L'eau : y aura-t-il conflit ?

L'eau : y aura-t-il conflit ? Plus de 97 % du volume d'eau mondial est salé, dans les océans. Sur les 2, 5 % d'eau non saline, seulement 3 % sont directement disponibles, comme composants du cycle précipitations-évaporation, dans les rivières et les lacs. Le reste se trouve sous forme de glace, de neige éternelle et de sources souterraines fossiles. L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) n'a plus aucun doute quant « au prochain conflit entre les besoins de l'humanité et les capacités d'approvisionnement du cycle de l'eau » . Les conséquences pour l'agriculture en seront tragiques. Le vol commis par des producteurs sur l'approvisionnement en eau d'un projet communautaire au Kenya a récemment défrayé la chronique dans le Nord. L'eau était détournée pour irriguer des mange-tout, une denrée de luxe fort appréciée sur les tables d'Europe. Avec celle des fraises et autres fruits périssables, la production de mange-tout augmente dans de nombreuses régions d'Afrique, l'affrètement se fait par avion pour achalander les marchés hors saison européens. Ainsi, l'exportation de produits alimentaires et autres biomasses constitue également l'exportation d'une ressource très précaire : l'eau. Selon le Conseil mondial de l'eau, une cellule de réflexion sur les problèmes globaux de l'eau, on prévoit en l'an 2050 des pénuries d'eau dans plus de 70 pays, dont 35 en Afrique et plusieurs dans les Caraïbes, engendrant ce qu'on appelle « la crise de l'eau » . L'agriculture est le plus gros consommateur d'eau. Dans son rapport, A.M. Shady, président de la Commission internationale sur l'irrigation et le drainage, indique que « l'irrigation accapare plus des deux tiers des ressources disponibles en eau douce, alimentant 35 % de la production agricole mondiale sur 17 % des terres arables du globe. En tout, l'agriculture utilise 90 % du volume total d'eau économiquement exploitable » . Il ajoute que le défi du XXIe siècle est de produire davantage d'aliments et de fibres avec moins d'eau. En Afrique subsaharienne, pratiquement tous les producteurs font de l'agriculture pluviale, mais cette technique est de plus en plus assujettie aux aléas de saisons des pluies trop courtes, à ceux de la sécheresse et aux variations climatiques. Combler le fossé entre la croissance démographique et l'approvisionnement alimentaire par l'intensification de la production implique une double approche : l'intensification de la collecte et de la conservation de l'eau, et l'augmentation de l'irrigation. Il existe des moyens peu coûteux pour améliorer la collecte de l'eau et qui consistent à aménager et protéger les bassins afin de réduire l'érosion, les inondations et l'envasement, à prévenir les pertes par évaporation et fuite, à gérer les possibilités des sources souterraines et à améliorer les réserves. Une attention plus soutenue envers les mesures de conservation peut aussi aboutir à d'importantes économies d'eau. Des changements importants peuvent être obtenus avec un système d'irrigation plus efficace, comme l'arrosage goutte à goutte, ou en modifiant les modes d'exploitation, comme associer des cultures exigeant moins d'eau, déplacer les activités de récolte vers des saisons où il y a moins d'évaporation et, enfin, améliorer la capacité de rétention du sol. La récupération des eaux usées pour l'irrigation offre beaucoup de possibilités, particulièrement dans les zones agricoles périurbaines, où on peut utiliser après traitement l'eau des usines et des ménages. Cela implique aussi des investissements. Selon l'Institut international de recherche sur la politique alimentaire (IFPRI), cette approche pourrait satisfaire à long terme les principaux besoins d'irrigation des pays menacés par la crise de l'eau. Une « vision pour l'eau » Une politique globale de l'eau se constitue lentement au niveau national et mondial, avec davantage d'actions pour 1998 : conférences accueillies par le gouvernement français en mars et par l'UNESCO en juin, Journée mondiale de l'eau du 22 mars axée sur les eaux souterraines et organisée en 1998 par le Centre international de références sur l'approvisionnement en eau communautaire. Les Nations unies ont décidé de consacrer entièrement aux réserves d'eau la session d'avril 1998 de la Commission sur le développement durable. Dans deux ans, pour la célébration de la Journée mondiale