L'agriculture africaine dans l'environnement économique mondial

La décennie 1980-1990 a été à bien des égards défavorable pour les pays africains. La récession économique des pays de l'OCDE, l'alourdissement des contraintes financières, la chute des prix des matières premières et la présence croissante de concurrents plus dynamiques sur les marchés internationaux ont pesé négativement sur les économies africaines. Si les contraintes ne sont pas toutes levées, loin s'en faut, les perspectives économiques de la prochaine décennie sont moins sombres. Après sept années, les négociations commerciales multilatérales de l'Uruguay Round se sont conclues de manière positive en décembre 94. Parallèlement, la mise en oeuvre de la réforme Mac Scharry, de la Politique Agricole Commune, signée fin 93, commencera en 1995. Son objectif est de réduire les excédents agricoles (céréales, viande, lait) des membres de l'Union européenne en obligeant les agriculteurs à mettre 15 % de leurs terres en jachère afin de faire baisser les prix agricoles. Avant cette réforme, les prix étaient garantis quel que soit l'état du marché. Lorsque les prix des produits agricoles du marché international étaient moins élevés que les prix intérieurs, les gouvernements payaient la différence afin que les consommateurs achètent en priorité les produits communautaires. Le même principe était appliqué par les restitutions aux exportations : afin que les prix des denrées agricoles de l'Union s'alignent sur ceux du marché international, les gouvernements payaient aux agriculteurs la différence éventuelle. Payer pour produire moins Les dysfonctionnements de ce système n'ont pas manqué d'apparaître : les aides à la production ont été évaluées à 350 milliards de francs français pour l'ensemble des pays développés. En outre, les productions étaient beaucoup trop importantes. II a donc été demandé aux agriculteurs de diminuer leurs surfaces de cultures et de baisser leurs prix pour s'aligner sur le marché international, l'Etat s'engageant à leur verser des compensations. Pour les produits destinés aux exportations, la réforme Mac Sharry cherche aussi à diminuer les subventions : les signataires se sont engagés à réduire en six ans et pour chaque produit leurs volumes d'exportation subventionnés. En l'an 2 000, l'Union Européenne aura ainsi diminué de 9, 3 millions de tonnes ses exportations subventionnées de farine et de 340 000 tonnes ses exportations de sucre par rapport aux années 1991-1992. Une concurrence plus loyale Ces changements de la conjoncture économique internationale, les négociations du GATT, la dévaluation du franc CFA, présentent de réelles opportunités - et aussi des risques - qu'il faut mesurer. Certains aspects de cette réforme auront des répercussions positives pour les pays du Sud : la limitation des subventions à l'exportation redonnera de meilleures chances aux produits alimentaires des pays en développement. De nouvelles perspectives de demande, liées aux accroissements de revenus des pays en développement et à la reprise en Europe de l'Est et dans la CEI, vont s'ouvrir. Les pays africains peuvent s'organiser pour être présents sur ces marchés à moyen terme. Considérant le désavantage des pays en développement en matière de coût de commercialisation, ces pays ne sont pas tenus, comme les pays industrialisés, de réduire les subventions. En ce qui concerne les importations (fruits et légumes principalement), les processus ont été simplifiés afin de favoriser un meilleur accès au marché et de lever les obstacles. Cependant, si le contexte économique international est globalement plus favorable, les pays africains ne sont pas les mieux placés pour en saisir les opportunités. L'Amérique latine et l'Asie sont bien installées et, en négociant la prochaine Convention de Lomé V, en l'an 2 000, l'Afrique sub-saharienne doit veiller à ne pas perdre sa place de fournisseur privilégié face à la concurrence d'autres agricultures plus compétitives. En effet, la Convention de Lomé donnait aux pays africains un statut privilégié. L'exportation de produits tropicaux était exemptée de droits de douane, en fonction de certains quotas fixés à l'avance (pour le sucre par exemple). Même si les négociations ont tenu à appliquer un traitement spécial et différencié aux pays en développement, cette réforme amoindrit leurs privilèges. Politique d'aide ou politique commerciale ? L'aide alimentaire n'est pas prévue dans ces accords. Les situations d'urgence se multipliant en Afrique, il faut veiller à ce que les pays développés n'utilisent pas l'aide alimentaire pour gérer un marché intérieur confronté à des excédents ou pour évincer un concurrent d'un marché. D'où la nécessité d'une cohérence entre la politique d'aide et la politique commerciale. Si la conjoncture des prochaines années s'annonce meilleure pour les pays africains que la décennie passée, elle ne laisse pas augurer de bouleversements. C'est davantage en termes d'allégement des contraintes qu'il faut raisonner dans l'immédiat. La relance durable des exportations africaines doit se préparer aujourd'hui pour espérer récolter des résultats sensibles dans la décennie suivante. Les opinions émises dans cette tribune libre n'engagent que leurs auteurs. Elles ne sauraient être attribuées au CTA.

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Bibliographic Details
Main Author: Tubiana, Laurence
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 1994
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/60823
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