Fonio, la petite céréale qui monte

Longtemps négligé, le fonio, petite céréale africaine, est aujourd'hui revalorisé. Depuis que les consommateurs ont appris à l'apprécier, des chercheurs l'améliorent en lui faisant subir des mutations génétiques. En outre, un décortiqueur mis au point par un inventeur sénégalais pourrait dispenser de la corvée du pilon. Le fonio n'existe qu'en Afrique de l'Ouest et couvre environ 300 000 ha. Pas les meilleures terres : le fonio s'accommode mieux que toute autre culture des sols pauvres. « Quand on voit qu'on n'a rien à tirer d'un terrain, on y sème du fônio »,affirment les agriculteurs. Cette plante des plus rustiques d'Afrique présente cependant de nombreux inconvénients. Un seul grain de fonio produit jusqu'à 400 pieds, parfois 600. Si une telle « performance » peut être appréciée en termes de densité de semis, elle constitue cependant un handicap au moment du sarclage du fait de la fragilité des tiges. En outre, la natu-, re rampante de la plante ne facilite pas la récolte. Enfin, cette graminée minuscule a des rendements dérisoires. Il faut entre 1,6 et 2,5 millions de grains de fonio pour faire un kilogramme. Actuellement, sa production ne dépasse pas 150 à 600 kg par hectare, soit 34 000 t sur les neuf pays sahéliens ou encore, à peine un demi pour cent de la production totale de céréales de ces pays. Plante pauvre pour plats riches Le fonio est pourtant très recherché. Au Mali, son prix est le triple de celui du mil. Ailleurs, il est vendu deux fois plus cher que le riz ou la farine de mil. Sa consommation est en plein essor, en particulier dans les villes pour les cérémonies, ramadan ou autres fêtes. Bien que les recherches sur cette céréale commencent à peine, tous les spécialistes s'accordent à lui reconnaître des qualités diététiques exceptionnelles. Le grain de fonio décortiqué ne contient pratiquement aucun lipide, contrairement aux autres céréales dont le germe, riche en corps gras, ne disparaît jamais totalement au décorticage. D'où l'intérêt grandissant que lui portent les responsables agricoles. Le Programme de promotion des céréales locales au Sahel lui a consacré un atelier international en juin 1994 à Bamako. Des chercheurs ont entrepris de l'améliorer en lui faisant subir des mutations génétiques par la technique de l'irradiation. Le projet de domestication du fonio que conduit Sansan Da, de la station de recherche agronomique de Farakoba, dans l'ouest du Burkina Faso, n'en est qu'à ses débuts. Mais il suscite déjà de grands espoirs au point de bénéficier de l'appui de l'Agence internationale de l'énergie atomique de Vienne. Le nouveau fonio mis au point par ce chercheur est déhiscent, c'est-à-dire que l'enveloppe du grain a la particularité de s'ouvrir légèrement à son extrémité. Ce petit détail, visible seulement à la loupe, constitue pourtant un grand bond en avant dans la recherche pour la domestication du fonio. En effet, contrairement aux autres céréales locales, le fonio a une enveloppe protectrice qui adhère au grain et le recouvre complètement. Ce qui en complique l'extraction. « Avec le grain déhiscent, on dépensera moins d'énergie dans le traitement après récolte », explique Sansan Da. Les spécialistes pensent que la difficulté des opérations après récolte est responsable du coût élevé du fonio sur les marchés. Pour domestiquer une plante aussi rustique, il faut en modifier les caractères génétiques afin d'obtenir des semences plus productives et plus faciles à décortiquer. C'est là qu'intervient l'irradiation. « Nous avons recouru à l'irradiation pour apporter des perturbations majeures dans la structure chromosomique de la plante, » explique Sansan Da. Des expérimentations au champ ont été menées. Depuis quatre ans que sont conduits ces essais agronomiques, des rendements de 2 t à 2,5 t/ha ont été relevés en station. Le fonio, réputé peu productif, a donc finalement les mêmes performances que le petit mil.

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Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 1995
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/60745
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