de l'eau de l'an 2000, et lors du second Forum mondial sur l'eau à La Haye, aux Pays-Bas, chefs d'État et autres autorités se verront présenter une « Vision pour l'eau, la vie et l'environnement » . Ces forums politiques ont pour tâche d'élaborer des programmes réalistes tenant compte d'une diminution de la consommation d'eau par tête dans beaucoup de pays à faibles revenus en pleine crise de l'eau. En même temps, les prix de l'eau sont prévus à la hausse. « Cela accroît les problèmes des petits producteurs, dit Jacques Diouf, directeur général de la FAO, puisque les autres secteurs comme les foyers et les entreprises peuvent généralement se permettre de payer plus » . L'IFPRI juge qu'il sera peut-être indispensable « de soutenir les petits producteurs, de préférence à travers des partenariats qui leur permettent l'accès au capital, à la technologie, au savoir-faire et aux marchés « . Pour être compétitif, le producteur doit en premier lieu avoir cet accès et cette maîtrise, dont le droit de propriété et la capacité de construire sont un préalable. Pas plus tard qu'en 1993, dans son rapport annuel sur l'État alimentaire et agricole, la FAO a réclamé que les producteurs soient assistés dans l'octroi des droits de propriété et de gestion des systèmes d'approvisionnement en eau : si rien ne change dans ce sens, les producteurs et les consommateurs auront encore moins de chances de profiter de l'actuelle technologie agricole. Les choix sont clairs : si le consommateur doit supporter le coût de l'eau, les prix de la nourriture vont monter, avec tout ce que cela implique pour la sécurité alimentaire. Si les producteurs doivent absorber les hausses de prix, les plus pauvres parmi eux, qui cultivent des produits de valeur inférieure auront besoin d'assistance ou seront forcés de se retirer du circuit. Le marché deviendra-t-il un champ de bataille ? Une facturation de l'eau entraînera certainement une nouvelle vague d'ajustements structurels. Dans beaucoup de pays, dont au moins la moitié des états ACP, il faudra tenir compte de l'impact économique et social que l'application de cette politique de prix peut avoir sur les pauvres des zones périurbaines et rurales. Au niveau national et mondial, beaucoup de pays en pleine crise de l'eau auront plus de mal à assumer leur autosuffisance alimentaire - en fait, un pays déjà a pensé à l'éventualité d'abandonner complètement l'agriculture. La pénurie d'eau engendre des risques réels de troubles locaux, voire d'un conflit international. L'espoir de A.M. Shady que « jamais l'humanité ne se battra pour l'eau « est une promesse que l'humanité ne peut même pas encore se faire à elle-même. Pour plus d'informations : AWN - African Water Network, Réseau africain pour l'eau, PO Box 10538, Nairobi, Kenya Fax : +254 2 555513 E-mail : awn@elci.gn.apc.org CSD - Commission on Sustainable Development, Commission pour le développement durable, Nations unies, New York, NY 100017, USA Site web : http://www.un.org/csd FAO - Water and Agriculture section, Département Eau et Agriculture, via delle Terme di Caracalla, 00100 Rome, Italie. Fax : +39 6 5146172 Site web : http://www.fao.org/ GWP - Global Water Partnership, Partenariat mondial pour l'eau, c/o Sida, S-10525 Stockholm, Suède. Fax : +46 8 698 5627. E-mail : gwp@sida.se Site web : http://www.gwp.sida.se/ (pour les cas de problèmes techniques) ILRI - International Institute for Land Reclamation and Improvement, Institut international pour la revendication et l'amélioration terrienne, PO Box 45, 6700AA Wageningen, Pays-Bas Fax : +31 317 417187 Site web : http://www.ilri.nl/ ICID - International Commission on Irrigation and Drainage, Commission internationale pour l'irrigation et le drainage, 48 Nyaya Marg, Chanakyapuri, New Delhi, Inde Fax : +91 11 301 5962 E-mail : icid@sirnet.ernet.in UNESCO - Division of Water Sciences, Division des sciences de l'eau, 1, rue Miollis, 75732 Paris cedex 15, France Fax : +33 1 45 68 58 11 Site web : http://www.unesco.org/ WWC - World Water Council, Conseil mondial de l'eau, 10, place de la Joliette, Atrium 10.3, 13304 Marseille cedex 2, France. Fax : +33 49199 4101. E-mail : council@worldwatercouncil.org Site web : http://www.worldwatercouncil.org/ (pour les problèmes politiques)

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Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 1998
