La transformation des fruits en Haïti

Délicats à acheminer en frais vers les centres urbains, les fruits se prêtent en revanche à la préparation de nombreux produits de bonne conservation. Le développement de ces activités de transformation très valorisantes se heurte cependant à de multiples difficultés techniques et organisationnelles que le Centre de recherche et de documentation agricole (CRDA) de la République d'Haïti a entrepris de résoudre avec des moyens «rustiques», dans une démarche très progressive avec les ruraux. Mangue, goyave, fruit de la Lapassion, ananas, quenèpe (qui est une sorte de litchi à peau lisse), oranges et autres agrumes, sans oublier la très fragile noix de cajou qui se gâte en deux jours... Dans la diversité qui est le meilleur atout de la production fruitière haïtienne, seule une variété très précise de mangue, la Francisque, tire bien son épingle du jeu pour la commercialisation en frais vers les EtatsUnis tout proches. La filière est bien organisée. Le pays dispose de huit usines qui achètent toutes les Francisques qu'elles trouvent, parfois même avant la récolte, et en organisent la collecte. Les fruits sont cueillis «à terme», juste avant de commencer à mûrir, à l'aide de perches équipées d'un petit sac pour éviter qu'ils ne tombent à terre. Ils subissent un traitement thermique de deux à trois minutes dans l'eau chaude, notamment contre les pontes de la mouche blanche qui provoquent, en surface, l'apparition de petits trous rédhibitoires. La chaleur de ce bain, soigneusement maintenue entre 50 et 55 'C, active ensuite le mûrissement. Obligatoire en Haïti pour l'exportation, ce traitement n'est pas pratiqué partout, notamment en Afrique où la multiplication actuelle des mouches des fruits devrait cependant conduire les exportateurs à l'adopter. La situation des autres productions fruitières en Haïti est moins favorable. Par le jeu des partages lors des héritages, les exploitations sont très petites et morcelées. Les paysans disposent rarement de plus d'un hectare, presque toujours divisé en plusieurs parcelles sur lesquelles ils assurent en priorité leur consommation familiale. Ils n'ont guère de place pour planter des arbres dont l'ombre gênerait leurs productions vivrières. La culture des fruits n'a donc rien de systématique. «Chaque producteur peut avoir cinq manguiers, ou douze avocatiers, peut-être cinq orangers. Et comme il n'y a ni véritable marché ni collecte organisée, les paysans préfèrent laisser les fruits à leurs animaux plutôt que d'essayer de les vendre», constate Mme Pascale Châtelain, ingénieur agronome, spécialiste des transferts de technologies au CRDA. La production est d'autant plus marginale que, faute de débouchés en frais, les arbres eux-mêmes sont souvent sacrifiés pour faire du charbon de bois. La Section de technologie et de biotechnologie (STEB) du CRDA, dirigé par le Dr Max Millien, a mis l'accent sur les fruits parce qu'intéresser les ruraux à la transformation sur place d'une partie de leur récolte serait un bon moyen de réduire leurs énormes pertes de production. Consommez local ! Des activités de transformation, quoique embryonnaires, existent déjà, pour la préparation de pâtes de fruits ou de fruits confits, les «douces» que les femmes vendent dans les rues, et surtout de confitures. «Nous avons cinq petites entreprises haïtiennes qui produisent des confitures, surtout de goyave et d'ananas, avec les fruits qu'elles achètent en saison. Ces entreprises, qui emploient une main-d'oeuvre fixe de quatre ou cinq personnes et font appel à des saisonniers, ont toutes commencé au niveau familial. Leurs produits se conservent bien et peuvent rester sans inconvénients six ou huit mois en rayon.» Il n'existe guère plus d'une trentaine de supermarchés dans l'agglomération de Port-au-Prince et leurs étagères sont bourrées de produits importés. Les produits locaux ont donc le plus grand mal à monter à l'étalage, «mais si les firmes haïtiennes trouvaient trois fois plus de fruits, elles pourraient certainement vendre toute leur production». L'organisation de l'approvisionnement à partir de productions extrêmement morcelées est donc la clé de la croissance et de la multiplication de ces petites entreprises. Les jus de fruit importés, dont les Haïtiens urbains font grande consommation, sont également très présents dans les supermarchés. «Cependant, les jus naturels pasteurisés de fabrication locale sont inconnus. Le simple fait qu'on puisse préparer des jus, les mettre en bouteilles et les pasteuriser pour qu'ils soient bus deux ou trois mois plus tard n'est pas évident dans les campagnes. Les citadins qui en consomment savent que ça peut se faire mais ce n'est pas du tout dans les moeurs des ruraux qui n'en ont parfois jamais vus.» Un grand marché existe pourtant en ville, en substitution aux produits importés, et le CRDA s'efforcè de mettre au point des techniques de production de jus qui pourraient s'ajouter à la gamme des pâtes de fruit et des confitures locales. Le manque d'équipement du Centre constitue un premier frein. «Si nous disposions d'une plus grande diversité d'appareils, nous pourrions diffuser plus rapidement», estime Mme Châtelain. «Mais nous avons aussi une grande difficulté du fait que les milieux ruraux n'ont pas l'électricité. Ce que nous faisons au Centre doit pouvoir être fait avec le même outillage en milieu rural. C'est pourquoi nous essayons de travailler avec des moyens très rustiques et d'adapter les outils existants à nos conditions de milieu.» Une démarche pragmatique qui assurera, on l'espère, la réussite de ce programme. Contact Centre de recherche et de 0 documentation agricole Damien, Port-au-Prince HAITI tél. : (509) 67 61 58 47

Saved in:
Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 1996
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/61193
Tags: Add Tag
No Tags, Be the first to tag this record!