Qui survivra

La réglementation des médias a été libéralisée dans de nombreux pays ACP et pourrait l’être bientôt dans les pays plus hésitants. Cette libéralisation offre en effet de nombreuses opportunités pour une information plus diversifiée. À condition toutefois que les moyens financiers soient au rendez-vous, qu’ils proviennent des profits de la publicité par exemple, générés par le marché médiatique, ou de soutiens extérieurs et de partenariats. La libéralisation a déjà affaibli la vulgarisation et les programmes d’information rurale; elle ébranle maintenant la base financière de la communication pour le développement. Quelles peuvent être, dans ces conditions, les perspectives de ces femmes pionnières de la vidéo rurale? Chido Matewa s’en est entretenue avec Piet van der Akker, journaliste ACP. Les activités des médias sont encore sévèrement encadrées au Zimbabwe. Chido Matewa fait partie de celles et de ceux qui attendent avec impatience le souffle du changement. Mais elle n’est pas du genre à se croiser les bras en attendant un miracle. Elle s’occupe activement d’établir la communication avec et entre les femmes, particulièrement dans les campagnes de son pays. La projection collective de productions audiovisuelles réalisées en coopération avec les femmes des campagnes s’est révélée un excellent moyen de communication et de conscientisation. Les coproductions de vidéos avec les femmes ont couvert des sujets importants comme la santé, la reproduction, le crédit et l’épargne, la production et la sécurité alimentaires, les questions foncières. Ces nombreuses productions sont autant de partenariats authentiques entre les 'professionnelles' de la communication et les communautés locales. Leur nombre atteste que la communication à la base peut être très efficace. La démarche de l’AWFM n’est pas unique : le paysage audiovisuel du Zimbabwe fourmille d’initiatives du même genre, observées avec intérêt dans toute l’Afrique australe et au-delà. Mais ce paysage est aussi régi par des lois strictes qui donnent au gouvernement un contrôle complet des médias imprimés et audiovisuels. Chido Matewa compte bien que cela aussi change radicalement, et dans un futur proche. Aussi prévoit-elle pour les cinq ans à venir l’éclosion de nombreuses nouvelles publications et la prolifération de stations de radio ou de télévision, certaines axées sur le monde rural. Au bout du compte, pense-t-elle, le gouvernement finira par céder face à la demande pour un pluralisme dans la communication de masse. Elle n’est pourtant pas sûre qu’en émerge une situation vraiment nouvelle : quand les lois du marché remplaceront ou compléteront celles de l’État, d’autres règles du jeu seront introduites. Chido signale d’abord que la mauvaise situation économique actuelle du Zimbabwe rendra très difficile le lancement et la survie de nouveaux médias. Elle s’attend à une situation confuse, avec des initiatives mais beaucoup d’échecs, et une concurrence féroce pour capter l’audience. Or, ajoute-t-elle, seul le marché urbain peut fournir aux médias les moyens de survivre. La bataille pour s’attacher la faveur des consommateurs sera donc limitée aux villes. Dès lors, Chido Matewa ne voit pas comment les 65 % de ruraux que compte son pays pourront tirer parti de la libéralisation du marché de l’audiovisuel. C’est pourquoi elle espère que l’aide extérieure pourra continuer à soutenir les initiatives des médias en direction du monde rural. Elle souhaite qu’en dépit des dures conditions économiques qui règnent actuellement au Zimbabwe il reste un espace de liberté pour le développement de radios indépendantes, rurales et urbaines (voir Spore n° 84). En ce qui concerne sa Fondation, Chido espère vivement que les agences d’aide ne cesseront pas de soutenir les ateliers de visionnage collectif devenus si populaires auprès des femmes des campagnes. La réussite ne se mesure pas seulement en termes financiers, et il faut se le rappeler dans le développement de stratégies à long terme de communication rurale. Les jeunes pousses sont fragiles : il faut les protéger. [caption] Chido Matewa dirige l’African Women Film Makers Trust (AWFM, Fondation des réalisatrices audiovisuelles africaines), basé à Harare, au Zimbabwe. La Fondation rassemble des productrices indépendantes, des réalisatrices, des distributrices ou utilisatrices de films et de vidéos sur les femmes, leurs droits ou d’autres sujets les concernant. Les questions agricoles sont importantes dans son approche. Les opinions exprimées dans ce Point de vue sont celles de l’auteur, et ne reflètent pas nécessairement les idées du CTA.

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Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 2000
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/62210
https://hdl.handle.net/10568/99658
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