DES ABEILLES BIEN ELEVEES

Entre l'abeille et l'homme, l'histoire remonte, dit-on, au néolithique. Symbole du travail, de l'activité ordonnée et féconde, l'abeille offre des ressources très diverses dont certaines peuvent être fort -rémunératrices. Dans les pays d'Afrique, des Cara'ibes et du Pacifique, des milliers de petits paysans profitent des produits de l'abeille. Certains ne font que la cueillette sauvage du miel et de la cire, d'autres sont de véritables «éleveurs» d'abeilles, des apiculteurs. La grande majorité, sans avoir encore accédé aux techniques modernes mises au point il y a seulement quelques décennies, a acquis une grande connaissance du monde très ordonné des abeilles. C'est le premier stade de l'apiculture : une imitation transposée de l'habitat naturel de ces insectes dans des paniers de paille, des assemblages d'écorces, des troncs évidés, des poteries. C'est aujourd'hui la technique la plus pratiquée dans les forêts et les savanes mais, pour le paysan, cette apiculture tout juste sortie des sentiers de la cueillette peut devenir, avec quelques améliorations, bien plus qu'une activité très secondaire. En effet, soutenues par une vulgarisation technique légère, de véritables politiques apicoles peuvent se mettre en place. Visant, à travers la modernisation et le développement de cette activité, l'amélioration du niveau nutritionnel, la création de revenus complémentaires pour le paysan et la rentrée de devises pour le pays, la diversification des activités rurales, l'augmentation en quantité et en qualité des produits agricoles grâce à la pollinisation effectuée par les abeilles. Le Kenya est sans doute l'un des pays où l'apiculture moderne est la plus répandue, mais, à des degrés divers, très nombreux sont les Etats ACP qui lancent de véritables programmes d'apiculture, souvent intégrés à d'autres projets de développement : la République Centrafricaine forme les enfants des écoles et organise le marché de la cire, le Gabon crée des ruches villageoises, le Cameroun en fait l'un des éléments d'une politique de diversification, le Togo une activité pour les femmes, le Niger un enseignement pour les jeunes paysans, au Sénégal les abeilles sont associées au développement des cultures vivrières, aux Seychelles à la pollinisation des fruits de la passion, au Rwanda à la collecte des produits en système coopératif... Chacun à sa manière et selon ses priorités a vu les bénéfices qu'il pouvait en tirer. L'apiculture est relancée mais les perspectives restent immenses. L'environnement tropical, de savane ou de forêt, est favorable. La flore y est riche. Ensuite, contrairement aux zones tempérées, les abeilles ne connaissent pas de période de léthargie et l'apiculture pas de temps morts. Enfin, il n'est pas nécessaire de posséder des terres pour élever des abeilles et l'apiculture n'est, ni dans le temps ni dans l'espace, une activité concurrente de l'agriculture traditionnelle. Tout commence par la formation. Avant même d'améliorer les techniques de construction des ruches, les opérations de modernisation de l'apiculture démarrent par l'acquisition d'une connaissance plus approfondie du comportement des abeilles, de l'organisation de l'essaim et des précautions à prendre pour les protéger. En effet, bien que les apiculteurs traditionnels et même les simples «cueilleurs» de miel, aient beaucoup appris par expérience, il est indispensable de savoir comment s'organise la ruche (voir l'encadré) pour mieux en tirer parti. Il est également nécessaire de faire comprendre aux jeunes que les méthodes traditionnelles, si elles présentent des qualités, ont l'inconvénient de détruire l'essaim. Les ruches habituellement employées sont fermées et, pour recueillir le miel, il faut les éventrer ou les briser. Outre le travail supplémentaire que demande la construction d'un nouveau «piège à abeilles», la méthode a surtout l'inconvénient de détruire la colonie. Beaucoup d'abeilles meurent, parfois même la reine, les autres deviennent très agressives ce qui accroît le danger pour le récoltant. Monter