Le savoir paysan une richesse sous-exploitée

La science a considérablement contribué à améliorer la production agricole au cours de la dernière décennie. Cependant, ces progrès ont eu tendance à faire oublier les connaissances des communautés agricoles. Ainsi, au cours des années 40 - 50, de nombreux encadreurs de projets agricoles ont encouragé et même forcé les agriculteurs à abandonner leurs pratiques traditionnelles telles que la culture associée d'arachides et de manioc, ou de haricots et de maïs. Ils prônaient la monoculture. Après les indépendances, leurs successeurs, formés à l'école occidentale, ont eu tendance à suivre leur exemple. Aujourd'hui, les agronomes redonnent à la polyculture ses lettres de noblesse. Enrichir le sol en azote et en humus, protéger les terres arables de l'érosion, lutter contre les parasites et les agents pathogènes, telles sont les plus fréquentes raisons évoquées par les spécialistes pour vanter les mérites des cultures associées. Les agriculteurs des pays en développement le savent bien. Ce n'est pas sans raison que dans certains champs ils utilisent, par exemple, des variétés de millet à longue barbe les oiseaux ont beaucoup plus de mal à les picorer. Outre ce type de moyen physique dissuasif évident, ils connaissent de nombreuses autres caractéristiques qui rendent les récoltes moins vulnérables aux attaques des parasites. Ainsi, la patate douce est souvent cultivée sur des terrasses surélevées et les ignames sur des buttes de terre. Ce travail demande aux fermiers beaucoup de temps et d'énergie. Mais ils savent qu'ils créent ainsi un environnement optimal pour les cultures et préservent leurs terres. Pour les agronomes, l'objectif prioritaire est de maximiser les rendements par unité de surface. Pas pour les petits exploitants. Assurer sa survie et sa sécurité dans un environnement instable et fluctuant est beau coup plus important que de réaliser des performances agronomiques. Des priorités différentes C'est pourquoi les agriculteurs ont mis au point plusieurs variétés locales de cultures vivrières. Plus que de réaliser des performances, celles-ci doivent mûrir rapidement, supporter une sécheresse ou des pluies capricieuses. Dans le Sahel, le millet 'souna' est une variété de ce type. Il mûrit en l'espace de 70 à 90 jours. La culture du 'souna' est associée à celle du 'sanyo', une variété à rendement plus élevé, mais qui ne parvient à maturation qu'au bout de 120 à 150 jours. Cette variété supporte moins bien la sécheresse que le 'souna' et n'est pas plantée avant que la saison des pluies ne soit bienamorcée. Outre le fait qu'elles assurent la stabilité de l'approvisionnement en nourriture, ces deux variétés étalent les besoins en main-d'oeuvre en fonction des différents stades de la culture et des récoltes. Dans certains sites privilégiés au coeur des régions sèches, un type d'agriculture 'par déversement' est pratiqué avec des variétés qui germent, se développent et mûrissent en utilisant l'humidité résiduelle du sol à la fin de la saison des pluies. Les besoins des troupeaux Les méthodes traditionnelles d'élevage reflètent aussi l'étendue du savoir paysan. Ainsi, les pasteurs savent que leurs troupeaux ont des besoins en minéraux qui se justifient au moins autant que les besoins en nourriture. Ils emmènent les chameaux à des centaines de kilomètres pour une 'cure de sel' en Mauritanie, au Mali, au Niger, au Tchad et au Soudan. Là, les animaux pourront boire des eaux riches en sels dissous ou paître sur des terrains dont la composition minérale diffère des sols sur lesquels ils paissent habituellement. Les pasteurs savent aussi assurer la descendance de leurs troupeaux et contourner les risques de consanguinité. Les méthodes traditionnelles ne requièrent pas de besoins supplémentaires en main-d'oeuvre et ne contredisent pas les croyances religieuses relatives à la castration. Dans l'Est de l'Afrique, les Massaï, par exemple, attachent un tablier aux béliers et aux boucs, tandis qu'en Afrique du Nord musulmane, dans le Sahel et au Proche Orient, une corde appelée en arabe 'kunan' est fixée au scrotum et à la gaine du pénis pour empêcher tout accouplement d'aboutir. Dans le domaine de la pharmacopée, le savoir traditionnel paysan est aussi très important. Nombre d'espèces végétales sont utilisées depuis longtemps pour la médecine humaine et animale ou pour protéger les récoltes stockées des insectes et des champignons. Ces produits et leurs équivalents industriels ou de synthèse continuent à servir nos besoins. La communauté scientifique a reconnu tardivement les bienfaits des connaissances et des pratiques traditionnelles. Aujourd'hui, de plus en plus, les fermiers et les pasteurs s'associent aux scientifiques et les avantages de la collaboration ne se sont pas fait attendre. Les Etats-Unis ont récemment officialisé cette collaboration. L'Etat de l'Iowa a mis sur pied, en 1987, le Centre pour le savoir traditionnel en agriculture et en développement rural (Center for Indigenous Knowledge for Agriculture and Rural Development - CIKARD). CIKARD, 318 Curtiss Hall, Iowa State University, Ames, IA 50011, Etats-Unis

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Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 1991
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/59978
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