Agriculteur en ville

Approvisionner les marchés de la ville en produits frais est l'objectif premier de l'agriculture urbaine. Aujourd'hui, le maraîchage est aussi un recours pour les victimes de la crise économique. Cependant, la croissance de l'urbanisation rejette de plus en plus cette activité à la périphérie des agglomérations et le développement souvent anarchique de ce secteur engendre des difficultés d'écoulement des produits. Si le béton et le goudron envahissent chaque jour un peu plus les villes africaines, ils n'ont pas, pour autant, fait disparaître les cultures. Malgré l'extension parfois galopante des grandes métropoles, les agriculteurs citadins restent nombreux. En témoignent les planches de légumes soigneusement entretenues qui occupent le moindre lopin de terre au coeur même des villes : berges des rivières, talus des voies ferrées, terrains vagues. De même, rares sont les concessions qui n'hébergent pas poules, moutons ou chèvres. Peu étudiée,cette agriculture urbaine, considérée comme une activité «informelle», est à plusieurs titres un secteur vital pour les citadins. Durant la colonisation et les années qui ont suivi l'indépendance, les municipalités ont tout fait pour supprimer les cultures des villes pour des raisons dites «d'hygiène». Ainsi, dans les années 70, le maire de Bafoussam à l'ouest du Cameroun, a fait couper tous les maïs qui poussaient en ville et saisir tous les animaux élevés dans les concessions au nom de l'assainissement de la ville. Aujourd'hui, les mentalités ont changé et les cultures ne sont plus considérées comme illégales. Les maraîchers concourent à la propreté de la ville, dit-on à Kinshasa. Certains vont jusqu'à dire que sur les collines, ils participent à la lutte contre l'érosion et les glissements de terrain. Même opinion à Lomé : «Pourvu que la ville soit propre, déclare-t-on à la direction de l'urbanisme et de l'habitat, nous ne voyons aucun inconvénient aux cultures sur planches. Mais nous ne voulons pas des cultures de sorgho dont les tiges sont trop hautes et occasionnent des saletés». A Bamako, les céréales à paille ne bénéficient pas non plus de la clémence des autorités. Depuis fin 1989, elles sont interdites car elles attirent les moustiques et cachent les bandits... Beaucoup de terrains qui portaient du mil et du sorgho ne sont plus cultivés aujourd'hui. Terrains peaux de chagrin Aujourd'hui, l'importance alimentaire du maraîchage l'emporte sur ces inconvénients, mais les autorités sont plus intéressées par l'extension des constructions que par le maintien des espaces de culture. Les multiples expulsions de maraîchers en sont les signes les plus frappants. Dans la capitale congolaise, les exploitants du centre maraîcher de Talangaï, le plus important des dix-sept périmètres de la ville, ont été dépossédés de leurs terres au profit d'une brasserie. Beaucoup ont dû cesser leur activité faute de retrouver un terrain en ville. De l'autre côté du fleuve, à Kinshasa, au Zaïre, la situation n'est guère plus brillante. Les groupements installés sur des périmètres, pourtant aménagés avec l'aide de l'Etat depuis une vingtaine d'années, se sont peu à peu transformés en lotissements. Autant de preuves qui montrent bien que si le maraîchage est toléré par les instances urbaines, rien n'est fait pour le favoriser. Les agriculteurs qui cultivent des terrains publics ne bénéficient d'aucune garantie. La plupart ne paient aucune redevance mais leur situation est très précaire. Ceux qui exploitent les terrains de propriétaires privés ne sont guère mieux lotis ; entre la faible redevance payée par les maraîchers et la vente des parcelles en terrains à bâtir, les propriétaires n'ont guère d'hésitation. A Brazzaville, le prix des terrains a été multiplié par six en quinze ans. Les nombreux périmètres maraîchers que comptait la ville disparaissent petit à petit, victimes de l'urbanisation. Ceux qui ont la chance de trouver encore des parcelles à louer en ville doivent payer de plus en plus cher. «Aujourd'hui, je paye 8000 F CFA par mois une parcelle de 20 m sur 30 m alors que mon ancien propriétaire ne me demandait que 2500 F» explique une maraîchère de Lomé. Le droit de cultiver, souvent octroyé gratuitement ou moyennant quelques kilos de légumes par les propriétaires soucieux de voir leurs terrains débarrassés des mauvaises herbes, s'achète de plus en plus cher. Les maraîchers essaient de diversifier les emplacements de leurs parcelles pour ne pas courir le risque de se retrouver du jour au lendemain sans aucune terre. A Bamako, il vaut mieux avoir des jardins à la fois au bord du fleuve, dans un terrain vague et dans sa concession. Une maraîchère de Kinshasa explique : «les jardiniers disposent de parcelles dans différents arrondissements de la capitale, dans la concession de la radiotélévision, dans des écoles... Moi-même, je dispose de vingt plates-bandes dans quatre zones.» Pour bénéficier de surfaces suffisantes, beaucoup sont obligés de quitter la zone urbaine et de s'installer à la périphérie. Pourtant, c'est en ville que se font les meilleures affaires. La demande en légumes y est très importante et les consommateurs chaque jour plus nombreux. Il est donc très facile pour les