De petits élevages qui peuvent rapporter gros

Manque de terres mais besoin de protéines animales : bon nombre des populations des pays en développement connaissent cette situation. Les carences protéiques sont en parties comblées par la chasse de petites espèces animales ou, occasionnellement, leur élevage. Alors, pourquoi ne pas multiplier et intensifier ces petits élevages ? Voici quelques pistes intéressantes. Du fait de l’expansion démographique, de la fragmentation des lopins de terre, de la pauvreté et de l’urbanisation galopante, de plus en plus de personnes dans les pays ACP doivent produire des aliments sans avoir accès à la terre. Les pouvoirs publics ont à relever un double défi : fournir des produits alimentaires en quantités suffisantes et donner un emploi à la population. Et cela semble partiellement possible en zones urbaines comme en zones rurales : dans certaines villes où les parcelles à exploiter font défaut, des cours et même les toits des habitations sont mises à contribution. Les cultures en pots, dans des jardins aménagés dans des pneus usés ou dans des abreuvoirs ont fait l’objet d’un article dans Spore 44. De nombreuses solutions s’offrent aussi à ceux qui n’ont pas la place de pratiquer un élevage afin de satisfaire leurs propres besoins et, pourquoi pas, vendre les surplus. La plupart des produits animaux (viande, lait, cuirs et fibres) proviennent d’élevages extensifs sur pâturages et parfois sur friches une fois les récoltes achevées. Les animaux de pâturage peuvent également être élevés en enclos ou au piquet, et nourris par un système d’apport d’aliments (méthode du zéro-pâturage, voir Spore 33). Cependant, les grands ruminants ont besoin d’importantes quantités de fourrage que les éleveurs les plus pauvres ne peuvent fournir. Pas plus que l’eau qui est souvent une ressource rare. Les porcs peuvent avantageusement être nourris de déchets domestiques. Il faut toutefois prévoir des cloisons épaisses ou des grillages afin de limiter leurs mouvements. De plus, leurs excréments ont une odeur très forte qui attire les mouches et dans certains pays leur élevage est limité par des interdits religieux. Plusieurs espèces naines de bovins, d’ovins, de caprins et de porcins sont originaires de pays tropicaux et sont donc à l’évidence mieux adaptées à ces régions. Cependant, d’autres espèces présentent de nombreux avantages là où les terres manquent où les approvisionnements en eau sont difficiles et où la population est très dense. Quand la demande dépasse l’offre Dans certains pays, même les classes moyennes qui disposent de revenus relativement importants consomment pourtant en une année moins de produits carnés que les pays occidentaux en un mois. Leur régime alimentaire souvent à base d’amidons est donc non seulement monotone, mais également pauvre en acides aminés essentiels fournis en majorité par les protéines animales. Ces besoins en produits carnés sont satisfaits partiellement par la chasse, et par le piégeage de petits mammifères, notamment divers grands rongeurs herbivores, ainsi que des oiseaux et des invertébrés. L’augmentation de la chasse destinée à couvrir la demande insatisfaite entraîne une forte baisse du nombre des espèces les plus appréciées. La destruction de l’habitat naturel, notamment le déboisement, constitue une deuxième cause de l’extinction progressive d’espèces due à l’activité humaine. Ainsi, les escargots géants d’Afrique (Achatina et Archachatina spp), sont menacés par l’utilisation de plus en plus fréquente de pesticides agricoles. Peu de chiffres sont disponibles sur la consommation de viande provenant d’espèces sauvages mais dans presque tous les cas, la demande est supérieure à l’offre et, par voie de conséquence, toute augmentation du prix a des répercussions négatives sur le gibier restant. Afin de préserver ces espèces utiles, des décisions s’imposent : réglementation de la chasse et lancement de grands programmes de domestication et d’élevage. La plupart de ces animaux font déjà l’objet d’expériences d’élevage en captivité, mais les résultats sont souvent peu divulgués et encore à l’état embryonnaire. Quant aux espèces déjà domestiquées (lapin, cochon d’Inde...), elles pourraient faire l’objet d’un élevage plus intensif. De la domestication ancienne... Tous les lapins d’élevage ont pour origine commune le lapin européen domestiqué depuis 1 500 ans. Ce