Dossier : Vivre la banane !

Le marché européen d'importation en bananes a été remis en question par l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1996. Sous la pression des États-Unis, épaulés par trois multinationales fortement impliquées dans le commerce de la banane et quatre pays d'Amérique latine, l'Europe est priée de revoir ses copies et de mettre en conformité un système d'approvisionnement déclaré illégal. L'année qui vient sera jalonnée de consultations, puis marquée par le vote d'un règlement de base modifiant l'Organisation commune du marché de la banane (OCMB) adoptée à Marrakech en 1995. Les menaces qui pèsent sur les pays de la zone ACP sont sérieuses. Le potentiel de croissance des pays ACP fournisseurs traditionnels de l'Europe est tributaire des négociations en cours concernant la répartition des quotas. Pour d'autres États des Caraïbes - Sainte-Lucie, Jamaïque ou Dominique - pour qui la banane constitue la ressource essentielle, mais qui enregistrent depuis nombre d'années un retard de compétitivité structurel, la crise socio-économique que risquent de déclencher les décisions de l'OMC est d'ores et déjà alarmante. L'ouverture sur d'autres marchés, la redynamisation des marchés locaux, l'amélioration des filières de production et d'écoulement des produits haut de gamme (banane biologique et fair trade banana) constituent des occasions de se diversifier. Mais il ne faut pas se leurrer : pour réelles qu'elles soient, les voies de la diversification ne manquent pas d'embûches. Le commerce international ne porte que sur 13, 3 millions de tonnes de bananes (chiffres FAO, 1996). Près de 80 % de la production bananière mondiale tous pays confondus est consommée sur place. Dans la plupart des pays producteurs, les bananes occupent une place de choix dans l'alimentation des populations. Le plantain y est l'espèce la plus produite et la plus consommée. Il est une composante majeure de la sécurité alimentaire de millions d'habitants. Sur 28, 3 millions de tonnes de plantain produites par le monde, 69, 4 % sont utilisés pour l'alimentation humaine, 11, 1 % sont transformés et 8 % consacrés au bétail. L'Afrique du Centre et de l'Ouest totalisent à elles seules plus de 60 % de la production et de la consommation mondiales. Destinée dans sa quasi-totalité aux consommations domestiques nationales, la banane plantain fait l'objet d'un commerce traditionnel. Son développement est lié à celui des marchés urbains et à une augmentation constante de la demande consécutive à l'accroissement démographique. Il repose aussi sur l'activité d'une filière de commercialisation - transporteurs, grossistes, détaillants - dont le niveau d'organisation est variable selon les pays. Du dos d'homme au camion réfrigéré en passant par la pirogue ou la bicyclette, les moyens d'acheminement du plantain sont divers et parfois même rustiques. Au Ghana, ce sont des détaillants ou des commerçantes du marché qui se rendent sur les exploitations ou dans les villages pour acheter les bananes plantain à des paysans avec lesquels ils ont un accord. Ils emportent les régimes tels quels dans des paniers ou séparés en mains ou en doigts dans des sacs jusqu'au bord de la route. Ils louent alors les services d'un camionneur pour transporter les fruits jusqu'aux marchés. Souvent, le transport en camion est assuré par des grossistes collecteurs. Les bananes sont vendues à des intermédiaires ou à des négociantes qui les revendent à des détaillants, qui les revendront à leur tour aux consommateurs sous forme de régimes ou de doigts. Plus la distance qui sépare les zones de production des marchés de distribution est grande et plus les voies d'accès sont favorables, plus la filière d'intermédiaires s'étoffe autour de pôles de regroupement. Bien qu'encore peu fréquents en Afrique - contrairement à des pays des Caraïbes comme Saint-Vincent -, ils commencent de se constituer autour des grands marchés du sud-ouest du Cameroun (Mile 60, Bole et Owe), par exemple. Dans ce pays, où les plantations sont éloignées de Douala de 100 à 150 kilomètres et d'un accès difficile, voire impraticable lors de la saison des pluies, le plantain arrive chaque jour et en grande quantité sur le marché de la capitale. Il emprunte des circuits de distribution dont le plus long comporte trois intermédiaires principaux : le grossiste collecteur (dont les quantités d'achat auprès du producteur varient de 50 à 500 régimes), le grossiste sédentaire, qui écoule la marchandise sur les marchés de gros et de détail de Douala auprès de détaillants au régime, lesquels revendent ensuite à des détaillants aux doigts ou directement aux consommateurs. Du grossiste au détaillant, le rôle des intermédiaires de la filière de commercialisation du plantain n'est pas négligeable. Plus la filière est sophistiquée, plus elle entraîne en retour d'obligations pour les producteurs, contraints de produire plus, plus régulièrement, à moindre coût et de meilleure qualité. Des critères que les intermédiaires élaborent en fonction des informations qu'ils détiennent sur les prix, la demande des consommateurs et les fluctuations des marchés Une meilleure professionnalisation de la filière permettrait à ces médiateurs les mieux organisés (revendeurs, transporteurs) de constituer un des leviers majeurs de l'évolution des marchés intérieurs. Réduire les pertes après récolte Face à un accroissement permanent des besoins d'autoconsommation, la dynamique des marchés locaux repose sur la capacité de maintenir une production durable et suffisante, et de limiter les pertes après récolte. La pratique culturale la plus courante est celle qui consiste à étaler le plus possible la production tout au long de l'année. Cette stratégie dépend beaucoup des potentiels des sols. Au Cameroun ou au Rwanda, sur les sols volcaniques de la République dominicaine, sur les terres d'alluvions des rivières de la zone intertropicale humide, une production pérenne est mise en oeuvre par des planteurs pour qui la culture du plantain peut être la source principale de revenu. Au Ghana, où le plantain fait l'objet d'une forte demande et se vend à un prix de plus en plus élevé, la production qui stagne depuis ces dix dernières années pourra être améliorée par l'implantation de cultivars à plus haut potentiel de rendement et des variétés qui résistent aux parasites et aux maladies. D'une manière générale, les pertes après récolte sont lourdes. Elles sont estimées à environ 3 millions de tonnes à l'échelle mondiale. Elles résultent des mauvaises conditions de récolte et de manutention, et du manque de moyens d'écoulement comme en Côte d'Ivoire. Elles dépendent aussi de la qualité des réseaux de communication. Dans la plupart des pays d'Afrique, les voies d'accès aux marchés sont vétustes et peu entretenues, sauf aux abords des grandes villes. Les paysans de la vallée de la Rusitu au Zimbabwe, par exemple, produisent une grande quantité de bananes fruits. Leur éloignement des grands marchés citadins et le mauvais état des routes durant la saison des pluies leur font perdre une part importante de leurs ressources. La mise en place par l'Union européenne de moyens de transport pouvant être loués par les producteurs facilite l'accès aux marchés locaux. Mais le bitumage des routes reste le moyen le plus efficace de favoriser un commerce qui puisse s'ouvrir à des marchés extérieurs. L'exemple du Cameroun, qui dispose de voies d'accès bitumées desservant ses principaux marchés et convergeant sur la capitale, montre la voie à suivre.

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Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 1998
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/60829
https://hdl.handle.net/10568/99648
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