Réserves et parcs naturels, moteur de l’ecotourisme

Conçus à l'origine pour la préservation des milieux, de la faune et de la flore, les réserves et parcs naturels génèrent le plus souvent des activités fort lucratives, liées à la chasse et au tourisme écologique ou culturel. Mais la prise en compte, indispensable au succès des projets, des droits traditionnels des populations originaires des espaces mis en réserve impose des arbitrages de nature politique : quels droits d'usage, quel rôle dans la gestion de la réserve et, in fine, quelle part du revenu pour les populations concernées ? Bien avant la création du tout premier parc national américain, Yellowstone, qui a inauguré l'ère « moderne » des espaces protégés, en 1872, de nombreuses traditions soustrayaient plus ou moins rigoureusement certains espaces aux interventions humaines. Ainsi, même si telle n'a jamais été leur fin première, les bois sacrés constituent encore aujourd'hui de véritables sanctuaires pour les ressources naturelles, et la pratique du ra'ui, par laquelle les populations des îles Cook limitaient et organisaient dans le temps l'exploitation de certaines zones, s'apparente par ses objectifs aux règles de gestion des ressources édictées pour certaines aires protégées contemporaines. Cependant les modes de protection modernes, en particulier les plus rigoureux qui excluent, comme le font, en principe les Parcs nationaux, toute présence humaine permanente sur de vastes territoires, ont introduit de multiples innovations par rapport à ces pratiques traditionnelles. Depuis l'époque coloniale jus qu'à une période très récente, les réserves naturelles ont généralement été imposées par les administrations d'Etat, par- fois encouragées par les donateurs, sans concertation préalable avec les populations concernées et bien souvent sans faire le moindre cas des droits d'usage locaux. Dans certaines situations extrêmes, la cause de la protection des biotopes et de la faune a ainsi servi à justifier des déplacements de populations rurales en de véritables exodes conduits manu militari. Devenus l'exception, ces errements ont néanmoins provoqué de multiples échecs, le braconnage voire la destruction systématique prenant la relève de la chasse traditionnelle et l'abattage des arbres pour le bois de feu se poursuivant dans la clandestinité. De la même façon, dans certains pays du Pacifique Sud où la propriété foncière est aujourd'hui encore très souvent régie par les droits coutumiers, les tentatives de création de Parcs nationaux n'ont guère connu de succès, « parce qu'on n'a pas suffisamment pris en compte la propriété traditionnelle », estime David Sheppard, directeur du Programme des aires protégées de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). La faune sauvage plus rentable que l'élevage Second trait caractéristique, les aires protégées et leur faune sont devenues le moteur de l'industrie florissante de l'écotourisme qui ouvre aujourd'hui des perspectives économiques plus vastes que la seule « chasse au gros » réservée à un petit nombre de privilégiés. Parmi les premiers Etats ACP engagés sur ce créneau, le Kenya dispose aujourd'hui d'une cinquantaine de réserves et de parcs nationaux. Sans doute favorisé par la qualité de ses paysages et sa faune exceptionnelle, le Kenya est parvenu à s'imposer sur le marché de l'écotourisme - pour lequel l'appareil photographique remplace le fusil - et cette activité qui génère aujourd'hui 320 millions de dollars de revenus directs et indirects est devenue la première source de devises du pays. Au Zimbabwe, le programme Campfire (Communal areas management programme for indigenous resources) développe une stratégie très décentralisée pour optimiser la valorisation des terres marginales communautaires. Du fait des migrations spontanées des animaux, les réserves naturelles constituent un réservoir de faune sauvage pour ces terres non cultivables, en principe vouées à l'élevage, de sorte que « les revenus nets des terres exploitées pour la faune sont nettement plus importants que ceux des terres exploitées pour l'élevage », constate R.B. Martin, directeur adjoint de la recherche du département des parcs nationaux et de la protection de la faune sauvage. Dans la quatrième région naturelle du pays où le revenu net de l'élevage ne dépasse pas 0, 6 dollars/ha, l'exploitation de la faune sauvage en produit actuellement 1, 11. Et diverses études, conduites au niveau national, montrent que les revenus potentiels de cette exploitation peuvent aller bien au-delà, jusqu'à «5 dollars/ha pour la chasse sportive et 25 dollars/ha pour l'écotourisme ». L'exploitation par la chasse ou l'écotourisme du gisement économique que constituent la faune sauvage et la nature peut être vitale pour certains pays. En considérant toutes les terres, aussi bien privées que communautaires, consacrées à la valorisation de la faune et en incluant l'activité des aires protégées, R.B. Martin estime que « près d'un tiers du Zimbabwe vit actuellement de la faune ». Il n'existe pourtant aucune solution unique, applicable en tous lieux, permettant de garantir la viabilité à long terme des projets de réserve et, à travers eux, d'assurer la pérennité de la ressource. Si un processus de planification des aires protégées et des investissements considérables qu'elles requièrent doit intervenir au niveau national, l'adhésion absolument indispensable des populations locales ne peut être obtenue que par leur participation, dès le début, à la préparation des projets et ultérieurement à leur gestion de même qu'à la répartition des revenus qu'ils dégagent. Le succès, en Afrique, de certains programmes comme Campfire qui ont été très loin dans ce sens semble en effet lié, au moins en partie, aux revenus qu'ils procurent aux communautés locales, pour la réalisation de projets collectifs tels que puits ou écoles, voire le versement direct d'un « dividende » à chaque propriétaire. Bibliographie Cérès, revue de la FAO, n'150, vol. 26, n'6) Via delle Terme di Caracalla 00100 Rome - ITALIE Nature Tourism : Managing for the Environment Ouvrage collectif coordonné par Tensie Whelan. Island Press, 223 pages, 19, 95 livres. Disponible aux Editions Earthscan Publications Ltd 120, Pentonville Road - Londres N1 9JN, GRANDE BRETAGNE

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Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 1996
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/61221
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