dans les arbres de nuit, sans vêtement de protection, ouvrir la ruché à la machette présente des dangers de chûte ou de réaction allergique aux piqûres, parfois mortelles, et on peut comprendre que les nouvelles générations boudent ces méthodes. L'amélioration technique des ruches permet de surmonter tous ces inconvénients à la fois tout en accroissant la productivité. Dans le passé on a tenté d'introduire du matériel trop élaboré, trop cher aussi qui nécessitait une très longue formation. Maintenant, les programmes de développement apicole font appel à des phases de transition avec du matériel amélioré et des techniques inspirées de la tradition. La vieille ruche traditionnelle ne sera pas abandonnée tout de suite. Au lieu de la déposer au faîte de l'arbre, on va l'installer à hauteur d'homme sur des fourches de bois. Le travail en sera facilité et l'un des dangers écarté. Autre progrès, la ruche aura deux ouvertures au lieu d'une seule. Grâce à ce système, l'apiculteur pourra prendre le miel sans détruire les rayons du couvain qui se trouvait toujours vers la seule voie d'accès de la ruche ancienne mode. Ainsi, la survie de la colonie sera préservée et, si l'on ajoute un toit de branchages au-dessus, la longévité en sera accrue. C'est déjà un véritable élevage. Phase suivante : la ruche kenyane. D'abord expérimentée au Kenya -d'où son nom- cette ruche peut être confectionnée par un menuisier de village. C'est, certes, un investissement mais, outre l'encouragement à l'artisanat local, les ruches kenyanes présentent de nombreux avantages. Mieux que la ruche européenne à cadre, la «top bar hive», tient compte de l'architecture propre aux abeilles. Dans une caisse en forme d'auge aux parois obliques garnie de barrettes de bois posées sur l'ouverture supérieure, les abeilles suspendront leurs rayons. Ce système permet à l'apiculteur de surveiller l'état d'avancement des rayons et le bon fonctionnement de la ruche en soulevant simplement des barrettes l'une après l'autre. Dernier progrès : la protection de l'apiculteur contre les piqûres. Pour cela, la fumée et les vêtements de protection. L'enfumage est bien connu, il se fait traditionnellement avec des feux d'herbe ou de branchages. Peu d'efficacité sur les abeilles, des inconvénients pour le récoltant, des risques de brûlures et d'incendie. Un enfumoir construit à partir d'une boîte de conserve munie d'un soufflet en caoutchouc de chambre à air font un outil précis, efficace, peu onéreux. Quant aux vêtements de toile blanche munis de gants et d'une capuche à moustiquaire, ils sont un élément de confort et de sécurité de plus en plus répandu en milieu villageois. Certes, menuisiers, forgerons et tailleurs se font payer pour leur travail mais les revenus supplémentaires qui se dégagent de ces investissements nouveaux ont jusqu'à présent toujours été supérieurs à la mise de fonds. De vivrière, l'apiculture peut même aussi devenir une activité de rente. Avec un peu d'apprentissage, les apiculteurs peuvent produire un miel de qualité commerciale et une cire capable de répondre aux exigences du marché international. Dernière phase du processus de développement, la commercialisation, nationale ou même étrangère, est une perspective supplémentaire de l'apiculture. Mais outre l'augmentation des revenus et l'amélioration de la ration alimentaire (voir encadré) le développement d'une forme d'apiculture qui respecte les abeilles participe directement à l'amélioration de la production agricole par leur action de pollinisation. Les abeilles se nourrissent de fleurs et de plantes sauvages. Ceci entraîne la pollinisation, c'est-à- dire le dépôt par les abeilles, sur les fleurs qu'elles butinent, de pollen provenant d'autres fleurs, acte qui précède la fécondation de la plante butinée. Selon les scientifiques de VIBRA (International Bee Research Association) une organisation internationale installée en Grande Bretagne, la pollinisation semble quelque peu négligée dans les stratégies de développement agricoles bien que l'augmentation des rendements