L'information pour le développement rural les ACP identifient leurs priorités
Conséquence directe de la libéralisation politique et économique, l'information et la communication sont devenues des ressources de première importance pour les opérateurs économiques qui doivent définir leurs stratégies d'entreprise. Les décideurs politiques ont eux-mêmes, aujourd'hui, des besoins similaires pour éclairer les stratégies qui détermineront largement l'avenir de la société civile. Les courants d'informations indispensables sont chaque jour plus complexes, pour répondre à des besoins qui évoluent dans le temps et dans l'espace, en fonction des situations régionales. L'identification des thèmes d'information prioritaires pour le développement rural - à laquelle le CTA a consacré un important séminaire réuni en octobre dernier aux Pays-Bas - est donc bien une tâche aussi ardue que nécessaire. Chacun sait, aujourd'hui, l'influence primordiale de la communication et des informations qu'elle véhicule sur la bonne marche des affaires : sans informations, pas d'entreprises. En économie libérale, donc en situation de concurrence, la vitalité des entreprises repose entre autres choses sur les capacités d'initiative de leurs promoteurs - producteurs ou artisans ruraux, par exemple - et sur leurs facultés d'adaptation aux marchés. Une réalité que le Dr Howard Elliott, directeur adjoint de l'ISNAR (1), résumait d'une formule lapidaire - 'Dans un marché compétitif il ny a que la rapidité ou la mort' - lors du séminaire 'Wageningen 2' sur les thèmes prioritaires d'information pour l'agriculture des pays ACE On sait également, comme l'a rappelé Roland Guis, représentant du ministère français de la Coopération, qu'en matière de communication avec les acteurs de base, à l'échelle locale, 'le dernier kilomètre reste le plus difficile à franchir'. Cependant, les institutions de coopération internationale et d'appui qui, comme le CTA, s'attachent à améliorer l'accès aux données et aux informations utiles, n'ont pas vocation d'intervenir elles-mêmes directement au village, au bord de la parcelle. Pour ce niveau d'échelle, clairement du domaine des responsabilités nationales ou locales, 'l'analyse de l'évolution des besoins des partenaires ACP montre que [nous devrions] accentuer [nos] efforts consacrés au renforcement des capacités de gestion de l'information et de communication des pays ACP', ce qui constitue, ainsi que l'a rappelé le Dr R.D. Cooke, directeur du CTA, le second des deux grands objectifs du Centre. En revanche, ce 'dernier kilomètre' entre désormais directement dans le champ de compétence et d'action des 'nouveaux acteurs de la société civile' que sont les organisations paysannes et rurales. Au début des années 80, c'est une information essentiellement scientifique et technique (IST) que les services administratifs d'encadrement du monde rural se chargeaient de vulgariser et de transmettre aux paysans. En fin de compte, selon Günter Dresrüsse, chef de la division de la GTZ (2) Agriculture, Foresterie et Aide d'urgence aux réfugiés, 'tous les systèmes élaborés pour réaliser ce transfert du savoir selon un schéma en cascade se sont à gauche, et de M. Umar, directeur de I'IRETA (Pacifique), au centre. montrés inefficaces et extrêmement coûteux'. En octobre 1996, alors que l'IST n'est plus le seul type d'informations utiles et qu'elle n'est même plus toujours perçue comme une urgence, les soixante-dix participants du séminaire Wageningen 2, dont une cinquantaine de ressortissants ACP, étaient réunis pour tenter de répondre à la question : quels sont, aujourd'hui, selon les régions, les thèmes d'informations prioritaires pour le développement agricole et rural ? Des politiques agricoles appropriées et la formation des ressources humaines Globalement, certaines contraintes sont bien connues pour exercer leurs effets néfastes dans la plupart des régions. En préalable aux travaux des six ateliers régionaux du séminaire, M. Baba Dioum, coordinateur de la conférence des ministres de l'Agriculture de l'Afrique de l'Ouest et du Centre, en a dressé une liste sans complaisance : 'Les modèles de développement agricole administrés, basés sur l'intensification systématique [qui] ont engendré un comportement attentiste des producteurs ; le manque de vision à long terme [qui] n'a pas permis d'intégrer les stratégies propres des producteurs à la place centrale ; l'absence de mécanismes de concertation entre les différents acteurs concernés par les politiques de développement agricole; l'inaccessibilité des facteurs de production ; l'inadaptation des politiques commerciales ; l'inefficacité des services d'appui et de conseil diffusant l'information agricole... ': Et surtout, en épilogue de cette typologie longue de quatorze points, M. Baba Dioum place 'l'absence de politiques agricoles et de stratégies nationales appropriées [qui] constitue l'entrave majeure au développement du secteur'. Le Dr Howard Elliott se demande pour sa part 's'il existe des capacités d'analyse politique dans les pays en développement, déjà à l'ouvre pour aider les décideurs à positionner correctement leur pays'. Soulignant l'importance cruciale des recherches en matière de politiques pour la prise de décision dans le secteur agricole, le Dr Elliott estime que 'si de telles capacités n'existent pas dans le système de recherche, il faudrait passer des accords avec des universités ou des instituts spécialisés pour préparer le futué'. Selon Günter Dresrüsse, le problème du développement et de la formation des ressources humaines apparaît central. 