Patrimoine génétique de l’Afrique : sauvetage ou naufrage ?

Ecologie et usage traditionnel des plantes et herbes pour l’alimentation et la médecine: qui mieux que les communautés africaines maîtrise ces connaissances ? Pourtant, deux menaces pèsent aujourd’hui sur ce savoir : d’abord, le remplacement des variétés traditionnelles par des variétés modernes à haut rendement (auto-suffisance alimentaire oblige!); ensuite, corollaire inévitable, la disparition pure et simple de ces connaissances, faute d’usage. Est-ce vraiment important ? Ne vaut-il pas mieux abandonner une variété traditionnelle au profit d’une variété à haut rendement afin de nourrir la population africaine ? Mais, rétorquent certains de façon parfois obsessive, il faut aussi conserver la biodiversité ! Alors ces deux exigences sont-elles compatibles ? Certains arguments suggèrent que non seulement elles sont compatibles mais de plus inséparables. La Révolution Verte asiatique, par exemple, a montré que sur les bonnes terres les variétés à haut rendement peuvent réaliser leur potentiel ; par contre, sur les terres marginales, la base génétique étroite et l’uniformité de ces variétés concentrent les risques pour l’agriculteur qui peut voir ainsi sa récolte anéantie en cas de sécheresse ou d’épidémie. A l’inverse, les cultures traditionnelles et les variétés locales, avec la stabilité de rendement inhérente à leur diversité génétique, permettent non seulement d’étaler les risques sur une saison, mais aussi de conserver la variabilité génétique adaptée aux besoins de l’agriculteur. L’augmentation du nombre et de la taille des ONG qui travaillent avec les groupements d’agriculteurs à la conservation des espèces locales traditionnelles montre que les gens sont désormais moins intéressés par les « trucs techniques » et plus attentifs à la réalisation d’objectifs sociaux. Cela ne signifie pas que le travail accompli par les banques génétiques ne soit pas apprécié à sa juste valeur. Il sera toujours nécessaire d’effectuer une conservation ex-situ au niveau régional, national ou international, car elle constitue un moyen sûr de préserver la diversité génétique des dangers de la sécheresse, des incendies, de la déforestation, de la guerre et de la famine. Cependant, les agriculteurs ont des difficultés pour obtenir le matériel génétique détenu par les banques : il ne leur parvient que par l’intermédiaire des sociétés commerciales spécialisées dans les semences et ils doivent donc les payer. Biodiversité une utilité sociale Un certain nombre d’ONG se préoccupent d’aider les agriculteurs à accéder à la diversité génétique qu’ils ont permis de préserver au cours des siècles. Des structures regroupant les secteurs formel et informel sont mises en place, non seulement pour augmenter les chances de conservation des espèces, mais aussi pour préserver les connaissances sur la culture et l’emploi des espèces locales. Ainsi, le Plant Genetic Resources Centre of Ethiopia (Centre éthiopien de ressources génétiques végétales, PGRC/E) passe des contrats avec des agriculteurs qui sont chargés, contre rémunération, de conserver et de multiplier des espèces locales. Les responsables du centre sont convaincus que le soutien financier apporté aux agriculteurs est justifié, dans la mesure où la conservation des espèces locales doit s’accompagner d’un système de multiplication et de diffusion des semences aux autres agriculteurs. L’ENDA (Environnement et développement du Tiers-Monde), ONG qui travaille pour une agriculture durable et la sécurité alimentaire parmi les petits agriculteurs, s’efforce elle aussi de promouvoir la mise en valeur des cultures locales. Au Zimbabwe notamment, son projet est d’aider les agriculteurs à produire, à partir de leurs espèces locales, des semences stables, plus productives, qui pourront se substituer aux semences commerciales améliorées. Pour nombre de spécialistes, l’amélioration du matériel génétique des espèces locales est une approche rationnelle du point de vue pratique et économique et constitue la meilleure chance de conservation de la diversité génétique. La diffusion des semences au niveau communautaire présente, par rapport aux sociétés commerciales ou publiques, de nombreux avantages, comme le coût moins élevé des semences. Mais le principal avantage reste toutefois la capacité à fournir directement les variétés adaptées aux besoins des agriculteurs d’une communauté donnée : gamme très étendue de variétés végétales, y compris de variétés non viables commercialement et variétés présentant la diversité génétique nécessaire pour maximiser la sécurité de la production alimentaire des petits exploitants. En établissant des liens plus étroits, fondés sur un plus grand respect mutuel des valeurs inhérentes aux secteurs formel et informel, il est possible de réduire les risques d’érosion génétique et ainsi de contribuer à assurer la sécurité alimentaire des générations à venir.

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Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 1993
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/60237
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