Dans le nord du Burkina, agriculteurs et éleveurs évitent les conflits gràce à un code de conduite adopté par consentement mutuel

DANS LE NORD DU BURKINA, AGRICULTEURS ET ÉLEVEURS ÉVITENT LES CONFLITS GRACE A UN CODE DE CONDUITE ADOPTÉ PAR CONSENTEMENT MUTUEL. CHAPEAU : A Kishi Beiga, dans la région de Gorom Gorom au nord du Burkina Faso, agriculteurs et éleveurs ont décidé de vivre en bonne entente malgré des intérêts souvent divergents. Pour y parvenir, ils ont élaboré un véritable code de conduite qui réglemente, en détail, l’utilisation des ressources communes: Ainsi par exemple, grâce à certaines règles, on a pu stopper le piétinement des rives des points d’eau par les bêtes, ce qui a pour avantage d’éviter l’assèchement des mares, une ressource commune à tous. Pour veiller a l’application des textes, un Cadre de Concertation a été mis en place. Une enquête de Crépin Hilaire Dadjo. DUREE DE LA BANDE : 10’42 Studio Jusqu’à encore très récemment, toute la région pastorale du nord du Burkina était connue pour la fréquence des conflits qui opposaient agriculteurs et éleveurs. Mais pourquoi dans cette région plus qu’ailleurs ? Razoum Tapsirou, président du Cadre de Concertation Tapsirou En langue ... Traduction Il y a plein d’animaux qui sont dans la région donc a cause des dégâts, les gens se manquaient beaucoup puisque il y a eu des années où, ça fait très longtemps, nous avions séparé les deux zones, par vocation, la zone agricole et la zone pastorale. Avec tout cela, il y avait toujours des conflits entre agriculteurs et éleveurs. Donc pour faire face à cela nous avons mis ce cadre de concertation en place parce que dans le temps chacun se disait chef de lui même donc les gens faisaient ce qu’ils voulaient mais depuis qu’il y a eu ce Cadre, vraiment les choses ont beaucoup diminué. C’est à dire les agriculteurs ils connaissent leur place, les transhumants, les éleveurs ils connaissent leur place, les animaux connaissent leurs pistes, donc vraiment les choses ont beaucoup diminué... Dadjo Est ce que on peut avoir une idée de la constitution du Bureau du Cadre ? Est ce que il y a des éleveurs qui sont représentés ? Est ce que il y a des agriculteurs également qui sont représentés ? Tapsirou En langue .... Traduction On n’a pas fait de discrimination. Les agriculteurs font partie, les éleveurs font partie, en tous cas tous les différents groupes sont représentés au sein du cadre. Dadjo A la dernière rencontre qu’il y a eu, est ce que il y a eu des problèmes de foncier qui se sont posés ? Tapsirou En langue .... Traduction Il n’y a pas eu de problèmes. C’est à dire que il y avait quelqu’un que tu n’aimais pas auparavant mais avec la signature des règles, tout le monde est presque devenu la même famille, c’est à dire il y a vraiment l’amour entre les gens et à cause de ce qui est fait a Beiga, c’est en train de faire tâche d’huile, c’est à dire les autres villages qui sont voisins de Beiga, sont en train de suivre, d’emboîter le même pas : il y a d’autres localités même qui ont eu des règles déjà validées. Donc vraiment c’est une très bonne chose que les gens se retrouvent chaque fois, ça permet de ne pas oublier ce qu’on fait c’est à dire ça consolide les relations entre les hommes. Studio Ce Cadre de Concertation a donc élaboré pour les populations locales un véritable code de conduite d’autant plus facile a respecter que tous les groupes socio-ethniques présents dans la région y sont représentés. Mais comment en est on arrivés là ? Boubacar Cisse Lamine qui encadre ces populations depuis 4 ans dans le cadre du projet Sahel Burkinabé financé par la GTZ, nous rappelle le contexte socio-historique dans lequel est née cette initiative. Cissé Lamine Vous connaissez un peu l’histoire du Sahel : il y a ceux qui sont considérés comme les anciens notables et les anciens esclaves. Donc qui a le titre, qui a le droit foncier au niveau de cette zone? Les anciens notables disent que la terre leur appartient, c’est eux qui ont le droit de donner ou de retirer. Les anciens esclaves pensent que si c’est eux qui ont mis en valeur ces terres ça leur appartient. Donc