Gens du fleuve immigrés, nouveaux acteurs du développement

Aujourd’hui, les immigrés ne veulent plus simplement envoyer de l’argent dans leur village natal. Ils entreprennent des actions de développement et introduisent de nouveaux modes d’organisation sociale. Venus majoritairement de la vallée du Fleuve au Sénégal, plus de 60 000 migrants, de l’ethnie Toucouleur ou Soninké pour la plupart, travaillent actuellement en France. Comme toute l’émigration oues africaine, ces « gens du fleuve » conservent des liens économiques avec leur village d’origine. Jusqu’au début des années 80, vivant chichement dans le pays d’accueil,ils envoyaient l’essentiel de leurs économies au village sans se préoccuper de l’attribution des dépenses. Depuis les nouvelles lois sur l’immigration et l’instauration des cartes de séjour, la crise économique et le chômage, ces hommes savent leur situation menacée. Ceux qui rentrent ne sont pas toujours remplacés et la « rente migratoire »est appelée à se tarir dans un court délai. Ce sentiment de précarité inspire une nouvelle attitude chez les migrants. Ils ne veulent plus envoyer leurs économies sans savoir comment elles seront dépensées et se retrouver démunis à l’heure du retour. « C’en est fini de l’émigré vache à lait. Nous devons mettre en place des réalisations durables, qui permettront au village de se passer de l’argent de ses fils en émigration » affirme l’un d’entre eux. Les Soninké et les Haalpulaar de Belleville ou de Ménilmontant sont devenus acteurs des transformations de leur village : s’appuyant sur les associations constituées par les migrants d’un même village –souvent 100 à 300 personnes, parfois plus-, ils collectent des fonds pour construire des écoles, des dispensaires ou une mosquée, installer des jardins maraîchers, des périmètres irrigués, des moulins à mil, ou favoriser l’élevage. « Cordon ombilical », « solidarité », « engagement », « espoir », « avenir radieux », ces traductions des noms attribués aux associations (plus de 400 en France) en disent long sur ce qu’attendent les migrants de ces groupements. De nouvelles organisations « A travers le processus de développement qu’ils sont en train de mettre en place dans leur pays d’origine à partir de leur pays d’accueil (...), les émigrés deviennent de véritables novateurs, » écrit Christophe Daum de l’Institut Panos. Au bout d’un certain temps passé en Europe, des expériences syndicales ou associatives font découvrir aux émigrés des formes d’actions collectives dont ils mesurent l’intérêt. En écho à ces initiatives, de nombreuses associations paysannes, villageoises ou inter villageoises se sont créées sur le terrain pour promouvoir un développement à la base. Dans la région de Kayes, au Mali, quatre coopératives de production ont été créées par des émigrés désireux de se réinsérer. Ces unités de production, décrites minutieusement dans l’ouvrage « La rizière et la valise », ne ressemblent en rien à l’organisation de production (plus individuelle) des Soninké : le travail collectif choisi facilite un certain nombre de tâches, comme tous les travaux de gros oeuvre ou les services communs (repas, formation). « Enfin, un petit groupe soudé et partageant les mêmes objectifs est plus dynamique et plus ouvert à l’innovation qu’un groupement villageois « écrit l’auteur de l’ouvrage. Autre exemple de changement de mentalité, les magasins coopératifs. Comme l’explique Jean-Louis Couture du GRDR, « au lieu de faire un chèque en blanc au chef de famille, ils commandent des produits de première nécessité à livrer à la famille, et les payent directement au gestionnaire du magasin ou à l’association d’émigrés. » Mais il arrive aussi que l’esprit novateur joue des tours aux migrants, comme d’introduire brusquement des tracteurs ... Ainsi que le souligne Jean-Louis Couture, « la solidarité et la volonté, l’argent et la technique ne suffisent pas toujours à garantir l’efficacité de ces projets. Les actions de développement ne réussissent que lorsque les acteurs locaux, les villageois, peuvent se les approprier. L’intervention des migrants n’assure pas automatiquement cette appropriation qui reste soumise à certaines conditions. » La rizière et la valise - Irrigation, migration et stratégies paysannes dans la vallée du fleuve Sénégal Philippe La vigne Deville - GRET-FPH - Collection Ateliers du développement - Syros Alternatives -1991 6, rue Montmartre - 75001 - Paris - FRANCE ISBN : 2.8673.8686.1 L’immigration ouest africaine en France : une dynamique nouvelle dans la vallée du Fleuve Sénégal juin 92 - PANOS - 31, rue de Reuilly 75012 - Paris – France Association pour l’Accueil et la Formation des Travailleurs Etrangers - 19, rue du Pré de la Bataille 76000 Rouen France

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Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 1993
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/60271
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