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/60826
https://hdl.handle.net/10568/99648
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Description
Summary:L'eau : y aura-t-il conflit ? Plus de 97 % du volume d'eau mondial est salé, dans les océans. Sur les 2, 5 % d'eau non saline, seulement 3 % sont directement disponibles, comme composants du cycle précipitations-évaporation, dans les rivières et les lacs. Le reste se trouve sous forme de glace, de neige éternelle et de sources souterraines fossiles. L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) n'a plus aucun doute quant « au prochain conflit entre les besoins de l'humanité et les capacités d'approvisionnement du cycle de l'eau » . Les conséquences pour l'agriculture en seront tragiques. Le vol commis par des producteurs sur l'approvisionnement en eau d'un projet communautaire au Kenya a récemment défrayé la chronique dans le Nord. L'eau était détournée pour irriguer des mange-tout, une denrée de luxe fort appréciée sur les tables d'Europe. Avec celle des fraises et autres fruits périssables, la production de mange-tout augmente dans de nombreuses régions d'Afrique, l'affrètement se fait par avion pour achalander les marchés hors saison européens. Ainsi, l'exportation de produits alimentaires et autres biomasses constitue également l'exportation d'une ressource très précaire : l'eau. Selon le Conseil mondial de l'eau, une cellule de réflexion sur les problèmes globaux de l'eau, on prévoit en l'an 2050 des pénuries d'eau dans plus de 70 pays, dont 35 en Afrique et plusieurs dans les Caraïbes, engendrant ce qu'on appelle « la crise de l'eau » . L'agriculture est le plus gros consommateur d'eau. Dans son rapport, A.M. Shady, président de la Commission internationale sur l'irrigation et le drainage, indique que « l'irrigation accapare plus des deux tiers des ressources disponibles en eau douce, alimentant 35 % de la production agricole mondiale sur 17 % des terres arables du globe. En tout, l'agriculture utilise 90 % du volume total d'eau économiquement exploitable » . Il ajoute que le défi du XXIe siècle est de produire davantage d'aliments et de fibres avec moins d'eau. En Afrique subsaharienne, pratiquement tous les producteurs font de l'agriculture pluviale, mais cette technique est de plus en plus assujettie aux aléas de saisons des pluies trop courtes, à ceux de la sécheresse et aux variations climatiques. Combler le fossé entre la croissance démographique et l'approvisionnement alimentaire par l'intensification de la production implique une double approche : l'intensification de la collecte et de la conservation de l'eau, et l'augmentation de l'irrigation. Il existe des moyens peu coûteux pour améliorer la collecte de l'eau et qui consistent à aménager et protéger les bassins afin de réduire l'érosion, les inondations et l'envasement, à prévenir les pertes par évaporation et fuite, à gérer les possibilités des sources souterraines et à améliorer les réserves. Une attention plus soutenue envers les mesures de conservation peut aussi aboutir à d'importantes économies d'eau. Des changements importants peuvent être obtenus avec un système d'irrigation plus efficace, comme l'arrosage goutte à goutte, ou en modifiant les modes d'exploitation, comme associer des cultures exigeant moins d'eau, déplacer les activités de récolte vers des saisons où il y a moins d'évaporation et, enfin, améliorer la capacité de rétention du sol. La récupération des eaux usées pour l'irrigation offre beaucoup de possibilités, particulièrement dans les zones agricoles périurbaines, où on peut utiliser après traitement l'eau des usines et des ménages. Cela implique aussi des investissements. Selon l'Institut international de recherche sur la politique alimentaire (IFPRI), cette approche pourrait satisfaire à long terme les principaux besoins d'irrigation des pays menacés par la crise de l'eau. Une « vision pour l'eau » Une politique globale de l'eau se constitue lentement au niveau national et mondial, avec davantage d'actions pour 1998 : conférences accueillies par le gouvernement français en mars et par l'UNESCO en juin, Journée mondiale de l'eau du 22 mars axée sur les eaux souterraines et organisée en 1998 par le Centre international de références sur l'approvisionnement en eau communautaire. Les Nations unies ont décidé de consacrer entièrement aux réserves d'eau