maraîchers d'écouler directement leur production. Pas de problèmes de transport, pas de stockage, pas ou peu d'intermédiaires, l'identité des lieux de production et de consommation a bien des avantages. Participant aux activités de la ville, les maraîchers connaissent leurs clients et livrent leurs légumes sans difficulté aux restaurants et aux hôtels de la place. En revanche, l'éloignement de la ville allonge les circuits et diminue le prix payé aux producteurs. Un inconvénient majeur des cultures en ville : les risques importants de vols sur les parcelles qui obligent les jardiniers à une surveillance constante de leurs planches. Essentiel pour les villes Les légumes produits en ville représentent une part importante de l'approvisionnement des marchés urbains. Difficile à chiffrer avec précision, cette contribution en produits frais est indispensable à l'alimentation des citadins. Les légumes dits «européens» comme les tomates, concombres, pommes de terre, salades, sont largement consommés par les populations urbaines. Ce sont les légumes le plus couramment cultivés en ville, surtout dans le Sahel où l'on trouve aussi du maïs frais, des arachides... S'y ajoutent, dans les régions plus humides, les légumes feuilles - feuilles de manioc, amarante, oseille - , les patates douces et les haricots très prisés des consommateurs. Les fruits - bananes, ananas, mangues, goyaves - sont beaucoup moins fréquemment cultivés en zone urbaine. Ces cultures pérennes exigent, en effet, une sécurité foncière de plus en plus difficile à trouver. En revanche, fleurs et plantes en pot connaissent un développement important ces dernières années. On estime qu'à lui seul le PASMAKIN, projet d'appui aux associations maraîchères de Kinshasa, qui encadre 6000 maraîchers travaillant sur 700 ha, produit chaque année 30 000 t de légumes, soit 15% des quantités consommées dans la capitale zaïroise. A Bamako, le maraîchage très développé dans la ville, couvre les besoins de la population. A certaines époques de l'année, il y a même des excédents de choux et de salades qui sont vendus à l'extérieur de l'agglomération. Les pics de surproduction qui font chuter les prix ne sont pas rares. Les maraîchers de métier, qui ne vivent que de la vente de leurs légumes, ne font pas fortune mais arrivent à subvenir à leurs besoins. Ceux qui bénéficient d'aménagements (canaux d'irrigation, motopompes) et d'encadrement grâce au soutien d'ONG s'en sortent mieux. Ainsi un maraîcher du PAMASKIN estime qu'il gagne autant chaque mois qu'un chef de division de l'administration publique. Les ventes ne représentent qu'une fraction de la production de légumes; une très large partie est auto-consommée, non seulement par les maraîchers professionnels mais surtout par ceux qui font du jardinage une activité secondaire. Plusieurs formes existent. A l'intérieur des concessions, les petits jardins sont essentiellement vivriers. Les femmes y cultivent en mélange légumes traditionnels, condiments pour la sauce et souvent plantes médicinales. A Nairobi, au Kenya, ces cultures permettent aux migrants venus de l'intérieur du pays et des contrées voisines de subvenir à leurs besoins. Partout, elles contribuent à diversifier l'alimentation des familles citadines. Maraîchage assurance chômage Les fonctionnaires ou salariés disposant de lots de terre importants, qui ne sont pas encore bâtis, y font pousser tous lés produits nécessaires à leur consommation. Ils limitent ainsi leurs achats au strict minimum. Ils s'occupent de leurs jardins durant les week-ends ou en confient l'entretien à des tiers. Ceux qui disposent de plus de place vendent même une partie de leur production pour arrondir les fins de mois. D'occasionnelle - pour la rentrée scolaire ou pour payer de grosses dépenses -, cette pratique devient permanente surtout lorsque les salaires sont trop maigres ou irrégulièrement payés. Certains avouent que sans cette activité, ils auraient bien du mal à joindre les deux bouts. Le maraîchage est ainsi de plus en plus souvent considéré comme une solution face à la crise économique et aux rigueurs de l'ajustement structurel. Pour les jeunes citadins au chômage ou les «compressés» de la fonction publique, des sociétés d'Etat et d'économie mixte, le maraîchage ou le petit élevage est parfois le seul recours. Ceux qui disposent d'un fond de démarrage et savent bien s'organiser arrivent à des résultats fort intéressants. Ils gagnent autant et parfois plus que de nombreux salariés. Certes, le jardinage exige beaucoup de travail mais il est rentable. On assiste ainsi depuis quelques années à une évolution importante dans presque toutes les villes africaines. Si les maraîchers traditionnels sont peu à peu expulsés du coeur des villes où les immeubles poussent aujourd'hui plus vite que les légumes, le nombre de jardiniers ne diminue pas pour autant. Mais il est le fait d'autres catégories sociales que la crise a contraintes à retourner à la terre. Certains n'ont pas attendu d'y être forcés par la conjoncture : très tôt, ils ont vu l'intérêt de ce secteur. Ils ont créé de grandes exploitations (plus de 5000 m2), dotées de motopompes et utilisant engrais et insecticides, où ils font travailler des salariés. Le