Organisations paysannes le chainon manquant

L'union fait la force, c'est un fait avéré. Prenez n'importe quelle économie qui réussit et vous verrez que sa force vive provient surtout de l'activité collective. Des syndicats d'enseignants aux coopératives de femmes, des personnes de tous horizons puisent une énergie nouvelle en travaillant ensemble. Mais les organisations paysannes restent rares et isolées car, jusqu'à récemment, les agriculteurs des pays ACP n'étaient pas encouragés à se regrouper pour défendre leurs intérêts. C'est là le chaînon manquant de notre stratégie de développement. Le climat actuel de l'économie kenyane ouvre de nombreuses opportunités aux agriculteurs. Le gouvernement libéralise son économie et grâce à la réduction du contrôle des prix, jamais époque n'a été aussi propice à l'initiative personnelle. Les agriculteurs doivent s'allier pour profiter de ces nouvelles ouvertures et le rôle du KNFU, le syndicat national des agriculteurs kenyans, est de les y aider. L'organisation fait pression à la fois sur les hommes politiques et les membres du secteur privé en vue d'influer sur la politique du gouvernement et sur le monde des affaires. Notre but est de convaincre les personnalités influentes d'appréhender les choses du point de vue des agriculteurs. Ayant beaucoup voyagé à travers l'Afrique, je suis déçu que les organisations paysannes ne prennent pas plus vite de l'ampleur. Le KNFU aimerait que cette situation évolue et que, dans l'ensemble des pays africains, chaque agriculteur adhère à une organisation paysanne puissante. Il serait alors possible de créer des liens entre les groupements d'agriculteurs des différents pays afin que nos vues soient comprises tant au niveau des instances politiques panafricaines qu'au niveau national. Au Kenya, par exemple, nous sommes déjà en relation avec le syndicat national des agriculteurs du Zimbabwe ainsi qu'avec d'autres organisations en Afrique. Mais cela reste insuffisant et nous avons besoin d'entrer en relation avec les plus grandes organisations politiques africaines. Nous devons développer un front uni au sein de la communauté agricole, et nous ne réussirons pas si seuls quelques pays ont la capacité de s'organiser et de créer des groupes qui puissent représenter et parler au nom des agriculteurs. Former une organisation paysanne florissante ne va pas sans difficultés. Le financement en est une. Le KNFU n'est pas une entreprise commerciale et l'adhésion y est volontaire. L'organisation dépend de l'aptitude des fermiers à payer une cotisation en fonction de la taille de leur exploitation. Si votre ferme est importante, vous payez davantage, sous la forme d'un petit prélèvement calculé sur le chiffre d'affaires. Si votre exploitation est petite, vous payez moins. Malgré cela, le financement est souvent bien en deçà de ce qui est nécessaire au fonctionnement d'une organisation telle que la nôtre. Nous pensons qu'une politique nationale devrait être mise en place qui faciliterait le regroupement des agriculteurs et le paiement de leurs cotisations. C'est ce qui se passe pour les mouvements syndicaux : les membres ont des facilités leur permettant db prélever ces cotisations sur leurs salaires. Nous croyons que les agriculteurs ont besoin d'une législation appropriée qui permettrait aux membres d'autoriser leurs offices de commercialisation à verser ces cotisations en leur nom. Notre principal objectif est de favoriser la prospérité d'un plus grand nombre d'agriculteurs. Les organisations paysannes contribuent à réduire la dualité du monde agricole, en diminuant l'écart entre les très gros exploitants et les petits agriculteurs de subsistance. Le KNFU est une institution totalement démocratique chaque membre a les mêmes droits, quel que soit le montant de sa cotisation. Nous pensons que les institutions rurales devraient être renforcées afin de valoriser les ressources disponibles, et que ces ressources devraient rester le bien du monde rural plutôt que d'être aspirées, puis englouties par les zones urbaines. Il devrait exister des institutions capables de mobiliser les ressources disponibles pour les agriculteurs et de les réinvestir ensuite dans le développement. Atteindre les marchés est l'un des principaux défis que doivent relever les petits agriculteurs de subsistance comme les gros exploitants. Les chances de réussite sont plus grandes lorsqu'on travaille en groupe. Les producteurs laitiers, par exemple, ont besoin de se concerter pour organiser la collecte, le refroidissement, le stockage et le transport du lait. En mobilisant leurs ressources et en mettant en place ces infrastructures, les agriculteurs pourront tirer le meilleur de leur production, quelle qu'elle soit, et mieux se positionner pour la commercialiser. Les mouvements coopératifs les plus efficaces ne sont pas seulement soutenus par les agriculteurs, mais détenus et contrôlés par eux. Autrefois, l'intervention de l'Etat dans l'agriculture a toujours été forte, mais au Kenya la situation est en train de changer et le gouvernement laisse de plus en plus les agriculteurs gérer eux-mêmes leur exploitation. Ce n'est qu'ainsi que nous pourrons faire bouger les choses dans l'avenir. En Afrique, nous sommes confrontés à une situation où les agriculteurs n'ont d'autre alternative que de travailler ensemble s'ils veulent réussir. Alors que les gouvernements libéralisent l'économie, de nombreuses opportunités apparaissent. Cela se vérifie particulièrement au Kenya dans le secteur horticole où les exportations de légumes, de fleurs et de fruits frais ont fortement augmenté. En outre, la transformation ou, plus simplement, un conditionnement plus attrayant et le développement d'une image de marque peuvent accroître la valeur des produits. Pour les agriculteurs, le grand défi est de produire la bonne quantité du produit adéquat, à la qualité requise et au juste prix. Ici encore, les associations d'agriculteurs peuvent jouer un rôle en fournissant une partie de ces informations de marché et même certains services de commercialisation. Le pouvoir et l'influence sur le marché sont souvent le reflet de la dimension de l'entreprise, et les individus pourront profiter de cette influence en se regroupant. Au Kenya, nous avons déjà une expérience considérable en matière de coopératives et nous aimerions voir celles-ci grandir afin qu'elles puissent offrir plus de services et multiplier leurs activités. Auparavant, l'Etat intervenait souvent au niveau des coopératives mais aujourd'hui, il laisse les agriculteurs s'occuper eux-mêmes de leurs associations et pour nous, cette période est décisive. Les opinions émises dans cette tribune libre n'engagent que leurs auteurs. Elles ne sauraient être attribuées au CTA.

Saved in:
Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 1997
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/61582
Tags: Add Tag
No Tags, Be the first to tag this record!