Les subventions accordées aux producteurs du Nord faussent le marché

Les subventions accordées aux producteurs du Nord faussent le marché CHAPEAU La crise majeure que subit l’industrie du coton s’explique par plusieurs facteurs mais l’un des plus importants c’est les subventions massives que certains états du Nord octroient a leurs producteurs de coton. Il s’agit surtout des Etats Unis qui sont le premier exportateur mondial. Ce malaise est si grave que certains experts affirment que 50 pour cent de la production actuelle des pays du sud pourrait disparaître dans les 45 prochaines années. Il y a t il des solutions ? Un reportage de Euloge Aidasso au Bénin. DE LA BANDE : 12’02 Studio Quand le producteur béninois ou burkina-bé reçoit 43 cents pour son kilo de coton, le producteur américain a déjà reçu 50 cents de subventions avant de commencer. Le gouvernement américain a ainsi accordé 5 milliards de dollars a ses producteurs de coton en 2003. Ces pratiques qui comprennent des subventions directes et indirectes constituent un véritable dumping qui entraînent des distorsions sur le marché international puisque les producteurs du Sud subissent de dumping de plein fouet. Comment se manifestent-elles ? La réponse de Roland Riboux, PDG de Fludor-Bénin. Riboux Et bien ce dumping se fait à toutes les étapes du processus de production et de commercialisation du coton américain donc ça commence à la production e ça finit à la vente, y compris des prêts extrêmement intéressants a des taux d’intérêt de faveur sur de longues durées donc si on veut reconstituer de façon assez pénible mais ça se fait la façon dont ce coton est subventionné et l’on sait que plus de 5 milliards de dollars sont consacrés tous les ans par le gouvernement des Etats Unis à subventionner le coton américain. Aidasso Alors quelles sont les conséquences de ces subventions sur les pays africains ? Riboux Eh bien ça dérègle complètement les mécanismes normaux de l’offre et de la demande. Lorsque l’offre augmente en principe ça entraîne une baisse du prix et ça décourage la production et à ce moment là, il y a de nouveau un ré-équilibrage. Or en l’hypothèse, lorsque les Américains produisent, comme il n’y a aucun système de quotas qui viendrait limiter leur production, quelles que soient les quantités excédentaires sur le marché international, ils vont continuer à produire et donc il n’y aura pas de ré-équilibrage de la production et on peut arriver à des prix déprimés sur plusieurs années. Aidasso Tout cela transposé au Bénin, le cas du Bénin, comment cela se présente ? Riboux Eh bien le Bénin est avec les autres pays de l’Afrique de l’Afrique de l’Ouest, y compris le Tchad, donc le Burkina, le Mali, le Togo, la Cote d’Ivoire entre autres, est un pays à coûts de production bas, et normalement ce coton devrait être placé sans difficulté sur le marché international en laissant une belle marge aux producteurs. Or du fait de la déprime du prix, au lieu d’une belle marge, c’est au contraire une perte sèche qu’enregistrent les pays. Si on veut payer le coton a un prix décent aux producteurs, on va aboutir à un déficit au Mali et au Burkina d’à peu près 40 à 50 milliards de CFA cette année et au Bénin entre 20 et 25 milliards. Donc ce sont des sommes qui manqueront aux producteurs qui seront découragés de produire ou bien alors, ce sera l’état qui devra payer cette somme avec donc comme conséquence un déficit. Aidasso Est-ce qu’il y a des risques de disparition de production du coton dans ces conditions là ? Riboux Tout à fait puisqu’en Afrique de l’Ouest, on va se retrouver devant ce que j’indiquais plus haut c’est à dire soit l’état va essayer de subventionner mais bien entendu tous les bailleurs de fonds essayeront de dissuader les états de subventionner et dans ce cas là les producteurs ne vont pas se retrouver avec les sommes auxquelles ils s’attendaient et ils peuvent très bien renoncer à produire du coton e bien que le producteur africain soit le plus productif et le plus rentable du