qu'elle entraîne rapporterait certainement plus que la vente du miel ou de la cire. Selon le Programme des Nations Unies pour le Développement les agriculteurs qui élèvent des abeilles bénéficient d'une augmentation du rendement des fruits, légumes et fourrage de 20 % à 50 %. Les spécialistes de l'IBRA rappellent par ailleurs que l'utilisation accrue d'insecticides entraîne la destruction des insectes qui interviennent dans la pollinisation des plantes. Or, il faudrait avoir maintenant recours à l'apiculture pour palier ce déséquilibre écologique dans la mesure où les abeilles peuvent remplacer les insectes qui étaient naturellement présents. Ainsi, dès à présent, mais aussi à court terme et même pour un avenir plus lointain, les abeilles peuvent avoir une part discrète mais importante dans le développement. C'est dans cet esprit que se sont multipliés les programmes d'aide internationaux et en 1982 on signalait déjà que près de 70 organisations de toutes sortes, dont de nombreuses ONG étaient impliquées dans cette activité à un titre ou un autre. Il n'avait alors échappé à personne que l'apiculture représentait une activité à forte valeur ajoutée et parfaitement adaptée aux PED. D'ailleurs, les délégués réunis à l'occasion de la 3ème conférence internationale sur l'apiculture tropicale(1) tenue en 1984 au Kenya, avaient à l'époque insisté sur l'opportunité d'augmenter l'aide au développement des programmes apicoles considérés comme essentiels pour les PED. La conférence avait alors adopté 25 résolutions constituant la base des actions futures. Plusieurs éléments essentiels au développement de l'apiculture avaient retenu l'attention des délégués, notamment les problèmes de migration, de maladies, d'agressivité, des ravageurs et des prédateurs ainsi que ceux liés à l'amélioration des variétés et à la génétique. Les conférenciers avaient demandé que les recherches portent essentiellement sur les espèces locales d'abeilles et que les importations d'essaims d'insecticides peu adaptés en provenance d'Europe ou des USA soient interdites. Considérant toute l'importance de la pollinisation pour l'agriculture tropicale, les délégués avaient également insisté sur l'urgence d'introduire des élevages d'abeilles dans tous les programmes agricoles ou horticoles portant sur la culture de plantes ou de fleurs fécondées par le pollen. Les résultats de ces recommandations seront probablement présentés au cours de la 4ème conférence internationale sur l'apiculture tropicale qui se tiendra au Caire, en Egypte en mars 1988. L'apiculture ouvre donc des perspectives micro-économiques intéressantes qui dépassent le cadre de la stricte production de miel. Elle entraîne aussi des activités artisanales, comme la fabrication de ruches à partir de produits locaux. Elle contribue à stabiliser les populations rurales, souvent poussées vers les villes en quête de revenus. Son développement peut donc constituer un maillon essentiel de la chaîne entre l'homme et la nature. BIBLIOGRAPHIE «L'Apiculture simplifiée» par jacques CHOQUET, Maison Rustique, 26 rue Jacob 75006 Paris. FRANCE Prix 45,80 FF 157 pages. «L'Apiculture pratique» par François Gagnon, Syndicat National d'Apiculture, 5 rue de Copenhague 75008 Paris. FRANCE Prix 120 FF 340 pages, 1983. En réédition : «L'Apiculture» par Pierre JEANPROSTE, Librairie LAVOISIER, 11 rue Lavoisier 75008 Paris. FRANCE Ouvrages portant plus précisément sur l'apiculture tropicale : «Guide d'apiculture» par H. ATTFIELD (prix $ 6,75) et «L'Apiculture dans les tropiques» (prix $2,25) documents SATIS. SATIS Mauritskade 63 1092 AD Amsterdam PAYS-BAS Numéro 36 spécial «Apiculture» revue des Volontaires du Progrès AFVP BP 2 91310 Montlhéry FRANCE A paraître bientôt : «Le point sur l'apiculture» par la Cellule d'agriculture du GRET 213 rue Lafayette 75010 Paris France

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Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 1986
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/58636
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