ça a fait éclater des conflits entre ces anciens notables et ces anciens esclaves et cela n’a pas tourné au drame heureusement mais tout ça montre que il y avait une forte tension, sans parler des tensions socio-politiques entre les Malébés et aussi la communauté Tamacheck puisque c’est des ethnies différentes mais qui cohabitent dans la zone et chacun s’aligne derrière un bord politique qui s’identifie par rapport à l’appartenance ethnique. Voilà comment est la situation de départ. Dadjo Et donc les populations ont vu que elles ne pouvaient plus continuer comme ça. Il y en a qui se sont réunis et qui ont dit “Bon voilà, on met en place un Cadre de Concertation avec plusieurs articles. Deux ans après, quel est le bilan que vous faites, vous qui êtes sur le terrain ? Est ce que il y a encore des conflits sur le terrain Cissé Lamine Je ne dirais pas qu’il n’y a pas de conflits parce que les conflits sont des éléments naturels qui accompagnent et qui cohabitent avec la population seulement il y a eu deux éléments qu’on peut tirer : il y a eu une baisse notable des conflits et puis il y a eu aussi le renforcement des capacités par rapport à l gestion de ces conflits. Ça veut dire quoi? Beaucoup de conflits liés a certaines ressources quand même ont disparu. On rencontre peu de gens qui se disputent autour de la terre parce que ça m’appartient, ça t’appartient ..je suis faible, tu étais le fort. On rencontre peu ces cas. On rencontre peu de conflits entre pasteurs transhumants et allochtones mais quand même il y a d’autres conflits quand même liés au dégâts des champs parce que il y a toujours quand même des violations des règles. Ça aussi c’est aussi lié à la baisse de conflits. Maintenant il y a eu le renforcement des capacités par rapport à la gestion ...: Au lieu de transférer tous les conflits, quels que soit leur niveau à l’administration pour les résoudre, maintenant la communauté s’assoit pour résoudre ses propres conflits. Voilà donc deux éléments de changement : la baisse notoire des conflits liées à certaines ressources et la capacité de gérer eux même leurs propres conflits Dadjo Et pour vous c’est parce que il y a eu ce Cadre de Concertation entre agriculteurs et éleveurs ? Cissé Lamine Certes c’est le facteur le plus principal quand même et qui a influencé tous ces changements parce que quand il n’y avait pas de cadre de concertation entre toutes les communautés qui existent, qui cohabitent au niveau de la zone, on constatait la hausse de conflits mais quand il y a eu ce Cadre de Concertation, quand il y a eu cette dynamique organisationnelle, il y a eu la baisse de conflits donc l’existence du Cadre a influencé positivement la baisse de conflits. Dadjo Je sais que vous entendre parler de groupes ethniques différents, c’est pas vraiment le français qui est la langue la plus parlée dans cette zone , alors est ce que les populations à la base connaissent, parce que ça a été traduit dans leur langue, cette réglementation ? Cissé Lamine La réglementation ce n’est pas qu’elle est traduite dans leurs langues, ce sont eux qui ont élaboré. Il faut reconnaître que il y a un fort taux d’alphabétisation dans la zone donc ce sont les populations qui ont mûri à partir de leur hameau, leur base ...le hameau c’est l’entité la plus faible de la composition d’un village .. a partir de leur hameau, ils ont proposé des règles, ils les ont écrites, ils les ont synthétisées à l’échelle inter-villages et nous maintenant en tant que techniciens, nous avons essayé de les transcrire en français mais la substance originale c’est en langue locale, notamment en fulfuldé et en tamacheck Dadjo Est ce que vous pensez que vous pensez que cette bonne ambiance qui existe aujourd’hui va perdurer ? Cissé Lamine Vous savez actuellement, le Burkina vit dans une dynamique de décentralisation et le Cadre de Concertation n’est pas ignorant de cette situation. Ils sont en train de prendre des dispositions pour que ce qu’ils ont comme un acquis, ne soit pas renversé par ce nouveau processus de décentralisation. Par conséquent ils ont élaboré un plan d’action d’abord pour évoluer vers