Tannes sénégalais Sécheresse : la note est salée

«Au Sénégal, les tannes sont devenus de véritables bassins évaporatoires où d'importantes quantités de sel sont précipitées» explique Syaka Sadio, dans la thèse qu'il a soutenue récemment sur ce sujet à l'Université de Wageningen, aux Pays-bas. Sur ces terres, plus rien ne pousse. Pourtant, l'heure est à l'optimisme. «Nos résultats de recherche montrent des possibilités de mise en valeur forestière et pastorale» conclut la thèse. Les estuaires du Saloum, de la Gambie, de la Casamance, du Sénégal, sont entourés de grandes terres désolées, où ne subsistent que quelques arbres chétifs et des touffes d'herbe jaune et sèche. Ce sont les tannes. Aujourd'hui, il est difficile d'imaginer que ces glacis désertiques qui entourent les mangroves étaient les fiefs rizicoles des Diolas. Mais depuis cette riche civilisation agricole qui parvenait à mettre en culture les terres les plus ingrates, les années de sécheresse ont sévi. Moins de pluie signifie moins d'eau douce. L'eau des fleuves et des marigots est donc devenue très salée, deux à trois fois plus que la mer pour certains d'entre eux. Chaque inondation est désormais une catastrophe pour les terres parcourues par ces fleuves : le soleil n'évapore que l'eau, il laisse une épaisse couche de sel sur la terre. A ce premier dépôt s'ajoute celui de la nappe phréatique. Cette eau que contient le sol n'est plus protégée de l'évaporation par la végétation, et elle remonte donc à la surface du sol, happée par le soleil. Plus salée qu'autrefois par le manque de renouvellement d'eau douce, elle dépose au passage son lourd tribut en sel. Reste alors le vent pour parfaire le travail. Chargé de particules microscopiques salées, s'insinuant partout, il colmate les brèches et dresse même de petites congères de sel. Un régime sans sel draconien Ce n'est pas le sel en lui-même qui est vraiment dangereux. Beaucoup de végétaux s'accommodent aisément de sa présence. Ce sont les réactions chimiques qu'il produit dans le sol. Lorsqu'il se trouve en trop grande quantité dans les couches supérieures du terrain, il provoque l'oxydation du fer et de la pyrite, c'est-à-dire que les sols s'acidifient. Et sur des sols trop acides, la végétation a beaucoup de mal à pousser. Dans sa thèse, intitulée «La pédogenèse et les potentialités forestières des sols sulfatés acides salés des tannes du Sine Saloum», Syaka Sadio montre que les tannes ne sont pas un fléau inéluctable. Ils peuvent être mis en culture pourvu que l'on arrive à maîtriser et abaisser le taux de salinité dans le sol. L'ISRA (Institut Sénégalais de Recherche Agricole) a entrepris un certain nombre de travaux avant d'installer des parcelles expérimentales de cultures à Ngan, Fatick et Keur Mactar. Sur ces terres désolées des tannes, les responsables des projets ont planté des cultures forestières (eucalyptus et prosopis), des céréales (mil et sorgho) et une légumineuse, l'arachide. Pour protéger ces cultures de l'eau trop salée des fleuves, les responsables ont fermé les principaux chenaux de marée par des micro-barrages en béton. Par ailleurs, des diguettes en terre surélèvent le bord des champs pour conserver toute l'eau de pluie. Pour éliminer le sel déjà présent, la technique est au point. En juillet-août, à la saison des pluies, les terres sont gorgées d'eau. Les cultivateurs prennent soin de fermer les clapets et les drains installés sur les digues. L'eau douce reste ainsi piégée dans les champs pendant quelques jours, le temps de dissoudre le sel. Dès que le soleil menace, l'eau est rapidement évacuée afin d'éviter le dépôt de sel par évaporation. En certains endroits, des champs entiers sont couverts d'une épaisse couche d'herbes sèches, de tiges de mil, de déchets de sorgho. Sous son chapeau de paille, la nappe phréatique reste sagement dans les profondeurs du sol et n'est plus happée par le soleil. Tous ces aménagements sont simples et peu coûteux. «Il faudrait consacrer plus d'efforts à la recherche de solutions. Mieux comprendre le fonctionnement de ces sols permettrait la mise en valeur agricole de ces terres à moyen et long terme. Ces mesures sont d'autant plus nécessaires que la tendance pluviométrique actuelle ne laisse présager d'aucune évolution vers la situation d'avant 1971» écrit en substance Syaka Sadio. Les tannes, terres de bonne espérance ? Les tannes, eux, gagnent du terrain. Dans la région de Fatick, 50 % des parcelles ne sont plus que sel, cailloux et terre noire stérile. Tous les estuaires des fleuves de la région sont touchés : 400 000 ha en Casamance et près de Saint-Louis, 230 000 ha au Sine Saloum, 140 000 ha en Gambie, sans compter 8 000 ha dans les Niayes. Déjà en 1983, une étude menée en Sine Saloum avait montré que les tannes pouvaient être mis en culture. Les essais agricoles de l'ISRA n'ont pas encore donné des rendements très élevés mais ils prouvent au moins que la mise en valeur est possible. De sols maudits, parviendra-t-on à faire des tannes des terres de bonne espérance.

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Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 1991
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/59467
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