Les criquets de l'an 2000 - 2

La disparition des grandes invasions de criquets observée depuis une vingtaine d’années ne signifie pas que tout risque soit écarté', lisait-on dans l’article que le premier numéro de Spore consacrait au sujet. Nous étions en mars 1986. Où en sommes-nous quatorze ans plus tard? Les criquets détruisent encore chaque année les cultures des pays en développement. Entre 1987 et 1988, les criquets pèlerins (Schistocerca gregaria) ont envahi les pays africains situés au nord de l’équateur. Ils se sont déplacés d’est en ouest et jusqu’en Afrique du Nord avant de traverser l’Atlantique pour s’abattre sur les Antilles et l’Amérique du Sud en octobre 1988. L’accalmie est de courte durée pour le continent africain. De nouvelles invasions menacent les pays du Sahel (la Mauritanie et le Soudan, notamment) en 1993-1994 puis en 1998. Mais elles sont de moindre ampleur que les précédentes et rapidement maîtrisées. Quant aux criquets migrateurs (Nomadacris septemvasciata), leurs invasions sont plus localisées, comme on l’observe dans le bassin du lac Tchad depuis 1997 et à Madagascar dont les 4/5 du territoire sont aujourd’hui ravagés (voir Spore n° 76, page 8). D’autres criquets font également parler d’eux hors de leur aire habituelle de pullulation : depuis 1995, on remarque une recrudescence de criquets sénégalais en Tanzanie et en Zambie. Anticiper et prévenir Généralement, la lutte anti-acridienne est menée par les services nationaux de la protection des végétaux et des organisations suprarégionales. Sans soutien extérieur, ceux-ci sont dans l’impossibilité d’assumer les coûts élevés des campagnes et font donc appel à la FAO ou directement à des bailleurs de fonds nationaux. Entre 1986 et 1993, les opérations menées sur environ 30 millions d’hectares en Afrique ont coûté 375 millions d’euros, pris en charge pour plus de 85 % par la communauté internationale. Aujourd’hui, la baisse des dépenses affectées à la lutte anti-acridienne en Afrique ne signifie pas que le problème est définitivement résolu. Le risque s’est déplacé ailleurs, mais la calamité coûte toujours très cher. L’aide d’urgence consiste essentiellement à fournir des produits, des équipements et des matériels nécessaires à la lutte contre les invasions (véhicules, vêtements de protection, insecticides…). Depuis 1989, des recherches sont en cours pour trouver des produits moins nocifs pour l’environnement que les insecticides chimiques : des biopesticides à base de champignons pathogènes, par exemple. Un groupe d’organisations internationales de recherche, appelé LUBILOSA (LUtte BIologique contre les LOcustes et les SAutériaux) a ainsi mis au point un insecticide naturel obtenu à partir des spores d’un champignon d’origine africaine, le Metarhizium flavoviride, baptisé Green Muscle (voir Spore n° 78, page 6). Produit au Niger et au Bénin, il est encore peu utilisé. Bien qu’il constitue l’une des alternatives biologiques les plus intéressantes à l’emploi des insecticides chimiques, son efficacité est moindre — surtout dans le cas d’une infestation massive — et son usage plutôt réservé aux actions de prévention. Un rôle majeur revient, en effet, aux méthodes de lutte préventive. En 1994, la FAO, qui coordonne l’ensemble des opérations de lutte contre les acridiens, a créé un programme auquel coopèrent par exemple la GTZ (Allemagne) ou le Cirad (France). Au sein du système EMPRES (Emergency Prevention System for Transboundary Animal and Plant Pests and Diseases), ce programme vise à améliorer les moyens de dépistage du fléau par la mise en place d’une structure de surveillance (le Groupe Acridiens) chargée de détecter le démarrage d’une invasion. Ce programme a prévu, par ailleurs, des actions de formation théorique et pratique auprès des personnes concernées par la lutte anti-acridienne. La surveillance par satellites offre, pour sa part, la possibilité d’évaluer l’état des lieux dans les zones reculées — où il est difficile d’avoir des informations de terrain — et d’anticiper sur l’apparition de points chauds. Enfin, la modélisation, voie explorée par la recherche depuis 1990, devrait permettre de repérer plus rapidement les zones à haut risque et d’intervenir à temps de façon appropriée. Il s’agit de bâtir des modèles à partir du recensement de points communs observés d’un pays à l’autre (même végétation, même climat, mêmes espèces de criquets). Dans un futur proche, les déplacements de criquets pourront être intégrés aux modèles en tenant compte des vents et des reliefs. Pour l’heure, à Madagascar, l’utilisation de la pluviométrie a servi à développer un modèle pouvant servir partout où les conditions climatiques ou environnementales seraient, comme dans l’île, favorables à une invasion de criquets migrateurs. Or, l’exemple de Madagascar le montre : bien des difficultés sont à surmonter. Elles sont d’ordre politique (polémiques sur les stratégies de lutte), financier (le coût de maintenance de structures de contrôles pendant les périodes de rémission est élevé) et technique (absence de matériels, de produits ou de personnels). D’une manière générale, l’absence de continuité dans les actions de surveillance et de prévention entre deux situations critiques reste préoccupante. Alors qu’il faudrait se méfier de l’eau qui dort… Pour plus d’informations : FAO, EMPRES - Desert Locust Information Service Site Web : http://www.fao.org. GTZ-Projet 'Lutte contre les acridiens en Afrique' Postfach 5180 65726 Eschborn - ALLEMAGNE Fax : + 49 6196 79 7413 E-mail : stephan.krall@gtz.de CIRAD-Prifas, BP 5035 34032 Montpellier cedex 1 - FRANCE Les Dents du ciel II : la lutte intégrée contre les criquets en Afrique sahélienne. Bande dessinée écrite par M. Launois et illustrée par T.M. Luong. Coédition CIRAD-GERDAT-PRIFAS-CTA, 1996. 46 pages. ISBN 2-87614-222-8, n° CTA 719, 10 unités de crédit.

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Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 1999
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/62092
https://hdl.handle.net/10568/99657
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