lapin est élevé dans le monde entier pour sa viande, sa fourrure ou sa peau. Il existe même dans certaines régions un marché pour les pattes ou les queues de lapin, utilisées comme talismans. Les espèces sont nombreuses mais ce sont généralement les petits spécimens et ceux à grandes oreilles (qui dissipent l’excès de chaleur) qui supportent le mieux les climats chauds. Les lapins peuvent se nourrir d’un grand nombre de végétaux provenant du sarclage des jardins, d’épluchures de cuisine ou de plantes ramassées au bord des routes. Ils mangent également leurs propres excréments, ce qui leur permet de mieux digérer. Dans des conditions idéales, ils peuvent grandir presque aussi rapidement que des poussins de couveuse mais demandent proportionnellement une nourriture beaucoup moins coûteuse. Leur potentiel à produire de la viande a été démontré en comparant un lot de 300 lapins avec un taurillon. Pour un poids égal, les deux lots ont besoin d’environ une tonne de fourrage pour « produire » 109 kg. Mais alors que le taurillon atteint ce poids en 120 jours, 30 jours suffisent au groupe des 300 lapins. Plusieurs pays ACP d’Afrique ont mis en oeuvre des programmes d’élevage de lapins. Le Ghana obtient tout particulièrement de bons résultats grâce à son National Rabbit Project (projet national pour l’élevage du lapin) qui fournit aux éleveurs membres de ce programme un cheptel destiné à la reproduction et des informations pratiques sur l’élevage. Une condition pour participer au projet : suivre un cours de formation intensif de trois jours. Les lapins sont originaires d’Europe et donc mieux adaptés aux climats tempérés. Certaines races tropicales ont toutefois été développées : c’est le cas du Baladi, principale race élevée au Soudan et au Proche-Orient, et du Criollo, développé au Mexique et qui pourrait intéresser les Caraïbes. Des races nouvelles peuvent être élevées sous des climats tropicaux pour peu qu’elles soient installées dans des clapiers bien ventilés, ombragés et soumis à des brises rafraîchissantes. Mais gare à la pluie, à l’humidité et aux clapiers sales : les maladies se propagent vite et la mortalité est très élevée. Les cochons d’Inde, domestiqués depuis longtemps en Amérique du Sud, sont de plus en plus appréciés pour leur viande dans d’autres régions du monde, comme l’Afrique occidentale. Ils supportent mieux les températures élevées que les lapins et l’élevage de races de « super » cochons d’Inde, à croissance accélérée, est actuellement pratiqué. Elever des cochons d’Inde pose peu de problèmes : comme les lapins, ils vivent dans de petits clapiers fermés, ont le même régime alimentaire, et supportent bien le contact de l’homme. Les calculs indiquent que 20 femelles et 2 mâles sont suffisants pour nourrir pendant un an une famille de 6 personnes. Dans le Sud du Nigéria, 10 % des foyers élèvent des cochons d’Inde à raison d’une trentaine d’animaux par famille. Côté rendement, 3,5 à 6 kg de fourrage sont suffisants pour que les cochons d’Inde « produisent » 1 kg de viande De récentes études ont cependant montré que ce rendement maximal n’était pas toujours atteint en raison de ce qu’on appelle la « sélection négative » :les ménages choisissent généralement de se nourrir des animaux les plus gros, ce qui revient, en cas de reproduction « libre », à tuer les plus beaux mâles et à ne conserver que les plus petits spécimens. Eduquer la population en indiquant comment sélectionner les futurs reproducteurs est donc un thème primordial de formation. Pigeons et tourterelles offrent également de vastes possibilités : volant en liberté, ils peuvent trouver dans la nature une très grande part de leur nourriture ; les pigeonniers de petite taille peuvent être placés sur des toits plats ou sur le pignon d’une habitation ; quant aux taux de reproduction, il atteint souvent 14 petits par an. Et en quelques mois les pigeonneaux sont bons pour être consommés. ... aux nouvelles espèces Différents rongeurs herbivores, déjà appréciés comme gibier pourraient être domestiqués assez facilement. Leur élevage fournirait ainsi de la viande et des revenus et permettrait d’éviter la diminution, voire l’extinction des espèces sauvages. Les services agricoles du Bénin, du Cameroun, de Côte d’Ivoire, du Ghana, du Nigéria et du Togo encouragent les fermiers à élever des rongeurs herbivores, les aula codes (voir encadré). Le rat géant