L’importance de la cueillette et des savoirs locaux

L’importance de la cueillette et des savoirs locaux CHAPEAU Les forêts africaines sont riches en espèces d'arbres fruitiers et en plantes médicinales indigènes. Les populations comptent sur ces ressources qui leur fournissent des fruits, des médicaments, de la nourriture et du matériel de construction. Ce sont les femmes et les enfants qui font cette cueillette et il y a à cela des raisons culturelles, comme l’explique Koffi Edmond, ingénieur agronome au CNRA, le Centre national de recherches agronomiques de Côte d’Ivoire, au micro de Félix Eba Kouadio. COMMENCEMENT DE LA BANDE : «On trouve les fruits indigènes un peu partout dans notre…» FIN DE LA BANDE : « ... il y a une sorte de préservation qui est faite autour de ces fruitiers-là.» DURÉE DE LA BANDE : 6’04 ANNONCE DE FIN: Cette émission vous était proposée par le CTA. Transcription Koffi On trouve les fruits indigènes un peu partout dans notre environnement immédiat, que ce soit dans les forêts, dans les savanes ou dans les forêts marécageuses. Bref partout où il y a du couvert végétal, on peut trouver des fruits indigènes. Eba Kouadio Alors comment se fait la cueillette des fruits indigènes? Koffi Très souvent les populations, particulièrement les femmes et les enfants, ramassent ces fruits-là. Ce ne sont pas des fruits qui sont cueillis à une période précise de la maturité mais très souvent quand le fruit arrive à maturité il tombe et donc les femmes et les enfants connaissent les périodes propices à la chute de ces fruits et donc elles passent sur les différents semenciers pour ramasser ces fruits. Eba Kouadio Donc on ne les trouve pas sur les arbres, sur les plantes où il faut aller les arracher? Koffi En fait il y a… les populations, dans un souci de préserver les arbres, très souvent ne cueillent pas les fruits directement sur les arbres, mais attendent que les fruits tombent et puis procèdent au ramassage. Eba Kouadio Pourquoi ce sont les femmes et les enfants qui s’adonnent à cette activité de cueillette des fruits indigènes? Koffi Les fruits indigènes sont classés dans la catégorie des plantes négligées et donc ce sont des plantes pour lesquelles on considère que les revenus qu’elles procurent ne sont pas suffisamment importants pour devenir une activité prioritaire pour les hommes. Il faut comprendre que dans nos populations ce sont les cultures de rente comme le café, le cacao, le palmier à huile, l’hévéa ou… j’en passe, ou l’anacardier, ce sont ces cultures-là qui sont du ressort des hommes; et donc les autres sous-cultures, même les cultures vivrières, hein, c’est peut-être maintenant qu’il y a un engouement des hommes pour elles mais généralement les cultures vivrières sont l’apanage des femmes, à fortiori les cultures négligées, elles sont totalement minimisées par les hommes et donc l’affaire des femmes et des enfants. Eba Kouadio Est-ce que les hommes n’ont pas commencé à s’intéresser quelque part à ces fruits indigènes? Koffi Bon… les hommes… c’est une question, je veux dire, d’habitude. Cela n’est pas encore rentré dans la mentalité des hommes parce que, il ne faut pas l’oublier, en Afrique, très souvent, voir un homme exercer de telles activités, c’est comme si en quelque sorte, il perdait un peu de sa dignité, son intégrité d’homme. Eba Kouadio Est-ce qu’on peut parler de raison culturelle pour expliquer cela? Koffi C’est effectivement cela parce que la culture de l’africain le met mal à l’aise, c'est-à-dire que si l’homme doit partir ramasser des fruits indigènes pour les vendre, disons pour les trimballer sur le marché, sa dignité est quelque peu entachée et donc c’est très souvent relégué au second plan, quand bien même on sait que ces plantes-là n’ont pas seulement des vertus alimentaires, il y a des vertus médicinales que les populations connaissent bien; pour ces plantes médicinales-là, les hommes, en cas de maladie, vont faire la cueillette pour vraiment soigner les patients. Mais en ce qui concerne les fruitiers comestibles, c’est souvent les femmes et les enfants qui connaissent les semenciers puisqu'ils connaissent ces fruits-là, ils connaissent le goût de ces fruits, ce que ça leur procure et donc ils savent à peu près où sont localisées ces plantes-là. Et quand la période arrive, ils sillonnent les forêts ou disons l’environnement immédiat où on peut trouver ces fruits pour les ramasser, d’abord pour leur nourriture et ensuite pour les commercialiser les jours de repos pendant qu’ils ne vont pas à l’école et pour les envoyer sur les différents marchés des villages. Eba Kouadio Concrètement, quels sont les bénéfices économiques que le paysan peut tirer de cette activité de cueillette des fruits indigènes? Koffi Les avantages économiques? Comme je l’ai dit tantôt, nos braves femmes des villages n’ont pas assez de sources de revenus et donc cela leur procure des sources de revenus à travers la commercialisation de ces fruitiers-là. Et il y a aussi… on peut donner un exemple très simple : on prend le cas du karité (Vitellaria paradoxa). Le karité qui de tous temps a été considéré comme une plante de cueillette mais qui de nos jours est en train de prendre une grande importance économique, au regard de certaines dispositions prises par l’Union européenne, à savoir le remplacement ou la substitution du beurre de cacao par du beurre de karité. Et il y a un engouement réel pour cette plante-là qui procure d’énormes ressources financières. Eba Kouadio Est-ce que le problème de la propriété financière ne peut pas constituer un inconvénient pour cette activité? Koffi La propriété financière peut être un handicap étant donné que la forêt devient rare. Les quelques personnes qui disposent d’une propriété importante ont, au sein de ces propriétés-là, des fruitiers indigènes qu’ils protègent et de nos jours, quand on prend par exemple le cas de l’ «hakbi», ceux qui ont des pieds d’hakbi ne laissent pas n’importe qui venir ramasser et très souvent cela fait l’objet de petits litiges mais les populations à leur niveau savent régler ce genre de situations. Donc c’est dire qu’avec la raréfaction des forêts, avec la surexploitation qui est faite des fruitiers divers et avec l’intérêt de plus en plus important que ces fruitiers divers présentent au plan économique, il y a une sorte de préservation qui est faite autour de ces fruitiers-là. Fin de la bande.

Saved in:
Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: Audio biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 2007
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/59753
Tags: Add Tag
No Tags, Be the first to tag this record!