des CIVGT ... Dadjo C’est quoi les CIVGT ? Cissé Lamine des Comités Inter-Villageois de Gestion des Terroirs mais également à partir de là, ils sont en train de prendre des dispositions pour s’ériger en commune rurale. Cela montre quand même que ce Cadre de Concertation a des visions vraiment bien claires par rapport au devenir de sa structuration. Studio Le modèle de Kishi Beiga est donc une expérience de gestion des conflits particulièrement réussie ce qui est rare dans le contexte africain actuel mais qui plus est, c’est une expérience partant de la base et non pas imposée depuis le sommet. Alors est ce un modèle exportable ? L’opinion du professeur Hubert Ouedraogo, professeur de droit, spécialiste du foncier à l’université de Ouagadougou. Ouedraogo Ces expériences, autant elles sont intéressantes, autant elles présentent des limites, en ce sens que la validité des règles par exemple qui sont élaborées par les populations à la base ne sont pas prouvées. En réalité, elles n’ont pas de validité, elles n’ont pas un caractère officielle. Cela veut dire que tant qu’il y a une entente au niveau local, cela va marcher mais si il y a des personnes qui ne sont pas d’accord avec les règles qui sont appliquées au niveau local, eh bien on ne peut plus assurer leur application, leur respect en quelque sorte. Dans l’expérience de Kishi Beiga, ce qu’on a essayé de faire, c’est d’assurer justement la validation de ces règles locales là à travers l’implication de l’administration locale c’est à dire l’implication du préfet. Il aurait pu de sa propre initiative écrire pour dire “bon voilà, par rapport aux ressources de telle chose, voila ce que je pense qui devrait être observé, il ne le fait pas de sa propre initiative, c’est la population qui lui suggère et lui il le valide comme si c’était lui qui avait pris cette mesure. Dadjo Est ce que il y a un conflit d’intérêt ou de compétence entre cette série d’articles que les populations ont pris elle même et la loi qui existe officiellement, à savoir la réforme agraire et foncière ? Ouedraogo C’est à dire que lorsque la population a élaboré les règles, moi j’ai été consulté en tant que juriste et je leur dis ce qui est légal et ce qui n’est pas légal. Ce qui n’est pas légal, le préfet ne l’approuvera jamais donc la population devait s’adapter au cadre législatif en vigueur parce que tout citoyen dans un état de droit, doit respecter la loi. Donc c’est dans le cadre ...c’est sous la réserve du respect des lois en vigueur que la population a été autorisée à prendre un certain nombre de mesures. Dadjo Je me suis laissé dire a Gorom Gorom, donc dans la zone de Kishi Beiga qu’il y a des gens qui s’intéressent à l’expérience de Kishi Beiga, qui viennent du Mali, qui viennent de la Mauritanie, qui viennent du Niger ou même d’autres parties du Burkina ..Alors ma question c’est est ce que ce modèle là est exportable ? Ouedraogo Oui, c’est à dire que on peut s’inspirer de la méthode, de la démarche. C’est ça qui est l’essentiel. L’essentiel n’est pas le détail des règles locales. L’essentiel c’est l’approche : est ce que une communauté locale peut prendre des mesures pour assurer la gestion de ces règles au niveau local. La loi est forcément générale, elle ne rentre pas dans les détails or la population vit sur la base de détails donc elle a besoin de régler les problèmes de détail. Donc dans les autres pays, les populations font face au même type de problèmes c’est à dire à des lois générales qui ne tiennent pas compte de la diversité de leur situation, des spécificités de leur situation et donc ces populations ont besoin de procéder de la même manière et d’ailleurs dans ces différents pays, ces démarches sont initiées mais à la différence de Kishi Beiga, ils ne sont pas allés jusqu’au niveau de voir comment on peut valider. Fin de la bande.

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Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: Audio biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 2001
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/59707
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