ou rat de Gambie (Cricetomys) devrait également pouvoir être acclimaté dans une grande partie de l’Afrique. C’est un animal doux et facile à manier, qui peut peser jusqu’à 1,5 kg. Des recherches menées à l’université d’Ibadan au Nigéria portent sur les méthodes permettant d’élever ces rats en captivité. Certaines espèces sont adaptées à la vie sous le climat sahélien aride et dans la zone tropicale humide d’Afrique centrale. Aux Caraïbes, les lutias sont des rongeurs originaires de Cuba (Capromys) et de la Jamaïque (Geocapromis). Dans le Pacifique, les rats comestibles de la Papouasie - Nouvelle Guinée (Mallomys) et des îles Salomon (Solomys) sont chassés et sont en voie d’extinction. Là encore, leur domestication pourrait freiner la disparition des espèces sauvages restantes. Un autre rongeur de la taille d’un Lapin, l’aula code d’Afrique occidentale (Tryonomys swinderianus), pourrait répondre aux besoins des pays Caraïbes qui recherchent une solution de substitution aux lapins et cochons d’Inde. Abeilles, vers à soie et escargots Les abeilles sont probablement l’espèce la plus connue dans le monde entier, mais, bourdonnement et piqûres obligent, elles ne sont pas adaptées aux zones urbaines surpeuplées. Par contre, sur des petits lopins de terre isolés, surtout lorsqu’il est possible de cultiver des plantes à nectar, des buissons et des arbres, on peut avec un minimum d’efforts, peu ou pas d’apports supplémentaires en nourriture et un risque minime pour le voisinage, produire du miel. L’élevage du ver à soie, introduit progressivement en Afrique, devrait aboutir à la création de nouveaux emplois et revenus. L’organisation non gouvernementale Intermediate Technology (IT) participe à un projet pilote dans les hauts plateaux de l’est du Zimbabwe plantations de mûriers, développement d’un marché local pour les cocons, promotion d’activités, telles que le dévidage à la main et le tissage de la soie. Autre mets délicat apprécié en Afrique occidentale : l’escargot. On estime que la consommation des escargots s’élève à près de 8 000 tonnes par an en Côte d’Ivoire. Là encore, la demande est supérieure à l’offre. Les espèces sont nombreuses mais ne sont pas toutes comestibles. Les mieux adaptées aux pays ACP sont les espèces « géantes » ou « locales » Achatina et Archachatina. Mais une bonne planification est nécessaire : les escargots sont en effet sujets à la déshydratation, sensibles aux excès de chaleur, aux infections, aux parasites et aux prédateurs. Cependant, une fois le programme de routine établi, il n’est pas difficile d’obtenir leur reproduction. Joseph Cobbinah, chercheur ghanéen, décrit dans-un guide pratique qui sera publié prochainement par le CTA les possibilités offertes par la chair d’escargot, ses qualités nutritives et les méthodes d’élevage. Il souligne également les importantes perspectives d’exportation: à elle seule, la France consomme près de 50 000 tonnes d’escargots par an, dont les deux tiers environ sont importés. L’Italie consomme annuellement plus de 300 millions d’escargots et les Etats-Unis en importent chaque année pour plusieurs millions de dollars. Se nourrissant de feuilles, légumes, fruits, tubercules et fleurs, les escargots sont un excellent moyen de transformer la matière végétale en « viande » commercialisable de premier choix. Choisir sans se tromper Domestiquer des espèces sauvages ne se fera jamais sans tâtonnements et une certaine marge d’erreur. Cependant, certaines expériences sont déjà menées et pourraient être mises à profit par les futurs éleveurs. Il convient toutefois de rester prudent. Lorsqu’il s’agit d’acclimater des espèces à une région donnée, il ne faut en choisir aucune qui, dans le cas où elle s’échapperait, serait nuisible. De tristes précédents prouvent que les difficultés rencontrées pour maîtriser la situation sont considérables. Sélectionner et choisir les espèces les mieux adaptées au climat, aux ressources alimentaires, aux coutumes et aux préférences locales : c’est aussi le rôle des services de conseil en économie rurale et en élevage, qui regroupent et diffusent les informations disponibles sur les espèces déjà domestiquées.

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Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 1993
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/60339
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