Entre le ciel et l'eau

L'économie des îles est, comme celle de tous les autres pays ACP, largement tributaire des accords commerciaux conclus avec l'Europe et d'autres pays du Nord. Toutefois, l'isolement, l'exiguïté des territoires, la taille réduite du marché intérieur, le manque d'infrastructures de transports adéquates, etdans de nombreux cas les aléas climatiques, ajoutent à la vulnérabilité économique des îles. Poussées dans le dos tant par le vent de la mondialisation que par le souffle des renégociations de la Convention de Lomé - apparemment le seul contrepoids dont disposent les gouvernements de ces pays -, lesîles ACPsont contraintes de rechercher de nouvelles stratégies et de se donner de nouveaux atouts. Si, pour certaines, le temps s'immobilise, pour d'autres, l'heure est déjà au changement. La Convention de Lomé accorde des privilèges aux petites îles ACP, mais le futur des aspects commerciaux reste incertain. Le dialogue avec l'Union européenne contrebalance le jeu des puissances nationales et l'identité ACP peut devenir un tremplin sur la scène internationale. Pour l'heure et pour chaque île concernée, une nécessité s'impose toutefois : la diversification. La diversification agricole ou la pêche miraculeuse? Tributaire de la seule canne à sucre, l'île Maurice a construit son développement sur l'accès préférentiel de cette culture au marché européen, par le biais du Protocole Sucre inscrit dans Lomé. Les bénéfices qui en ont résulté ont été investis dans le tourisme et dans une zone franche industrielle dont les performances ont été favorisées par l'Accord Multifibres. Ce dernier, qui accordait à l'île un accès préférentiel de ses textiles aux marchés européen et américain, a eu pour résultats une croissance de plus de 5% depuis une bonne décennie, un PNB par habitant multiplié par quatre depuis 1970, le plein emploi assuré pour beaucoup. Si les laissés pour compte de ce développement existent malgré tout, ils bénéficient cependant d'une éducation et de soins de santé gratuits. Toutefois, l'île Maurice n'échappe pas à un impératif de diversification dans différents secteurs. Pour anticiper la diminution probable des revenus d'exportation de la canne à sucre (qui occupe toujours 90% des terres arables et représente 6% du PIB), certaines plantations se sont déjà lancées dans l'horticulture (choux, carottes, gingembre, fraises et papayes). Mais l'avenir en ce domaine n'est pas prometteur à long terme; c'est donc sur la valorisation des sous-produits de la canne à sucre que l'on se penche, et notamment de la bagasse, matière fibreuse utilisée comme combustible dans les centrales thermiques. Quand le secteur agricole est peu prometteur, la pêche peut constituer une alternative intéressante. Aux Seychelles, par exemple, le développement des pêcheries et des conserveries fait naître les plus grands espoirs. Certains observateurs estiment que ce secteur pourrait dépasser le tourisme tant en termes de source de revenus qu'en termes d'emplois. Heinz, qui a acquis 60% de la conserverie de l'Océan Indien (rebaptisée Indian Ocean Tuna), a fait passer la production de boîtes de conserve de thon à 160 t par an (contre 58 il y a deux ans) et emploie 1200 personnes. D'ici à l'an 2000, 800 personnes supplémentaires seront embauchées. De l'or noir à l'eau bleue Quand São Tomé et Príncipe acquièrent leur indépendance en 1975, elles héritent d'une économie exclusivement tournée vers une monoculture : le cacao. Si une dizaine de tonnes de café sortent encore aujourd'hui de leurs terres, les bananes, les ananas et l'huile de palme, en revanche, sont consommés sur place. Toutefois, l'agriculture, qui demeure le poumon du pays, ne permet pas toujours d'assurer l'alimentation de la population. La baisse de la production cacaoyère, due notamment à une réforme foncière qui a débouché sur une déforestation nuisant à la culture, la privatisation et la redistribution des terres à une population peu préparée à les gérer, l'absence réelle d'appui financier et matériel ont conduit le pays au bord de la faillite. Restent deux espoirs que São Tomé et Príncipe caressent pour sortir de leurs ornières : le pétrole, qui se trouverait dans les eaux du golfe de Guinée, et la zone franche. L'or n'est pas noir pour d'autres îles réputées pour être des 'paradis de vacances'. À condition de le maîtriser, autrement dit de s'assurer que l'occupation des terres ne se fasse pas au détriment des exploitations agricoles, le tourisme peut devenir le pilier d'une économie insulaire. C'est le cas aux Seychelles, où il génère 70% des recettes en devises et 17% du PIB. L'essor du secteur repose cependant sur l'existence d'infrastructures adaptées (aéroport international, infrastructures hôtelières), d'une part, et sur une stabilité politique, d'autre part. Les conflits plus ou moins chroniques qui affectent certaines îles désamorcent toute tentative d'exploiter durablement le filon du tourisme. Par ailleurs, la baisse des visiteurs aux Seychelles pendant la guerre du Golfe a montré qu'une dépendance excessive à l'égard du tourisme n'est guère souhaitable. La diversification des marchés d'exportation Les îles ACP doivent diversifier à la fois leurs produits et leurs marchés d'exportation afin de diriger leurs produits primaires vers les pays où la demande peut croître plus rapidement qu'en Europe. La hausse du commerce interne au sein de l'Afrique et entre les Caraïbes pourrait servir ces deux objectifs. Les actions destinées à encourager le commerce intra-ACP ne sont pas une alternative au développement des exportations vers l'Europe et le reste du monde, mais un complément. A part une petite catégorie de produits pour lesquels les coûts de transport ou les préférences des consommateurs jouent en faveur des producteurs régionaux, il est aussi rentable de faire du commerce au sein du groupe ACP que d'exporter vers l'Europe ou ailleurs. La convention de Lomé prévoit déjà des formes de soutien au commerce intra-ACP et la logique réclame d'étendre ces aides au commerce des États ACP avec d'autres voisins. Diversifier produits et marchés, s'ouvrir au trafic interrégional ou international et développer le tourisme supposent de supprimer les entraves éventuelles à ce type d'échanges, telles que les barrières douanières, le manque d'information et, surtout, la faiblesse des infrastructures. Or, la plupart des îles ACP partagent le même mal. Facteurs indispensables du développement interrégional et international (voir Spore no 76), leurs infrastructures principalement aéroportuaires ne sont ni fiables (régularité des lignes, sécurité des biens et des personnes), ni assez performantes pour avoir des impacts bénéfiques en termes de compétitivité (voir encadré). Beaucoup reste donc à faire pour abolir la distance qui sépare les îles des continents. Pour en savoir plus : Les Etats ACP du Pacifique et la fin de la convention de Lomé, par Roman Grynbert. Peut être obtenu gratuitement à : Fondation Friedrich Ebert, Godesberger Allee 149 53170 Bonn - ALLEMAGNE Fax : +49 228 883 396 E-mail : presse@fes.de Courrier de la planète no 42 (septembre-novembre 1997) : 'Mondialisation, le glas de Lomé' Solagral Parc scientifique Agropolis, bât. 14 34397 Montpellier cedex 5 - FRANCE Fax : + 33 4 99 23 24 61 E-mail : solagral@ensam.inra.fr Site Web : http://www.rio.net/solagral/ pub/cdp/n42/ 42_a12.htm

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Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 1999
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/61907
https://hdl.handle.net/10568/99654
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