Régimes fonciers africains quelles options pour une réglementation plus efficace?

Les régimes fonciers coutumiers ne sont pas responsables du faible taux des investissements agricoles et forestiers, de la dégradation de l’environnement et des rivalités entre les populations. Il vaudrait mieux les faire évoluer que de les faire coexister avec un régime moderne ou de leur substituer ce dernier. Les régimes fonciers africains sont complexes et variables selon les pays et même selon les ethnies à l’intérieur d’un même pays. Au Bénin, par exemple, la loi moderne de 1965 n’a pas aboli le droit foncier coutumier. Elle dispose que l’immatriculation du foncier est facultative, mais à condition qu’il ne soit ni aliéné, ni concédé ou qu’il cesse d’être régi par les coutumes en faisant l’objet d’un contrat écrit, rédigé en conformité des principes du droit civil. Deux systèmes différents peuvent donc coexister en matière de régime foncier le droit moderne et le droit coutumier. Pour la grande majorité des pays africains, c’est le droit coutumier qui prédomine sur la quasi-totalité du patrimoine national. A tort ou à raison, on reproche au droit coutumier d’être mal défini, d’être oral et donc d’engendrer des querelles, d’être à l’origine d’une allocation non efficiente des ressources en agriculture et du faible niveau d’investissement parce qu’il limiterait la sécurité de jouissance de l’exploitant, d’occasionner et de perpétuer les rivalités claniques, d’être responsable de la non adoption des mesures de conservation des ressources naturelles, en un mot de ne pas favoriser le développement agricole. Pourtant, le droit foncier coutumier ne manque pas d’avantages. Il est souple, qualité qui favorise son adaptation et sa contribution positive aux changements socio-économiques et politiques de l’Afrique. Le droit coutumier, par le fait même qu’il autorise les allochtones à s’établir sur les terres des communautés autochtones, ne peut pas être considéré comme un facteur empêchant le développement agricole, au contraire. Faire du neuf avec du vieux Le droit coutumier oblige, et à juste titre, les allochtones à se soumettre aux us et coutumes régissant les terres. Il empêche ou freine l’émergence d’une classe de paysans sans terres à la suite de l’accumulation des terres par les riches, accumulation rendue possible, entre autres, par le procédé d’immatriculation prévu par le droit foncier moderne. Il empêche aussi l’émergence de propriétaires terriens absentéistes d’un côté et des paysans soumis à des rentes excessives de l’autre. Il permet d’éviter aux autochtones de devenir des tenanciers sur les terres de leurs aïeux dans les exploitations des allochtones. Il permet d’éviter que les agriculteurs gèrent à leur guise le patrimoine foncier, premier facteur de production agricole. En fait, le droit foncier coutumier n’interdit pas aux allochtones de planter les arbres, il les empêche plutôt de devenir des propriétaires de terre. Cette « interdiction » est une mesure de prévention contre l’appropriation privée des terres. Il est clair que des dispositions de contrôle doivent être précisées dans les réglementations foncières locales afin que leur mise en application ne contribue pas à la dégradation de l’environnement, à la faiblesse des investissements sur les terres attribuées aux immigrants et à des dissensions entre communautés allochtones et communautés locales. Le droit foncier coutumier doit être amélioré lorsque cela s’avère nécessaire pour être plus efficace. Dans beaucoup de localités africaines, par suite de la pression sur les terres, le régime foncier connaît déjà une mutation. Il est alors impérieux que la réglementation soit adaptée aux données actuelles. Le droit moderne tel qu’il se présente actuellement ne peut régir de façon satisfaisante les questions du foncier, surtout en milieu rural. Que faut-il faire alors ? Il faut que la réglementation soit adaptée aux réalités de la société et qu’elle contribue à apporter une réponse aux problèmes essentiels de cette société. Deux actions importantes pourraient être entreprises. Tout d’abord délimiter les champs d’application des deux droits (moderne pour les zones urbaines et coutumier pour les zones rurales). Ensuite, confier les compétences de la réglementation foncière aux communautés locales, améliorer le droit coutumier qui s’appliquerait à toutes ces communautés. Le droit coutumier serait ainsi enrichi par les aspects positifs du droit moderne. Cependant, la difficulté réside dans le fait que les communautés locales ont des réglementations différentes et qu’il est impossible d’appliquer efficacement le même code foncier coutumier à toutes les communautés. Mais au lieu de s’ingérer dans les réglementations foncières villageoises en imposant des régimes modernes s’inspirant des modèles généralement importés, les pouvoirs publics africains devraient laisser les lois coutumières locales régler les questions foncières, sachant que lesdites lois sont appelées à évoluer et sont capables de s’adapter aux changements socio-économiques et culturels des pays. Dans ce domaine, une intervention exogène limitée et circonstancielle visant à les enrichir, au cas où elle s’avère indispensable, accroîtra leur efficacité. Les opinions émises dans cette tribune libre n'engagent que leurs auteurs. Elles ne sauraient être attribuées au CTA.

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Bibliographic Details
Main Author: Biaou, Gauthier
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 1993
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/59828
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