L'apomixie, un outil de développement

Très peu de gens connaissent les plantes apomictiques. Pourtant, elles sont nombreuses dans les pays en développement et elles ont une caractéristique biologique qui pourrait améliorer les productions agricoles : elles donnent naissance à des plants qui ne ressemblent qu'à la mère. Pour Yves Savidan, chercheur à l'ORSTOM qui travaille sur ces plantes, il suffit donc de sélectionner les semences sur des plants très productifs pour être assurés à la prochaine récolte de voir se reproduire les mêmes performances. Les agriculteurs des pays en développement produisent peu ou pas de semences améliorées. Ils gardent une partie de leur récolte pour ensemencer au cycle sui vant, mais cette nouvelle génération est différente de la précédente et généralement moins productive. De leur côté, les techniques modernes d'agriculture connaissent de nombreuses difficultés sous les tropiques les produits chimiques polluent et coûtent cher, les terres supportent mal les labours profonds et répétés, les cultures intensives ne s'adaptent guère aux conditions climatiques et aux attaques des ravageurs. Les nouvelles variétés sélectionnées subissent aussi beaucoup d'échecs car l'amélioration génétique des variétés locales leur fait perdre de leur rusticité et de leur adaptabilité. C'est pourquoi les agronomes cherchent de nouvelles méthodes pour améliorer les productions agricoles. Apomixie des plantes sans père Selon certains chercheurs, l'utilisation des plantes apomictiques serait une excellente solution. Quasiment personne ne connaît ce terme, même chez les agronomes. Pourtant, la découverte de l'apomixie remonte à la fin du siècle dernier et elle concerne plusieurs milliers de plantes, dont beaucoup d'espèces tropicales. Ces plantes, des espèces de mil, de maïs, d'agrumes, semblables à toutes les autres, ont un gène particulier qui agit sur le mode de reproduction : elles donnent naissance à des plantes qui ressemblent exclusivement à la mère, et non au père et à la mère comme dans la reproduction sexuée. La découverte de ces plantes spécifiques est restée jusqu'à maintenant dans les manuels des agronomes car tout le monde pensait qu'il serait beaucoup trop cher et compliqué de s'en servir sur le terrain. Pourtant, ce mode de reproduction exclut toute surprise et il suffit chez ces plantes de prélever les semences sur des plants très productifs pour être assuré à la prochaine campagne d'avoir des plants identiques. L'explication en est simple : le pollen mâle ne féconde pas l'ovule de la plante femelle. Il ne fait qu'enrichir l'albumen au sein duquel cet ovule se développe. L'embryon ainsi produit est 100 %maternel. La reproduction apomictique est semblable au bouturage et au clonage : les plantes obtenues sont toutes semblables entre elles et à la plante mère. L'utilisation des plantes apomictiques est tout à fait possible dans les pays en développement. La plupart des graminées tropicales ont parmi leurs variétés des plantes apomictiques. 'Ainsi, parmi les 200 espèces de mil, plus des 3/4 sont apomictiques' explique Yves Savidan, chercheur à l'ORSTOM (Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération), qui s'intéresse tout particulièrement à ces plantes et vient de créer un réseau de recherches. 'Souvent, on ne peut pas les cultiver car ce sont des variétés sauvages, qui donnent peu de grains et dont les tiges rampent sur le sol. Ce qui est intéressant dans ce mil apomictique, c'est son gène d'apomixie. Pour le transférer d'un plant à un autre, on utilise l'hybridation. Lorsque le cultivateur obtiendra sa première récolte de mil à la fois productif et apomictique, lui suffira de prélever ses semences sur de belles chandelles de mil pour être assuré de n'avoir l'an prochain dans son champ que du mil avec de belles chandelles', explique Yves Savidan qui a déjà fait des expériences. Cette méthode a un double avantage. Tout d'abord, elle n'entraîne pas de grands changements pour les cultivateurs qui ne peuvent pas toujours se permettre de prendre des risques. Ensuite, comme l'explique Yves Savidan, 'la voie apomictique assure une homogénéité variétale pour la partie reproductive mais une hétérogénéité de la partie végétative'. C'est-à dire que le cultivateur choisit pour ses semences de belles chandelles mais prélevées sur des variétés différentes. Ainsi, les mils obtenus seront tous productifs mais certains résisteront à la sécheresse, d'autres aux ravageurs, d'autres encore aux virus. Sage précaution dans ces pays où l'uniformité des variétés rend les cultures très vulnérables. Augmenterla productivité en sécurité Les progrès récents de la science font voir ces plantes sous un nouveau jour : un simple microscope optique permet de déterminer si une variété est apomictique et si les hybrides sont faciles à obtenir. Cependant, les chercheurs restent prudents. 'Cette ca ractéristique biologique des plantes ne va pas révolutionner le monde tropical' prévient Yves Savidan. 'C'est une possibilité qui existe, que l'on n'a jamais utilisée et qui peut être facteur de beaucoup d'améliorations'. APONET (Réseau International pour les Recherches sur l'Apomixie) Yves Savidan Mission ORSTOM au Mexique Homero 1804-1002 - Col. Los Morales 11510 - Mexico - MEXIQUE

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Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 1991
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/60012
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