’accompagner ces changements par une information, une formation et — avouons-le — des dispositions légales adéquates. Une vingtaine de conventions sur la santé et la sécurité du travail (SST) ont été adoptées par les gouvernements et les organisations d’employeurs et de travailleurs membres du BIT. Des pays comme la Suède et la Finlande ont ratifié plus de 85 % de ces conventions, la plupart des pays ACP en ont signé tout au plus quatre. Même lorsque les lois peuvent être appliquées de façon réaliste, de nombreux pays oublient l’agriculture dans leur législation sur la santé et la sécurité du travail. Si, au Kenya et au Brésil, la loi du travail s’applique à l’agriculture comme aux autres activités, au Ghana, en Sierra Leone, au Soudan et en République démocratique du Congo, les travailleurs agricoles sont exclus partiellement ou totalement de la législation. Dans d’autres pays, la loi a un champ plus vaste. À Fidji, en Namibie et en Afrique du Sud, les employeurs sont tenus pour responsables de la sécurité et de la santé de toute personne (autre que leurs propres employés) qui pourrait être affectée par l’activité de leur entreprise. Ce sont les travailleurs occasionnels et les indépendants qui sont le moins bien protégés. En Éthiopie, on estime que 80 % de l’activité économique échappe aux dispositions du code du travail. Cela concerne tous ceux qui pratiquent l’agriculture de subsistance et particulièrement les femmes qui travaillent sur leur propre ferme ou comme main-d’œuvre saisonnière. Au total, plus de 700 millions de travailleurs agricoles dans le monde (plus de 130 millions dans les pays ACP) ne sont pas couverts par une législation spécifique en matière de santé et de sécurité du travail. Un terrain vierge 'Charité bien ordonnée commence par soi-même !' Cette maxime vaut pour l’agriculture. Le nombre inacceptable d’accidents du travail dans ce secteur pourrait être notablement réduit si les travailleurs adoptaient un comportement plus 'sécuritaire'. Question de formation sur le terrain ? Bien sûr ! Mais surtout, question d’éducation en général. Cas par cas, il est facile de dresser une liste des mesures de sécurité. Par exemple, on pourrait inciter les forgerons à ajouter une protection aux hachoirs qu’ils fabriquent, ou associer les femmes à la conception d’outils manuels plus légers qui provoqueraient moins de lésions musculaires. It is at the grassroots level that safety will take hold, but it is at other levels that it will be made possible. At a seminar on Safety and Health organised in Bamako, Mali, by the ILO, the International Union of Food workers (IUF) and the CTA in December 2000, participants called for action across the political and legislative stage, as well as by civil society and development bodies (more about this in Spore 92). C’est à la base que la notion de sécurité peut prendre corps, mais c’est à d’autres niveaux qu’elle peut se mettre en œuvre. En décembre 2000, au cours d’un séminaire sur la sécurité et la santé organisé à Bamako, Mali, par le BIT, l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation (UITA) et le CTA, les participants ont appelé à des actions politiques et législatives aussi bien que dans la société civile et les organisations de développement (Spore 92 en dira plus à ce sujet). La sécurité dans l’agriculture reste un terrain vierge en termes de politique de développement. Elle a tout simplement été négligée par de nombreuses institutions nationales et internationales pendant des décennies. Cela pourrait changer bientôt : une convention sur la sécurité et la santé dans l’agriculture sera soumise à l’approbation de l’assemblée générale du BIT en juin 2001. Elle s’est fait attendre, mais elle est ambitieuse et, grâce à ses initiateurs, globale. Elle insiste sur la nécessité d’assurer la sécurité des travailleurs agricoles indépendants ou saisonniers, des femmes et des jeunes au même titre que les autres travailleurs. Toutefois, cette convention ne concerne pas l’agriculture de subsistance et la foresterie, ni les activités de transformation agroalimentaire, ces dernières relevant en principe des conventions industrielles. Ce qu’elle propose devrait pourtant se traduire par de nouveaux comportements chez tous ceux qui œuvrent dans le secteur formel, inspecteurs gouvernementaux ou responsables syndicaux. Son adoption est en soi un gigantesque défi, comme l’ont souligné les participants à l’atelier de Bamako. Mais le plus difficile sera probablement de trouver les moyens de concrétiser sur le terrain ce qu’elle préconise. Nous avons tous besoin de manger et nous avons tous besoin de sécurité. Voir Repères, pour les sources d’information relatives à la santé et la sécurité. [points clés] Mesures nécessaires pour promouvoir la santé et la sécurité du travail en agriculture : — développer un programme scolaire et des campagnes de sensibilisation ; — recycler les vulgarisateurs, les ingénieurs agronomes, les inspecteurs gouvernementaux et les responsables syndicaux ; — encourager (subventions, récompenses, primes) la fabrication d’outils et d’équipements sécurisés ; — promouvoir des pratiques sûres d’utilisation, de stockage et d’évacuation des produits chimiques à tous les stades de la production agricole ; — renforcer les capacités des institutions nationales à faire respecter les mesures de sécurité ; — impliquer les organes chargés de la sécurité dans la formulation et la mise en œuvre des politiques agricoles ; — bâtir un cadre juridique général et adopter la convention du BIT.

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Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 2001
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/62523
https://hdl.handle.net/10568/99664
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