la session d'avril 1998 de la Commission sur le développement durable. Dans deux ans, pour la célébration de la Journée mondiale de l'eau de l'an 2000, et lors du second Forum mondial sur l'eau à La Haye, aux Pays-Bas, chefs d'État et autres autorités se verront présenter une « Vision pour l'eau, la vie et l'environnement » . Ces forums politiques ont pour tâche d'élaborer des programmes réalistes tenant compte d'une diminution de la consommation d'eau par tête dans beaucoup de pays à faibles revenus en pleine crise de l'eau. En même temps, les prix de l'eau sont prévus à la hausse. « Cela accroît les problèmes des petits producteurs, dit Jacques Diouf, directeur général de la FAO, puisque les autres secteurs comme les foyers et les entreprises peuvent généralement se permettre de payer plus » . L'IFPRI juge qu'il sera peut-être indispensable « de soutenir les petits producteurs, de préférence à travers des partenariats qui leur permettent l'accès au capital, à la technologie, au savoir-faire et aux marchés « . Pour être compétitif, le producteur doit en premier lieu avoir cet accès et cette maîtrise, dont le droit de propriété et la capacité de construire sont un préalable. Pas plus tard qu'en 1993, dans son rapport annuel sur l'État alimentaire et agricole, la FAO a réclamé que les producteurs soient assistés dans l'octroi des droits de propriété et de gestion des systèmes d'approvisionnement en eau : si rien ne change dans ce sens, les producteurs et les consommateurs auront encore moins de chances de profiter de l'actuelle technologie agricole. Les choix sont clairs : si le consommateur doit supporter le coût de l'eau, les prix de la nourriture vont monter, avec tout ce que cela implique pour la sécurité alimentaire. Si les producteurs doivent absorber les hausses de prix, les plus pauvres parmi eux, qui cultivent des produits de valeur inférieure auront besoin d'assistance ou seront forcés de se retirer du circuit. Le marché deviendra-t-il un champ de bataille ? Une facturation de l'eau entraînera certainement une nouvelle vague d'ajustements structurels. Dans beaucoup de pays, dont au moins la moitié des états ACP, il faudra tenir compte de l'impact économique et social que l'application de cette politique de prix peut avoir sur les pauvres des zones périurbaines et rurales. Au niveau national et mondial, beaucoup de pays en pleine crise de l'eau auront plus de mal à assumer leur autosuffisance alimentaire - en fait, un pays déjà a pensé à l'éventualité d'abandonner complètement l'agriculture. La pénurie d'eau engendre des risques réels de troubles locaux, voire d'un conflit international. L'espoir de A.M. Shady que « jamais l'humanité ne se battra pour l'eau « est une promesse que l'humanité ne peut même pas encore se faire à elle-même. Pour plus d'informations : AWN - African Water Network, Réseau africain pour l'eau, PO Box 10538, Nairobi, Kenya Fax : +254 2 555513 E-mail : awn@elci.gn.apc.org CSD - Commission on Sustainable Development, Commission pour le développement durable, Nations unies, New York, NY 100017, USA Site web : http://www.un.org/csd FAO - Water and Agriculture section, Département Eau et Agriculture, via delle Terme di Caracalla, 00100 Rome, Italie. Fax : +39 6 5146172 Site web : http://www.fao.org/ GWP - Global Water Partnership, Partenariat mondial pour l'eau, c/o Sida, S-10525 Stockholm, Suède. Fax : +46 8 698 5627. E-mail : gwp@sida.se Site web : http://www.gwp.sida.se/ (pour les cas de problèmes techniques) ILRI - International Institute for Land Reclamation and Improvement, Institut international pour la revendication et l'amélioration terrienne, PO Box 45, 6700AA Wageningen, Pays-Bas Fax : +31 317 417187 Site web : http://www.ilri.nl/ ICID - International Commission on Irrigation and Drainage, Commission internationale pour l'irrigation et le drainage, 48 Nyaya Marg, Chanakyapuri, New Delhi, Inde Fax : +91 11 301 5962 E-mail : icid@sirnet.ernet.in UNESCO - Division of Water Sciences, Division des sciences de l'eau, 1, rue Miollis, 75732 Paris cedex 15, France Fax : +33 1 45 68 58 11 Site web : http://www.unesco.org/ WWC - World Water Council, Conseil mondial de l'eau, 10, place de la Joliette, Atrium 10.3, 13304 Marseille cedex 2, France. Fax : +33 49199 4101. E-mail : council@worldwatercouncil.org Site web : http://www.worldwatercouncil.org/ (pour les problèmes politiques)