Peaux et cuirs, secteur d'avenir pour l'Afrique

Sous-produits de l'élevage, les peaux, les poils et les fourrures des animaux constituent la matière première d'industries de transformation fort lucratives. Au regard de l'importance du cheptel, la valorisation de ces sous-produits est encore modeste en Afrique. A l'exception notable de quelques pays, la commercialisation pour l'exportation se fait souvent á l'état de pré tanné ou de cuir brut, d'où des pertes de revenus importantes pour le continent au moment où d'autres régions en développement gagnent chaque jour, avec des produits finis, de nouvelles parts de marché dans les pays industrialisés. De nombreuses espèces animales sont élevées pour leur peau, leurs poils ou leur fourrure plus que pour leur viande. Certaines fermes ont ainsi développé des élevages d'autruches, de crocodiles, d'antilopes ou de zèbres. Le mouton mérinos est surtout exploité pour la laine, de même que la chèvre angora pour le mohair, notamment en Afrique australe. Mais ces élevages spécialisés sont marginaux et les matières premières, en particulier les peaux, sont pour l'essentiel des sous-produits d'élevages de bœufs, de buffles, de moutons et de chèvres destinés à l'alimentation humaine. Avec 7 millions de tonnes en 1990, les boeufs et buffles devancent largement les petits ruminants dans la production mondiale de cuirs et peaux dont le total, cette année-là, atteignait près de 9 millions de tonnes. Ce sont d'ailleurs ces produits, épais et résistants, en particulier les peaux de bovins, que les industriels recherchent pour les emplois les plus variés, en fonction des techniques de tannage, depuis le cuir à semelle, robuste et rigide, jusqu'aux peaux souples utilisées en confection. Les peaux de chèvre sont quant à elle appréciées pour leur capacité à donner des cuirs très robustes bien que fins et certaines races, comme la Red Sekoto, sont renommées pour la qualité de leur peau. Moins résistantes, les peaux de mouton servent plutôt à la fabrication de dessus de chaussures légères. Avec près de 10 % du cheptel mondial de buffles et bovins, 10 % des ovins et plus de 20 % des caprins, l'Afrique subsaharienne dispose en principe d'une ressource abondante. Cependant, pour chacune de ces trois catégories, sa contribution à la production mondiale de peaux est inférieure à sa part du cheptel. Cette contribution, par exemple, est inférieure à 9 % pour les peaux de bovins et buffles, alors que l'Europe, avec 8 % du cheptel bovin sur pied, produit plus de 15 des peaux commercialisées. Plusieurs facteurs expliquent la modestie relative de ce rendement. Tout d'abord, dans certains pays, la collecte des peaux pour le marché est très partielle - 20 % en Guinée, par exemple, ou 10 % au Lesotho - alors qu'elle est proche de 100 % en Europe. De plus, avec un taux d'abattage annuel très supérieur - 35 % en Allemagne et aux Etats-Unis, contre 10 % en Tanzanie par exemple -la rotation du cheptel est beaucoup plus rapide dans les pays développés, ce qui conduit à l'abattoir des animaux plus jeunes dont la peau porte moins de marques d'accidents. Plusieurs pays à l'heure industrielle Les acheteurs industriels privilégiant systématiquement les produits de belle qualité, susceptibles de permettre une forte valeur ajoutée, ces traces laissées par les coups de corne ou les blessures provoquées par les épines ou les parasites tels que les tiques dévaluent largement les cuirs provenant d'élevages extensifs. Si la peau peut représenter 5 % de la valeur marchande d'un bovin - et jusqu'à plus de 10 % de celle d'une chèvre - il est très rare, en Afrique, que l'éleveur obtienne une plus-value pour la qualité de la robe d'un animal qu'il vend sur pied. Rien ne l'incite donc à améliorer ses pratiques d'élevage dans ce sens. Tout au contraire, certains éleveurs, notamment en Afrique centrale, perpétuent des traditions en tatouant leurs bêtes ou en les marquant au fer rouge. Toutes causes confondues, la FAO estime à 850 millions de dollars par an le total des pertes consécutives à l'insuffisance des collectes. Certains pays, cependant, tirent déjà grand profit de l'exploitation de leurs ressources. L'Ethiopie exporte pour 20 millions de dollars de cuirs fins et de pré tannés tandis que les produits du cuir en rapportent trois fois plus au Nigeria. En Afrique australe, aux côtés de l'Afrique du Sud et du Mozambique, c'est le Zimbabwe qui dispose des meilleurs atouts avec plusieurs grandes tanneries industrielles et des entreprises qui maîtrisent l'ensemble des techniques de fabrication des produits de maroquinerie et surtout des chaussures de chantier dont les industries minières de la région sont grandes consommatrices. Déjà réputé pour ses cuirs traditionnels traités « façon daim », appréciés dans toute l'Afrique de l'Ouest, le Burkina Faso dispose, depuis l'automne 1995, d'une nouvelle unité industrielle, Tan Aliz, capable de traiter 16 000 peaux par jours. Pour éviter les ruptures d'approvisionnement de cette usine qui emploie 230 personnes dans la zone industrielle de Ouagadougou, le gouvernement burkinabé a été amené à interdire provisoirement les exportations de peaux brutes alors que 700 000 pièces, issues des abattoirs locaux et collectées sur les petits marchés villageois, étaient exportées en l'état, notamment vers l'Italie. D'ordre politique, cette mesure pourrait bien avoir sauvé la mise de Tan Aliz 1, 7 milliards de FCFA d'investissement - au moment où l'envolée des exportations de bêtes sur pied, donc aussi de leur peau, vers les pays côtiers à la suite de la dévaluation du FCFA était encore susceptible de , déstabiliser l'entreprise. Tan Aliz, qui s'approvisionne en partie au Niger et au Mali voisins, devrait assurer une entrée annuelle de devises d'environ 7, 5 milliards de FCFA au lieu de 3 milliards précédemment dans la mesure où le tannage des peaux permet d'en doubler le prix de vente. Le commerce mondial des peaux et des articles en cuir connaît, depuis une vingtaine d'années, une profonde mutation. Ainsi que le souligne la FAO, les pays en développement importent aujourd'hui - ce qui n'était pas le cas dans le passé - « des cuirs et peaux bruts en provenance des pays développés pour les préparer, les transformer et les réexporter sous forme de produits comportant une valeur ajoutée ». Il est exact que cette évolution reste, pour l'instant, essentiellement le fait de quelques pays d'Asie ou d'Amérique latine, comme le Brésil, qui en tirent grand profit. Mais les professionnels et les industriels de la branche qui disposent, en Afrique, d'un bon potentiel de développement, peuvent fort bien, à leur tour, tirer parti de ce renversement de tendance historique. Certains, d'ailleurs, sont déjà sur la voie.

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Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 1996
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/61389
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