'Les expériences de ces dernières décennies ont bien démontré, que le capital humain est finalement le facteur clef' et qu'il apparaît 'de plus en plus clair que le défi auquel devra faire face l'agriculture au début du prochain millénaire, c'est-à-dire de produire suffisamment de nourriture pour répondre à la demande, réclame avant tout un renforcement sans précédent du savoir des producteurs'. Une volonté commune d'aboutir Au-delà de ces grandes contraintes générales, souvent très pesantes, la question - très largement ouverte - de l'identification des spécificités régionales en matière de priorités d'information appelait une méthodologie d'approche rigoureuse et homogène. Le document de cadrage du séminaire, élaboré le Dr Guy Rocheteau, consultant du CTA, proposait six grandes rubriques thématiques identifiées sur la base de l'analyse des points de vue et sensibilité de différents partenaires du Nord et des pays ACP. 'Les diagnostics de situation et les orientations stratégiques jugées nécessaires pour stimuler le développement rural sont, dans leurs grandes lignes, remarquablement semblables dans l'ensemble des pays ACP [et] rien de ce qui en ressort n'est en contradiction avec les conceptions émanant des autres acteurs', constate Guy Rocheteau, pour qui 'ce consensus ( ..) est beaucoup plus qu'un compromis de façade entre des partenaires pouvant avoir des intérêts divergents. Il reflète une volonté commune d'aboutir, dans l'intérêt de tous'. En retrait : la pauvreté rurale et les femmes Alors que certains partenaires notamment européens y sont très attentifs, la réduction de la pauvreté en milieu rural n'a guère retenu l'attention des participants ACP. Le thème a même été délibérément écarté en réunion plénière - non, d'ailleurs, sans réactions dans l'assemblée - au motif que la réduction de la pauvreté serait un résultat du développement. A noter également le faible écho accordé au rôle spécifique des femmes dans le développement rural qui n'apparaît qu'en sous rubrique du thème mobilisation de la société civile, au même titre que le renforcement des associations paysannes. Evolution également sensible, le renforcement de la composante Recherche au sein des Systèmes nationaux agricoles n'est plus affiché, sauf pour l'Afrique centrale, comme une première urgence. Bien en accord avec le fait aujourd'hui reconnu que la seule production de solutions techniques ne suffit pas à assurer le développement, cet affichage 'en retrait' est néanmoins remarquable au sein d'une, assemblée elle-même plus qu'à moitié constituée de chercheurs de haut niveau et de responsables de services nationaux de recherche et de développement. La science et ses produits n'en sont pas pour autant ignorés puisqu'on les retrouve formulés, notamment par le groupe Afrique de l'Ouest, en termes de priorités d'information : 'reconditionnement des résultats de la recherché' pour les rendre accessibles, considéré comme e une haute priorité, 'formation des chercheurs en rédaction/communication', et enfin, avec une moindre urgence, 'inventaire des programmes de recherche en cours et des ressources humaines'. Gestion durable : des attentes techniques et politiques Jugé essentiellement 'académique' ou 'sans conviction', sans doute un peu vite, par certains participants, l'intérêt porté à l'environnement se traduit en fait par une dizaine de sous thèmes prioritaires d'information. Les technologies appropriées à la gestion des ressources naturelles - en particulier pour l'eau, très souvent citée - sont largement souhaitées, associées à des informations sur les systèmes de production optimisés à cette fin. Depuis les politiques et procédures de gestion foncière, dont on sait l'influence sur les comportements des producteurs et la fertilité des milieux, jusqu'au développement de la pêche, de la foresterie ou de l'écotourisme (dans la zone caraïbe), l'intérêt pour la gestion durable des ressources naturelles est largement partagé. Le groupe Afrique centrale fait même de la lutte contre la désertification une de ses deux priorités spécifiques, l'un des représentants d'ONG à Wageningen, le Camerounais Bernard Njonga, secrétaire général du Service d'appui aux initiatives locales de développement, expliquant que 'la région voit aujourd'hui des taches de désert apparaître jusque dans les zones forestières'. Même attention soutenue de la part du groupe Pacifique confronté, en particulier dans les atolls, à des pertes considérables de fertilité des sols autant que de disponibilité des savoir-faire locaux : 50 % dans les deux cas. Pour se tourner vers les marchés Améliorer les possibilités d'accès aux marchés compte, de manière générale, parmi les priorités fortes identifiées par les ateliers qui ont énoncé, à ce titre, de multiples besoins d'informations destinées aussi bien aux opérateurs économiques qu'aux décideurs politiques. Un premier champ couvre des aspects