Planter des arbres pour produire davantage

C’est à une semaine de fructueux échanges qu'a donné lieu le séminaire sur l'efficacité des arbres dans la production et les paysages agraires africains qui s'est tenu à Kigali du 10 au 16 juin 1988. Organisé par le CTA en collaboration avec Terres et Vie, l'ICRAF et le projet agropastoral de Nyabisindu tenu par la GTZ, il a réuni une quarantaine de participants dont trente venus de quinze pays africains. Ces hommes de terrain, chargés de mettre en place et de conduire des projets agroforesteries, ont pu durant ces quelques jours confronter leurs expériences, partager leurs espoirs et leurs difficultés quotidiennes et faire part de leurs attentes. Des plats pays sahéliens aux collines du Rwanda qui les accueillaient, le large éventail des situations tant géographiques qu'économiques représentées a permis à chacun de mieux appréhender l'ensemble des problèmes que soulève l'arborisation des terroirs agricoles. Des visites approfondies d'exploitations agricoles de la région ont été le point de départ des discussions. Ce pays où la terre est rare fait, en effet, figure de pionnier en agroforesterie. Les arbres, de plus en plus nombreux, plantés sur les parcelles agricoles modifient rapidement le paysage agraire. Outre leurs productiorïs de bois de chauffe et de service, leurs fruits et leurs utilisations médicinales, ils fournissent du fourrage au bétail et jouent un rôle important dans l'agriculture en limitant l'érosion et en accroissant la fertilité des sols. Au vu de ces pratiques et des expériences de chacun, il est vite apparu que les réalités rencontrées sont aussi complexes que diverses. Aucun modèle ne peut donc rendre compte de cette variété et encore moins être transposé d'un pays à un autre. De plus, seules les pratiques agro forestières adaptées aux besoins des paysans ont de bonnes chances de se diffuser. Il faut se mettre à l'école des paysans, car pour travailler avec un paysan, il faut partir de ce qu'il vit, de ce qu'il sait, de ce qu'il peut et de ce qu'il veut. Un diagnostic préalable de la situation est indispensable, l'agroforesterie est, en effet, beaucoup plus ancienne que ce mot créé par les chercheurs. Les pratiques traditionnelles méritent une attention plus importante que celle qu'on leur accorde généralement. Les espèces locales, souvent sous-estimées doivent être étudiées afin de déterminer leur utilité, leurs valorisations possibles mais aussi leurs limites. Sans les négliger, il faut, en effet, éviter de survaloriser les espèces introduites. Mais la plantation d'arbres n'est pas dissociable des autres activités paysannes. Des recherches pluridisciplinaires sont ainsi nécessaires pour comprendre la logique des systèmes de production paysans. Tabous et interdits qui s'attachent à certains arbres doivent être connus des chercheurs tout comme les contraintes sociales, économiques ou foncières qui pèsent sur les exploitants. En fait, un dialogue permanent doit s'instaurer entre agriculteurs, techniciens et chercheurs. Non seulement pour expliquer aux paysans les raisons et les avantages d'un programme d'arborisation mais pour ajuster continuellement les actions et les recherches à l'évaluation qu'en font les agriculteurs. Cette concertation est indispensable pour que les résultats de la recherche trouvent preneurs dans les champs. Comprendre et respecter ces systèmes traditionnels ne signifie pas pour autant refuser toute évolution. La pression démographique et de nouvelles données économiques nécessitent bien souvent leur adaptation. Les institutions de recherche et de développement doivent donc proposer des alternatives qui maintiennent les équilibres écologiques tout en satisfaisant aux besoins économiques. Ainsi les recherches sur les arbres à usages multiples, les plus prisés par les villageois, doivent-elles s'intensifier, de même que celles sur les espèces fixatrices d'azote, légumineuses ou autres. Mais on doit toujours garder en tête que l'arbre idéal n'existe pas et que seules de judicieuses combinaisons de différentes espèces peuvent favoriser le développement. Les concurrences ou les complémentarités entre les arbres et les cultures sont encore mal cernées, beaucoup de participants souhaiteraient que la recherche se penche davantage sur ces thèmes et propose, par exemple, des techniques de taille qui limitent l'ombrage des arbres sur les cultures associées. Evaluer les rendements des systèmes d'agriculture agro forestiers reste délicat, aussi faudrait-il pouvoir connaître, en fonction du diagnostic qui est porté, les paramètres écologiques et économiques qui permettent de les déterminer. Une meilleure valorisation des produits des arbres par la mise au point de techniques de transformation et l'instauration de circuits de commercialisation efficaces doit aller de pair avec le développement des projets agroforesteries. Tout travail mérite, en effet, salaire et si les agriculteurs ne peuvent percevoir les fruits de leurs efforts de plantation, ils ne sont guère incités à accorder à l'arbre l'importance qu'il mérite.. Pour faciliter la recherche agroforestière, les participants souhaitent que s'instaure une meilleure coordination des travaux au niveau national et régional. Un de leur premier souhait serait d'établir un répertoire des chercheurs et des opérateurs en agroforesterie qui serait régulièrement remis à jour et largement diffusé. Améliorer la formation aussi bien dans son esprit que dans son contenu a semblé à tous une mesure indispensable. De l'agronome au technicien, du vulgarisateur aux élus locaux, des paysans aux expatriés, tous doivent recevoir une formation adéquate. Elle doit être fondée sur des relations équitables qui valorisent le statut du paysan et les pratiques traditionnelles et faire une large place aux stages sur le terrain. Les visites de paysans à d'autres agriculteurs de régions différentes, apparaissent, quand elles sont possibles, comme un outil de démonstration très persuasif et enrichissant pour les deux communautés en présence. L'information et, plus largement, la prise de conscience des avantages que présente la plantation d'arbres pour la production et l'environnement rural reste insuffisante. Or, la bonne volonté des agriculteurs et des chercheurs ne suffit pas à déclencher de vastes mouvements s'ils ne sont pas appuyés par les gouvernements. Ainsi les régimes fonciers en vigueur apparaissent-ils trop souvent comme des freins au développement de l'agroforesterie. Pour ces investissements à long terme que représentent les arbres, les paysans ont besoin d'être assurés de la pérennité de leurs exploitations et de l'entière propriété des arbres qu'ils ont plantés. De même, les ressources financières mises à la disposition des actions d'arborisation ou d'agroforesterie sont encore limitées. Une réelle volonté politique peut permettre d'encourager les bailleurs de fonds à investir dans des projets agroforesteries. L'organisation de conférences nationales et l'utilisation plus large des médias disponibles devraient faciliter la prise de conscience du problème. Il est difficile d'évoquer ici tous les thèmes traités durant ce séminaire car les échanges informels ont certainement été aussi riches que les séances plénières. En s'ouvrant de son expérience à d'autres, chacun des participants a pris conscience des efforts qui restaient à fournir ou des erreurs qui pouvaient être rectifiées. Rendez-vous est pris dans cinq ans pour faire le point des suites données par chacun au séminaire de Kigali.

Saved in:
Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 1988
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/58965
Tags: Add Tag
No Tags, Be the first to tag this record!