monde en fait, eh bien le producteur africain devra sortir du marché. Studio La disparition ou en tous cas la diminution du secteur coton serait une catastrophe non seulement économique mais bien entendu humaine puisque plusieurs millions vivant dans les pays de l’UMOA dépendent du coton. Le coton représente en effet pour le Bénin 75% des recettes à l’exportation, 60 % pour le Burkina et 50% pour le Mali. Devant cette situation, les pays africains avaient décide de se battre et de présenter leurs doléances à la tribune de l’OMC à Cancun en septembre 2003. Mais sans grand succès apparemment. Bio Sawe Chola, consultant dans l’industrie cotonnière nous dit pourquoi. Chola En posant le problème du coton à l’OMC, ce qu’ils ont appelé l’Initiative Sectorielle en faveur du coton, il s’agissait en fait pour ces pays là de poser un problème typique d’accès au marché. Est-ce qu’il y a échec ? Et ben on peut le dire parce que les pays africains étaient allés à Cancun pour obtenir la suppression des subventions. Mais quand on voit les superficies, les pays développés, les Etats Unis et l’Union Européenne, ne voulaient même pas que les pays africains posent le problème, surtout les Américains, que la question du coton soit posée à l’OMC parce que, bon, ils estiment qu’on peut pas prendre une culture produite et poser comme débat au sein de cette institution là mais l’ensemble des questions agricoles. Bon en fait, ils voulaient noyer le poisson. Les pays africains se sont battus pour obtenir l’inscription de la question justement du coton africain à l’ordre du jour du sommet de l’OMC. C’est déjà intéressant. Ça n’a pas été facile mais ils l’ont obtenu et ça permet aux pays africains de poser le problème. Effectivement ils n’ont pas eu gain de cause mais ça a eu l’avantage de dire à peu près qu’il y a un problème au niveau du coton africain. Par la suite a Genève, les discussions se sont poursuivies, donc après l’OMC et c’est heureux qu’à la suite justement de Cancún, que l’OMC ait condamné les subventions octroyées par les pays développes à leurs producteurs de coton. L’OMC est même jusqu'à demander la suppression de ces subventions là. Bien sûr c’est juste un arbitrage, l’OMC ne peut pas aller au-delà. On en est là mais les pays africains n’ont pas baissé les bras. Il y a eu plusieurs réunions à Genève. Le Directeur Général de l’OMC même s’est déplacé, est venu à Cotonou. Il y a tout un ballet. Le Commissaire européen chargé de l’agriculture Monsieur Lamy, était arrivé à Cotonou ici. Bon les pays européens soutiennent leur agriculture et aujourd’hui lorsqu’on voit à peu près l’évolution du débat sur la question cotonnière c’est que, et les Etats Unis et l’Union Européenne ont déplacé en fait le débat : ils n’aimeraient certainement plus qu’il y ait un débat avec l’ensemble. Aidasso Mais qu’est ce qui les gêne tant pour qu’ils n’arrêtent pas les subventions ? Chola Vous savez, ils ont quelqu’un qui paye : en fait quand je parle de l’état fédéral américain, quand je parle de l’Union Européenne, c’est les contribuables américains, c’est les contribuables européens qui payent ces subventions là. Donc un, ils ont déjà quelqu’un qui paye, ce que nous n’avons pas. En Afrique pour subventionner le coton … le Bénin l’a fait en 2000 : par rapport au coût qui était très très bas sur le marché mondial, l’état a du faire un geste pour soutenir le prix et tenir le prix à 200 Francs le kilo- bord champ- bon mais c’est difficile vu l’économie de nos pays. Qui va payer ? Donc c’est un premier aspect. L’autre aspect c’est que bien sûr en Europe, les producteurs au niveau agricole sont très très bien organisés, c’est un système géré, c’est des entreprises qui sont gérées véritablement comme de vraies entreprises. On travaille avec la banque et les producteurs sont très très syndiqués au plan politique. Donc finalement en Europe, aux Etats Unis, on subventionne tout au plan agricole. Lorsque bon il y a un vent très fort qui dévaste une zone agricole, bon ben l’état américain