Termites : le meilleur et le pire

Omniprésents et infiniment variés dans les sols des régions chaudes, les termites et l'organisation sociale de leurs colonies dans les termitières ont été très largement étudiés. En revanche, leur influence agronomique sur la fertilité des sols et, surtout, les dégâts importants qu'ils provoquent aux cultures restent mal évalués. De sorte que c'est encore localement, dans l'observation des pratiques rurales, que se tranche le débat : nuisibles ou bénéfiques ? Les réponses, comme les pratiques, sont multiples. Quand on est termitologue, évidemment, on a plutôt tendance a considérer les influences bénéfiques », concède Dr Yao Tano, chercheur au laboratoire de Biologie animale de l'Université d'Abidjan. Cependant, malgré ce penchant naturel, il établit de sensibles nuances entre les trois grandes catégories de termites que distinguent leur régime alimentaire et la forme bien reconnaissable de leurs termitières. Les « champignonnistes », en particulier, dont le genre Macro termes est le principal représentant, cumulent les plus lourds inconvénients. Leurs constructions « en cathédrale » font les plus hautes termitières, jusqu'à six mètres et plus, alors que celles des « humivores » (Cubitermes), en forme de champignon, et celles, en dômes, des «fourrageurs» (Trinervitermes), ne dépassent guère quelques dizaines de centimètres. Les champignonnistes doivent leur nom N aux cultures de champignons symbiotiques o qu'ils entretiennent pour s'alimenter, à l'abri o de leurs imposants édifices, sur des « meules » de bois mâché. Mais ils apprécient également le maïs et l'arachide, ou l'igname. Les humivores qui consomment de la matière végétale plus ou moins décomposée interviennent directement dans les processus de formation d'humus, de même - mais dans une moindre mesure - que les fourrageurs qui s'intéressent surtout aux graminées sauvages et, accessoirement, au feuillage des cultures. Les pertes de récoltes imputables aux termites, toutes catégories confondues, « sont plus importantes du fait des attaques sur pied , que des dégâts causés dans les greniers ». Les pourcentages réels sont très variables d'une région à l'autre et restent, pour l'essentiel, à établir. Mais « on estime généralement que les pertes sur pied peuvent dépasser 15 % dans certaines régions de savanes, notamment sur des cultures de mars ». Sur les monocultures, comme les rizières, « les ravages peuvent devenir dissuasifs pour les paysans ». Et quand les champignonnistes investissent un champ d'arachide - qui compte parmi les cultures les plus vulnérables - la future récolte peut fondre de 20 % et plus. Mais, pour importants qu'ils soient, « les ravages ne sont pas aussi graves que ceux de certains autres insectes, comme les foreurs des tiges » et les paysans, qui ne font pas toujours la différence, attribuent bien souvent à ceux-ci les dégâts des termites. A ces pertes de production dont ils provoquent la plus grosse part en s'attaquant directement aux cultures, les champignonnistes ajoutent l'encombrement de leurs imposantes constructions dont la base, au total, peut occuper voire dépasser 10 % de la surface du sol qui se trouvent ainsi soustraits aux cultures Transferts de fertilité Quant aux effets bénéfiques réels des termites sur la fertilité des sols, en particulier « la valeur fertilisante du matériau de certaines termitières, on n'en sait encore guère plus que ce que les paysans savent déjà depuis longtemps », estime Yao Tano qui travaille lui-même à cette quantification avec des essais en cours dans la région de Touba, dans le nord de la Côte d’Ivoire. Certains auteurs mentionnent que les paysans d'Afrique de l'Est, notamment en Tanzanie, utilisent comme fertilisant le matériau des termitières en forme de champignons des humivores. « Cela permet une amélioration chimique du sol, par taches, sans que des gains de productivité aient encore été bien mesurés. Ces petites termitières peuvent, à la limite, permettre des transferts de fertilité, pour améliorer un champs de case, ou, à petite échelle, sur des billons. En pratique, la présence des humivores est un marqueur pour les paysans qui considèrent alors que le sol est bon et qu'ils peuvent manifestement cultiver. » Et s'il leur arrive, malgré tout, de briser ces nids en champignon, c'est beaucoup moins pour se débarrasser des termites que pour en nourrir les volailles qu'ils amènent dans leurs champs. Recyclage des termitières? En revanche, dans les hautes termitières en cathédrales composées pour l'essentiel de particules argileuses que les termites vont chercher dans le sous sol, jusqu'à plus de vingt mètres, le matériau de base est très pauvre en minéraux et en matières organiques. Inconvénient supplémentaire, la destruction ou l'érosion de ces édifices répand alentour de grandes quantités de particules fines qui colmatent les sols, réduisant l'aération et les possibilités d'infiltration des eaux. Rien d'étonnant donc, à ce que « les paysans considèrent les Macro termes comme un fléau et luttent pour se débarrasser de leurs termitières en détruisant la reine qui assure la procréation de toute la colonie. En général, celle-ci s'éteint alors d'elle-même. » Quand ils le peuvent, ils utilisent aussi des insecticides chimiques « mais les insecticides ne sont pas sélectifs et ils tuent tous les termites ainsi que les vers. Si on pouvait trouver une solution efficace pour aider les paysans à se débarrasser des Macro termes, ce serait très apprécié », conclut Yao Tano. Dans cette lutte contre les dégâts des Macro termes, les fourmis, adversaires naturels et sans merci des termites, fourniront peut être un jour une solution puisqu'une « équipe française vient d'identifier une espèce de fourmi qui émet une substance toxique capable de tuer des colonies entières ». Mais l'extinction de la colonie laisse entière la « cathédrale » dont la destruction sur place colmate et dégrade les sols. U idéal semble alors, comme cela a été fait à grande échelle dans le nord de la Zambie et le sud-est du Zaïre, d'utiliser le matériau argileux de ces hautes termitières, en éliminant la couche superficielle, pour la production de briques de terre cuite. Une équipe de chercheurs du département de Géographie de l'université de Lubumbashi (Zaïre) et du laboratoire d'Ecologie de la Faculté des Sciences agronomiques de Gembloux (Belgique) n'a-t-elle pas établi, en 1985, que plusieurs grandes cités de la région telles que Lubumbashi, Likasi, Kolwezi ou Ndola qui comptaient, à l'époque, 125 000 à 700 000 habitants, ont été édifiées à partir du matériau des hautes termitières qui existaient sur place ? Université d'Abidjan Laboratoire de Biologie animale BP 582 - Abidjan 22 COTE D’IVOIRE Fax : (225) 44 83 97 ou (225) 44 04 12

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Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 1996
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/61302
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