Du lait frais pour l'Afrique urbaine

La demande africaine en produits laitiers est en pleine croissance. Dans le même temps, les importations laitières se font plus rares et onéreuses, ce qui offre un créneau porteur pour les productions locales. Cependant des politiques appropriées doivent jalonner cette route vers une meilleure autosuffisance. I1 est notoire que les consommateurs urbains sont beaucoup plus demandeurs de produits laitiers que les ruraux. La forte croissance des villes africaines oriente ainsi ce marché vers une progression estimée à 70 % au cours de la période 1990-2010 (Winrock 1992). Dans le passé, on pouvait importer à des coûts relativement bas de grandes quantités de produits laitiers en provenance de pays dont la politique agricole favorisait la surproduction, et subventionnait la transformation et l'exportation. Aujourd'hui, l'Union européenne, l'Australie et la Nouvelle-Zélande ayant modifié leur politique en réduisant ou en supprimant les subventions à ce secteur, les nations importatrices rencontrent des difficultés et des coûts d'importation plus élevés. Elles peuvent donc choisir de développer leur propre secteur laitier. La plupart des pays d'Afrique de l'Est peuvent potentiellement produire assez de lait pour faire face à leurs besoins domestiques. Certains pays d'Afrique de l'Ouest ont aussi la capacité de répondre en grande partie à leurs besoins. Le développement d'une véritable industrie laitière présente plusieurs avantages. Audelà des économies de devises nécessaires aux importations, la production et la transformation laitières sont des activités génératrices d'emploi, en particulier dans les zones rurales qui sont les premières concernées par ce secteur. Les résidus de culture servent à l'alimentation du bétail et une meilleure intégration du cheptel dans les systèmes de production agricole peut améliorer le rendement global à l'hectare et apporter des solutions plus durables (voir Spore 58, L'élevage en question). Autre avantage, la tenue des comptes prévisionnels nécessaire au succès d'une exploitation laitière renforce les capacités de gestion des exploitants. Négligé en dépit de ces avantages, le secteur laitier a très souvent souffert de politiques favorables aux importations de lait en poudre, reconstitué ou transformé par des usines situées dans les principaux centres urbains. Une alternative pour le progrès Dans la plupart des pays africains, l'essentiel du lait provient de petites exploitations mais, à l'exception du Kenya, seule une petite partie de cette production locale circule sur le marché officiel. La coordination entre producteurs et grossistes, transport et distribution est quasiment inexistante. Les distances, les défaillances du réseau et du transport routiers et le manque de moyens de réfrigération empêchent la plupart des producteurs ruraux de fournir du lait frais de bonne qualité aux consommateurs et transformateurs potentiels des zones urbaines. Pour contourner ces difficultés, certains centres urbains disposent de laiteries installées en périphérie. Kampala, en Ouganda, offre l'un des exemples les plus réussis de ces implantations laitières périurbaines. Dans les années qui ont suivi la guerre civile, la FAO, la Banque mondiale et le DANIDA (Danemark) ont fourni les fonds, le bétail, l'équipement et la formation nécessaires à l'implantation d'unités de production laitière à proximité de la ville. Les besoins laitiers de Kampala, qui étaient couverts à 90 % par l'importation en 1986, sont satisfaits à 90 par la production locale depuis 1992. Fraîcheur et production locale Chaque médaille a pourtant son revers. Il faut faire venir de grandes quantités de fourrage de régions reculées. Les consommations d'eau sont importantes et les risques de pollution inhérents au fumier, comme l'odeur et les rongeurs qu'il attire, doivent être gérés dans des zones très peuplées. La production laitière de petites exploitations rurales ne présente pas les mêmes inconvénients. Le fourrage est plus accessible. Le fumier trouve son emploi naturel dans la fertilisation des cultures alors que les risques de nuisances pour le public sont quasiment nuls. Deux problèmes, cependant, restent entiers le transport et la conservation. Le développement des régions rurales stagnera tant que les réseaux routiers ne permettront pas d'organiser les transports vers les zones urbanisées par tous les temps. De plus, la production laitière de chaque ferme doit être acheminée vers un point de collecte central avant sa distribution. Les zones rurales sont en général dépourvues d `électricité et de systèmes de réfrigération ou de grandes quantités d'eau naturellement assez fraîche pour refroidir le lait. Le lait frais caille en trois heures, beaucoup trop vite pour qu'il transite parle centre de collecte et atteigne le consommateur. L'emploi d'une enzyme, la lactoperoxydase, permet cependant de :~ doubler ce délai. Cette technique soutenue par la FAO est efficace et sans danger pour le consommateur, en particulier lorsqu'elle est pratiquée par un personnel qualifié qui incorpore au lait, dès son arrivée dans les centres de collecte, la dose exacte de lactoperoxydase nécessaire. Le lait ainsi traité reste frais assez longtemps pour atteindre un centre disposant de réfrigération où il peut être conditionné avant sa mise en vente. Il peut également y être aromatisé, transformé en yaourt et en fromage ou en produits à base de lait fermenté très appréciés dans de nombreuses régions. Cependant, le lait « nature » reste souvent le seul produit à la portée des consommateurs les plus démunis ; si l'on veut qu'il soit un produit sûr, sain et nourrissant, il est essentiel que chaque producteur soit bien identifié et soumis aux contrôles qui garantiront le respect des normes d'hygiène et de qualité sur le lieu de production et lors du transport. L’implantation rurale de petites unités de transformation laitière peut paraître avantageuse par rapport aux grosses laiteries urbaines car la distance entre producteurs et transformateurs est réduite et l'absence de réfrigération dans les fermes ne pose plus de problème. Surtout elle favorise l'emploi et l'industrialisation rurale, contribuant ainsi à limiter la migration vers les villes. L’approvisionnement des grandes villes en lait frais et laitages de bonne qualité se ferait alors à partir de petits centres ruraux satellites au lieu de provenir de produits importés et reconstitués dans la capitale. Il apparaît essentiel de sensibiliser les responsables politiques sur ce point pour qu'ils soutiennent le développement des capacités de production et de transformation locales des secteurs agricoles et agro-industriels en Afrique.

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Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 1996
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/61390
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