Assez parlé, il est temps d'agir

L'Afrique a connu beaucoup trop de faux départs et d'échecs. Et la piètre opinion que nombre de mes concitoyens ont d'eux-mêmes constitue un mauvais tremplin pour le développement. Or, il existe une autre Afrique, encore inconnue des médias et de la plupart des pays. Cette Afrique-là est persuadée qu'elle peut survivre si les Africains mobilisent leurs traditions, leur énergie et leur créativité. Pénurie alimentaire, manque de moyens de transport, chômage sont les principaux problèmes actuels de l'Afrique. Dans les grandes villes comme Lagos, Abidjan, Nairobi ou Harare, les produits alimentaires augmentent à cause du transport à partir des zones rurales. Dans ces villes, le nombre de personnes à nourrir augmente alors que de plus en plus de personnes sont sans revenus et sans emploi. Conçu comme une exploitation agricole modèle, le Centre de réhabilitation de l'environnement du Projet Songhai est un lieu de formation visant à aider les jeunes Africains à résoudre eux-mêmes ces problèmes. Son objectif principal est de mettre en place des dispositifs de production alimentaire, nécessitant peu de moyens initiaux et donc peu d'investissements. Ceux-ci peuvent s'appliquer là où les besoins se font le plus sentir, dans les grandes villes et dans les zones rurales où la production alimentaire est déficiente. Recherche, production, formation Le Projet Songhai est à la fois ce que l'on pourrait appeler un centre de recherche « sur le terrain » et un centre de production. Les fermes et les jardins sont autosuffisants afin de pouvoir continuer à exister. Nous jugeons indispensable de former les jeunes dans ce souci de viabilité économique, afin qu'ils en retirent des avantages par la suite. Notre système de production englobe cultures, élevage et pisciculture. Les eaux usées des viviers servent à irriguer manioc, blé, légumes et fruits. Les tout petits poissons constituent une source protéique pour les animaux. Le fumier, les résidus de cultures et les plantes aquatiques produisent du biogaz, première source d'énergie dans le cadre du Projet. Enfin, poissons, fruits, légumes ainsi que volailles, lapins, moutons et chèvres nourrissent le personnel et les stagiaires. Nous essayons également de satisfaire les besoins des personnes sans terre. Ces dernières ont recours à des techniques improvisées : cultures dans de vieux pneus, dans des caissons remplis de terre, ou même dans des moellons encastrés dans des murs. Dans de nombreuses villes, les autorités municipales pourraient mettre à la disposition des populations locales les terrains en friche, même temporairement, afin d'y pratiquer des cultures vivrières. Une centaine de jeunes gens de plusieurs pays ont déjà reçu une formation sérieuse, pendant deux ans, qui leur a permis d'acquérir des techniques agricoles complémentaires, de fabriquer leurs propres outils et d'apprendre la gestion de leur exploitation. Certaines personnes ont reçu des formations plus courtes. La plupart d'entre elles ont regagné leur foyer, soit en ville, soit en brousse, pour appliquer ce qu'elles avaient appris. Et aussi, il faut l'espérer, pour communiquer leur espérance et leur enthousiasme. Ces personnes forment un réseau de diplômés de Songhai, avec lesquels nous restons en contact. Nous leur apportons aussi des conseils et notons le résultat de leurs expériences. Abaisser le coût de la production, assurer la durabilité des techniques, mettre au point de nouveaux moyens de production peu coûteux et mieux adaptés, sont les principaux objectifs de notre travail. Au Centre Songhai, nos activités portent sur le compostage, le séchage solaire, la pharmacopée, la production de vers de terre, l'élevage de poulets, l'alimentation des poissons... Parmi ces techniques, certaines commencent à être mises à l'essai dans les exploitations agricoles des environs. Tirer parti de ses erreurs La réussite du Projet Songhai est en partie due à notre volonté de tirer des enseignements de nos erreurs. Reconnaître que nous nous sommes trompés et faire marche arrière ne nous fait pas peur. Songhai n'est pas tant une structure tournée vers l'enseignement de techniques qu'une organisation permettant d'acquérir de bons comportements. Nous écrivons peu de livres ou d'articles car la plupart des paysans que nous touchons sont analphabètes. Ce que nous faisons doit donc être parlant pour tous, que ce soit une démonstration dans les trois principaux centres de Songhai ou dans les champs d'un voisin. Chacun doit pouvoir dire : « Oui, c'est possible, faisons-le aussi. » Laction collective est aussi une grande idée du Projet Songhai. Les populations apprennent et chacun peut s'associer avec son voisin pour échanger des idées, mais aussi des semences, des plants ou autres produits. A Songhai, notre philosophie est de créer la solidarité et le respect de soi au sein des communautés. Elle est aussi de parvenir à l'autosuffisance alimentaire. Tant de choses peuvent être partagées dans la vie... sauf la pauvreté. Prix africain récompensant des efforts destinés à mettre durablement un terme à la famine en Afrique. Les opinions émises dans cette tribune libre n'engagent que leurs auteurs. Elles ne sauraient être attribuées au CTA.

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Bibliographic Details
Main Author: Nzamujo, Godfrey
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 1995
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/60813
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