LA MOSAIQUE AFRICAINE DU MANIOC
Aliment de base dans les zones forestières ou assurance contre la famine dans les régions de savane, le manioc est, pour un nombre croissant d'Africains, une denrée vivrière vitale. Cinquante millions de tonnes de tubercules frais, dont la majeure partie est autoconsommée, sont ainsi produits chaque année en Afrique. Malheureusement, depuis une quinzaine d'années, la culture du manioc est victime d'une conjonction de fléaux anciens ou d'introduction récente qui affecte lourdement son rendement (voir SPORE no4). Spécifique au continent africain, la Mosaïque Africaine du Manioc (MAM) est l'un de ces maux. C'est une maladie endémique qui touche tous les pays producteurs de manioc et leur fait perdre chaque année plus de 100 milliards de Fcfa, pour autant qu'il est possible de l'évaluer pour une culture restée essentiellement traditionnelle. C'est pourquoi de nombreux chercheurs et représentants des pays producteurs se sont réunis du 4 au 8 mai 1987 à Yamoussoukro, en Côte d'Ivoire, pour dresser un bilan des connaissances scientifiques actuelles sur la MAM et pour faire le point de la situation sur le terrain afin de dégager des méthodes de contrôle. Ce Séminaire International sur la Mosaïque Africaine du Manioc et son contrôle a été organisé conjointement par le CTA et l’ORSTOM avec la participation de la FAO, de l'IITA et du CPI (Conseil Phytosanitaire Interafricain). Le geminivirus qui est responsable de la MAM, isolé au Kenya il y a une dizaine d'années, est désormais bien connu des virologues. Le mode de propagation de cette virose, qui touche à l'heure actuelle pratiquement tous les plants de manioc, est double. La mouche blanche Bemisia tabaci est responsable de la dispersion initiale du virus dans les cultures. C'est en piquant les jeunes feuilles de manioc que ce petit insecte d'un millimètre de long contamine les plantes. Les populations de vecteurs, transportées par le vent, sont fluctuantes : favorisées par la saison des pluies dans l'est de l'Afrique, elles préfèrent en Afrique de l'Ouest les fortes températures. Toutefois cette mouche ne semble pas être la plus grande responsable de l'extension et surtout de la persistance de la MAM. Les hommes, en plantant des boutures porteuses du virus, en sont les principaux agents de propagation. Ainsi, il a été démontré au Kenya que, dans ce pays, la mouche blanche ne joue qu'un rôle minime, la maladie étant principalement transmise par les plants viroses. De fait, c'est le manioc lui-même qui est le plus grand réservoir de virus et l'outil essentiel de sa dissémination car il apparaît que les plantes hôtes susceptibles d'héberger le virus sont très rares. Les plants viroses se caractérisent par des feuilles couvertes de taches jaunâtres ; lorsque les attaques sont plus graves, les feuilles crispées et enroulées se rabougrissent. L'intensité des symptômes, seuls révélateurs connus de la MAM, varie selon le mode et l'époque de la contamination. Plus les pieds sont infectés jeunes, et surtout lorsque les boutures le sont, plus le pourcentage de feuilles virosées est important et plus les pertes de production sont élevées. Les attaques de mouches blanches trois ou quatre mois après la plantation n'ont guère d'effet sur le rendement. Lutter contre la mouche blanche relève à l'heure actuelle de l'utopie car les insecticides sont trop coûteux et surtout inutilisables sur les feuilles de manioc qui sont souvent consommées. Les études épidémiologiques menées ces dernières années ont permis de déterminer deux stratégies de lutte. La première, et la plus simple, est la sanitation, c'està-dire la plantation de boutures sélectionnées à partir de plants ne présentant pas de signes extérieurs de virose. Malgré tout, des boutures apparemment saines présentent ultérieurement des symptômes de virose. Il convient alors de les éradiquer systématiquement. Même si elle n'élimine pas totalement les risques de recontamination, cette technique permet une notable augmentation de la production. L'infection virale ne se produit alors que sur des plants adultes qui y sont moins sensibles. C'est dans cette voie que s'est orienté le Kenya depuis trois ans et que s'élaborent des programmes de lutte dans plusieurs pays d'Afrique de l'Est : Malawi, Ouganda, Tanzanie... Cependant, la sanitation n'est pas toujours suffisante pour arrêter la MAM lorsque la pression de contamination est forte et que le rôle de Bemisia tabaci est important, ce qui semble être le cas dans de nombreuses régions d'Afrique de l'Ouest. Il faut alors associer aux mesures sanitaires l'utilisation de variétés résistantes. C'est à l'IITA qu'ont été effectués les principaux travaux de sélection de variétés résistantes. Ce matériel végétal peut désormais facilement franchir les frontières. En effet la thermothérapie, alliée à la culture de méristèmes permet d'en éliminer à coup sûr le virus. Toutefois, seules des variétés amères ont été mises au point, or de nombreuses régions préfèrent le manioc doux, plus facile à préparer. Aussi ces variétés envoyées dans plusieurs pays sontelles mal acceptées par les paysans qui leur reprochent, en outre, leur port buissonnant gênant au sein de cultures associées. Il semble donc nécessaire de multiplier plutôt des cultivars locaux, et éventuellement de les croiser avec des variétés résistantes, pour fournir aux paysans des plants bien adaptés aux différents écotypes et aux préférences des consommateurs. Ainsi, le Congo, qui a constitué une collection de clones locaux, envisage de multiplier rapidement les plants de ces cultivars préalablement assainis grâce à la culture in vitro. Ces vitro plants rapidement multipliés permettraient la constitution de parcs à bois pour la diffusion de boutures saines auprès des paysans. Toutefois, cette méthode ne peut être réellement efficace que si elle est couplée avec la sanitation. Obtenir suffisamment de boutures saines n'est pas une chose aisée. C'est un problème auquel se heurtent les programmes de lutte dans de nombreux pays. Rares sont les pays où boutures saines et variétés résistantes ont quitté les champs d'expérimentation pour les parcelles paysannes. Les organismes de recherche internationaux ont certes mis au point des techniques de lutte applicables, mais c'est maintenant aux programmes nationaux de prendre le relais pour les mettre en oeuvre en les adaptant au contexte local. Cependant de nombreux responsables africains ont fait remarquer, au cours de ce séminaire, qu'il était difficile à leurs pays d'engager de lourds programmes de lutte contre la seule MAM et qu'il fallait trouver des méthodes permettant de contrôler l'ensemble du complexe parasitaire (bactériose, cochenilles, acariens...) qui affecte le manioc. Enfin, si l'on veut inciter les agriculteurs à mieux contrôler les maladies du manioc pour augmenter leur production, il faut en même temps mettre au point les techniques de transformation de ce produit et les circuits de commercialisation. Le manioc peut et doit être sauvé, tous en sont désormais convaincus, il reste à agir, c'est le plus difficile. Les actes de ce séminaire seront publiés par le CTA et l'ORSTOM CTA Postbus 380 6700 AJ Wageningen PAYS-BAS et ORSTOM BP V 51 Abidjan COTE D'IVOIRE
Main Author: | |
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Format: | News Item biblioteca |
Language: | French |
Published: |
Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
1987
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Online Access: | https://hdl.handle.net/10568/58748 |
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