Trois scénarios pour l’autosuffisance de l’Afrique

Globalement l Afrique sub-saharienne dispose du potentiel nécessaire pour atteindre l'autosuffisance alimentaire, pourvu que l'on y emploie les techniques agricoles appropriées. Cependant, les ressources n'y sont pas réparties équitablement et, à moins que les Etats « déficitaires » et « excédentaires » ne mettent sur pied un système de coopération, 19 pays de la région sont voués à une disette chronique. Pour ceux-ci, une partie essentielle de la solution pourrait bien être le développement des cultures nonvivrières. In 1984, la population de l'Afrique sub-saharienne (Afrique du Sud non comprise) s'élevait à environ 400 millions - d'habitants. En 2025, elle devrait atteindre environ 1325 millions. Malgré les catastrophes naturelles et les moments difficiles qui vont survenir périodiquement ici et là, on s'aperçoit, en superposant les données agro-alimentaires dont on dispose et les prévisions démographiques, que la production agricole de l'Afrique sub-saharienne pourrait être suffisante pour subvenir aux besoins alimentaires nouveaux engendrés par la lutte contre la mortalité infantile. On remarque par ailleurs que, bien que la population soit passée de 210 à 404 millions entre 1964-66 et 1981-83, la ration alimentaire quotidienne par habitant a peu varié 2138 kcal et 51,9 g de protéines dans les années soixante contre 2173 kcal et 51,3 g de protéines dans les années quatre-vingt. Cette stabilité n'est pas seulement due à une augmentation de la production agricole mais aussi à l'accroissement des importations de denrées alimentaires. En effet, ces importations, qui ne représentaient que 2 % des calories et 3 % des protéines en 1964-66, ont atteint aujourd'hui respectivement 9 % et 12 %. Ces dernières années, une proportion importante des importations s'est composée d'aide internationale. Face à une situation de dépendance croissante engendrée par la baisse de la production annuelle par habitant de céréales, de racines et de tubercules, la plupart des gouvernements africains ont misé sur la stimulation de la production vivrière intérieure. Il s'agit d'essayer, dans la mesure du possible, d'atteindre l'autosuffisance alimentaire. Dans quelle mesure l'autosuffisance est-elle techniquement réalisable ? Le Projet des Zones agro-écologiques, lancé par la FAO dans les années soixante-dix, a étudié la question en détail. En classant les différents types d'environnements selon les climats, les terroirs et les sols, les chercheurs ont élaboré des modèles éco-physiologiques pour estimer la production potentielle moyenne de la biomasse et des pâturages ainsi que le rendement envisageable des différentes cultures vivrières en fonction de trois degrés d'intervention technique et d'introduction d'intrants : bas, moyen et haut. Le niveau bas correspond aux pratiques actuellement en vigueur et à un rendement céréalier situé entre 275 et 475 kg/ha. Le niveau moyen implique l'introduction de variétés améliorées et d'animaux plus performants. Il comprend également l'utilisation limitée d'engrais, la mise en oeuvre de mesures simples de protection et de conservation des sols, certains progrès des matériels de culture et un apport extérieur d'énergie supplémentaire. Il correspond à un rendement céréalier compris entre 1200 et 1800 kg/ha. Le niveau haut suppose l'utilisation des techniques les plus productives et qui peuvent être pratiquées à long terme sans dommage pour chaque type d'environnement, la mécanisation, l'usage des engrais, mais pas l'irrigation. Elles correspondent à un rendement céréalier entre 4.500 et 5.600 kg/ha. Sur la base d'une consommation d'énergie diététique par jour et par personne de 2.325 kcal et d'un niveau acceptable de protéines, la population maximale susceptible d'être nourrie par la région prise globalement est la suivante selon les trois scénarios de la FAO : niveau bas, 1.010 millions ; niveau moyen, 4.240 millions ; niveau haut, 12.670 millions. La population prévue en l'an 2025 étant de 1.325 millions d'habitants, on voit, par une simple soustraction que, dans l'hypothèse basse, une population « excédentaire » de 315 millions de personnes ne pourrait pas être nourrie. En revanche, dans les deux autres hypothèses, l'Afrique sub-saharienne pourrait largement subvenir aux besoins de sa population. Même au-delà puisque selon le scénario moyen, 2.915 millions de personnes supplémentaires pourraient y vivre et 11.345 millions dans le scénario haut. L'étude met également en évidence que les trois sous-régions, Ouest, Est/Centre et Sud, prises chacune dans son ensemble, disposent de la capacité potentielle technique de supporter la population prévue, à condition de se situer dans l'hypothèse moyenne pour au moins une partie des cultures pluviales. Cependant, les perspectives sont nettement moins encourageantes en ce qui concerne le potentiel des pays pris séparément. En 1982,19 de ces pays avaient déjà une densité de population trop élevée par rapport à leurs ressources et n'arrivaient pas à être autosuffisants en n'utilisant que les techniques agricoles traditionnelles. Sept n'y seraient pas non plus parvenus dans l'hypothèse moyenne et l'un d'entre eux serait resté, dans tous les cas de figure, déficitaire. En l'an 2025, quatre des nations de la zone Est/Centre et trois de la zone Sud ne pourront vraisemblablement pas atteindre l'autosuffisance, même dans le scénario le plus optimiste. Quatre des pays de l'Ouest, deux de la zone Est/Centre et deux du Sud se trouveront obligés d'accéder au niveau maximal d'apport technique sur une partie de leurs terres cultivables pour arriver à l'autosuffisance. Pour ces 15 pays, le degré intermédiaire n'y suffira déjà plus d'ici 37 ans. Cette étude inspire trois réflexions. La première est que la plupart des pays d'Afrique devront adopter de nouvelles méthodes agricoles pour exploiter de façon plus rentable leurs ressources. Il leur faudra des engrais, de bonnes semences et d'autres intrants achetés. Dans certaines zones il faudra mécaniser plusieurs opérations de production et d'après récolte. Il faudra de l'argent, donc vendre des produits. Cela implique d'importantes mutations, non seulement dans l'espace rural mais aussi dans les économies nationales. (suite de l'article page 9).

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Bibliographic Details
Main Author: Bunting, Hugh
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 1988
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/58847
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