essentiellement technologiques dont la maîtrise conditionne la mise en marché. L’information manque ainsi encore aux acteurs économiques en particulier sur les traitements après récoltes, le stockage, la réduction des pertes, et les transformations jusqu'au développement d'agro-industries de taille appropriée. Soulignées par les ateliers africains, l'insuffisance des infrastructures routières et de stockage et, pour les régions francophones, l'inefficacité des marchés nationaux d'intrants agricoles induisent des besoins de communication entre milieux professionnels et décideurs politiques. Plus directement liés à la commercialisation, d'autres sous thèmes soulignent les besoins des opérateurs en matière de connaissance des marchés, de techniques commerciales et de marketing, de crédit, de réglementation des marchés, de connaissance des normes des produits, notamment sur les marchés d'exportation. Une meilleure connaissance des facteurs de compétitivité des filières leur est également nécessaire, de même qu'aux décideurs politiques dont les interventions réglementaires de toutes sortes - taxes douanières ou normes sanitaires, par exemple - influent souvent encore autant sur la compétitivité d'une filière que sur les seuls coûts de production. Les conditions de compétition déloyales sont ainsi relevées comme une contrainte par le groupe Afrique australe. De manière très caractéristique, l'Afrique australe établit ses priorités d'information spécifiques essentiellement en référence à la gestion commerciale, aux technologies et, surtout, au renforcement des compétences humaines en matière de production, conditionnement et gestion de l'information. De son côté, l'Afrique de l'Est exprime très clairement la quasi-totalité de ses thèmes prioritaires par des besoins d'informations sur des situations et des expériences concrètes, succès aussi bien qu'échecs. Partout, en fait, l'idée a fait son chemin, en quinze ans d'ajustement structurel, que c'est bien vers les marchés solvables que doivent s'orienter les stratégies d'entreprise et de développement. Connaissance des marchés, conditions d'accès, normes et règlements, maîtrise de la gestion commerciale : les priorités d'information affichées traduisent des besoins liés à la conquête des marchés. Améliorer la production et les systèmes agricoles nationaux Face à cette volonté d'accéder à des marchés nationaux ou régionaux, voire de prendre des parts sur le marché mondial, les besoins prioritaires d'information liés à la production touchent aussi bien les transferts de technologies maîtrisées au sein des grandes zones agro-écologiques ACP et les savoir-faire locaux que les usages appropriés des biotechnologies et des ressources génétiques. Un large éventail de sous thèmes traduit de manière significative la sensibilité aux questions de durabilité : la lutte intégrée contre les ravageurs, les systèmes de productions intégrés réunissant culture, élevage et foresterie, l'utilisation optimisée de l'énergie, des équipements, de l'eau ou des sols aussi bien que des intrants chimiques. C'est sans doute pour le renforcement des Systèmes nationaux agricoles que les thèmes d'informations prioritaires font le plus directement référence au domaine des politiques. Ainsi, la 'fourniture d'informations aux planificateurs et aux décideurs' apparaît nécessaire pour éclairer la formulation de politiques appropriées. L’amélioration des liaisons entre secteur privé ou associatif et secteur gouvernemental appelle des efforts particuliers de communication, de même qu'au long de la chaîne fermiers vulgarisateur cherche. Là encore, le renforcement des ressources humaines en matière de communication, de coopération avec les médias et de gestion de l'information et de la documentation est jugé déterminant. Le champ des besoins d'information pour le développement est trop vaste et surtout trop évolutif pour qu'il soit possible de dresser une liste définitive de priorités. Les différents ateliers ont d'ailleurs identifié des mécanismes de suivi et de mise à jour, propres à chaque région, qui font largement appel aux Comités régionaux d'évaluation, de programmation et de suivi (CREPS). Thème sans doute trop global et un peu abstrait, la mobilisation de la société civile n'apparaît que fort discrètement en termes de thèmes d'informations spécifiques. Cependant, au-delà du renforcement des organisations paysannes, des ONG et des associations rurales féminines, elle se retrouve avec constance en filigrane d'autres rubriques dès lors que l'essentiel des priorités d'information identifiées vise à accroître les compétences et les capacités d'entreprise des acteurs du développement rural et leurs possibilités d'adaptation aux marchés. (1) ISNAR : International Service for National Agricultural Research (CGIAR) (2) GTZ : Deutsche Gesellschaft für technische Zusammenarbeit. (Agence allemande de coopération)
Main Author: | |
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Format: | News Item biblioteca |
Language: | French |
Published: |
Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
1997
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Online Access: | https://hdl.handle.net/10568/61427 |
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