paye et aide les producteurs. Ce n’est toujours pas évident chez nous. Studio Alors que faire ? D’après Roland Riboux, PDG de Fludor-Bénin, essayer d’exiger l’arrêt des subventions n’est pas réaliste. Riboux Bon bien sûr on peut toujours demander la suppression des subventions américaines mai enfin il y a vraiment très peu de chances que cette suppression soit accordée pour la bonne et simple raison que ce sont des raisons politiques qui font que dans les pays du Nord, alors que les masses paysannes ne représentent plus que des quantités négligeables, 4 ou 5% de la population active, elles sont subventionnées pour des montants absolument énormes. C’est des buts électoraux et on peut douter que les pays du nord, aussi bien les pays européens que les Etats Unis renonceront à ces subventions. Dans ces conditions, plutôt que de d’avoir ce genre de discours lénifiants qui promettent l’arrêt des subventions dans les années à venir et qui ne se produit jamais, il serait à mon avis plus intelligent de demander des compensations c’est à dire en fait de punir d’une certaine façon, de mettre à l’amende ceux qui ne suivent pas les règles qu’ils ont eux même proposées. Aidasso Et vous voyez ces règles s’appliquer ? Une amende comme ça ? Riboux Et ben c’est quelque chose à négocier. On peut appeler ça ce qu’on veut, compensation, indemnisation mais à mon avis c’est plus raisonnable de demander ça que demander une suppression des subventions qui logiquement, ne devrait pas intervenir avant des décennies et le coton africain aura eu le temps de disparaître largement avant qu’on n’arrête de subventionner le coton américain ou même le coton européen. Aidasso Est ce à dire qu’à terme, les Américains verront que leur production de coton n’est pas rentable ? Riboux Non mais à terme, ce qu’ils verront c’est qu’ils doivent payer à la fois leurs propres paysans et puis ensuite en même temps indemniser les paysans d’autres pays dont ils gênent la production. A ce moment là ils seront peut être incités à par exemple instituer un système de quotas eux même et à arriver aux résultats que l’on cherche c’est à dire malgré tout, sans supprimer les productions américaines qui sont effectivement anti-économiques mais du moins les réduire. Studio Une autre solution serait de ne plus exporter mais de le transformer sur place. Alors est ce davantage réaliste ? La réponse de Bio Sawe Chola. Chola Ce que les pays africains et qu’ils ne font pas … parce que je vous dirai tout de suite que 95 à 98 % du coton de l’espace UMOA soit un peu plus d’un million de tonnes de coton fibre, est exporté sur le marché mondial. Bon nous produisons et nous exportons. Mais pourquoi ne pas transformer ? Et quand vous voyez la situation au niveau mondial. Nous sommes les rares pays à ne pas justement transformer notre coton : en Chine 91% de coton produit est transformé. En Inde c’est 100%. La Turquie et le Pakistan 114%. Donc il faudrait qu’on aille vers la transformation pour qu’il y ait une valeur ajoutée au lieu qu’on aille livrer le produit brut. Lorsque vous discutez de ces questions avec les spécialistes, ils vous disent, l’Afrique pour transformer le coton, pour fabriquer du tissu, la Chine occupe tellement le marché à un prix très très bas au point que, est-ce qu’il y a de l’avenir pour la transformation du coton en Afrique ? En prenant les pays africains isolés, il va sans dire que ce serait très très difficile mais si on régionalise les unités de production, effectivement ça peut tenir la concurrence. Autrement dit, on prend l’espace UMOA et on met peut être deux ou trois unités de transformation au niveau de l’ensemble de ces pays, mais par rapport à cela on peut faire face et il faut qu’on arrive un jour.

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Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: Audio biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 2004
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/59605
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