maraîchage donne lui-même lieu à d'autres activités. Ainsi, sur les dépôts d'ordures de Bamako, des gens tamisent le compost et vont livrer du terreau par charrettes. Les cultivateurs qui ont de grandes surfaces n'hésitent pas à faire venir du terreau par camions entiers. Sont aussi récupérés les déchets d'abattoirs qui serviront d'engrais et les fumiers des animaux présents dans les cours. Beaucoup de maraîchers n'ont, en effet, pas les moyens d'acheter des engrais coûteux mais indispensables pour avoir des rendements intéressants. Se posent parfois des problèmes de salubrité des légumes produits. Outre les insecticides épandus souvent à tort et à travers sur les légumes, les maraîchers font parfois fi des règles élémentaires d'hygiène. A Yaoundé, ceux qui cultivent dans les marécages utilisent de l'eau noircie à l'huile de vidange et remplie de déchets pour arroser leurs plants de salade... Des élevages restreints L'élevage, autre volet de l'agriculture urbaine, ne connaît pas, au coeur des villes, le même développement que le maraîchage. Les nuisances qu'engendre cette activité - bruit, saleté - ne sont guère du goût des autorités municipales. A Lomé, les agents d'hygiène sanctionnent ceux qui ne respectent pas les règles en vigueur. Ainsi les porcheries sont implantées plus loin dans les banlieues. De même, les gros poulaillers qui regroupent plusieurs milliers de volailles quittent les lieux habités pour ne pas gêner les voisins et salir la ville. Ne subsistent, dans les agglomérations, que de petites unités d'élevage, en dehors des quelques poulets, pintades ou canards que chaque famille entretient pour sa propre consommation. On y trouve des poulaillers de petite taille (200 à 300 poules) généralement aux mains de hauts fonctionnaires et de commerçants qui ont un marché étendu à leur disposition. Dans quelques pays comme le Togo et la Côte d'Ivoire, les élevages de lapins sont de plus en plus fréquents. La pisciculture dans de petits étangs au bord des rivières est une activité très rentable. A condition, comme l'expliquent les éleveurs de tilapia de Kinshasa, que les voleurs ne viennent pas vider les bassins la nuit. Adieu veaux, vaches, cochons ... Le gros bétail, en revanche, n'a plus droit de cité dans les agglomérations. A Bamako, l'élevage de ruminants est interdit depuis 1982. Vaches et boeufs ont bien quitté la ville mais chèvres et moutons demeurent. Plus qu'un véritable élevage destiné à apporter des revenus monétaires, les petits ruminants ont une fonction sociale et jouent un rôle de caisse d'épargne permettant de faire face aux grosses dépenses. On remarque d'ailleurs que le nombre d'animaux fluctue en fonction des autres activités. Augmentant quand les affaires vont bien, ils régressent en cas de difficultés. Rares sont les citadins qui possèdent plus d'une dizaine de têtes et qui engraissent des moutons pour les vendre lors des fêtes comme la Tabaski. Encore moins bien connu que le jardinage, l'élevage en ville ne fait guère l'objet de statistiques. Les chiffres disponibles ne sont pas légion mais ils sont éloquents. A Bamako, on a recensé environ 130 000 volailles et 15 000 petits ruminants, à Bobo-Dioulasso 30 000 chèvres et moutons. Ce sont donc des troupeaux importants qui vivent à l'intérieur des concessions et contribuent à l'alimentation des villes. Loin de disparaître, les activités agricoles, incompatibles pensait-on avec l'urbanisation, connaissent aujourd'hui un regain de faveur. Elles font toujours partie intégrante des activités urbaines et contribuent plus que jamais à la vie des citadins. Cette vitalité a toutefois ses revers : peu organisés, les producteurs individuels en nombre croissant se font parfois concurrence pour l'écoulement de leurs produits. Mieux encadrés et mieux structurés, les maraîchers tireront meilleur profit de leur activité.

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Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 1991
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/59899
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description Approvisionner les marchés de la ville en produits frais est l'objectif premier de l'agriculture urbaine. Aujourd'hui, le maraîchage est aussi un recours pour les victimes de la crise économique. Cependant, la croissance de l'urbanisation rejette de plus en plus cette activité à la périphérie des agglomérations et le développement souvent anarchique de ce secteur engendre des difficultés d'écoulement des produits. Si le béton et le goudron envahissent chaque jour un peu plus les villes africaines, ils n'ont pas, pour autant, fait disparaître les cultures. Malgré l'extension parfois galopante des grandes métropoles, les agriculteurs citadins restent nombreux. En témoignent les planches de légumes soigneusement entretenues qui occupent le moindre lopin de terre au coeur même des villes : berges des rivières, talus des voies ferrées, terrains vagues. De même, rares sont les concessions qui n'hébergent pas poules, moutons ou chèvres. Peu étudiée,cette agriculture urbaine, considérée comme une activité «informelle», est à plusieurs titres un secteur vital pour les citadins. Durant la colonisation et les années qui ont suivi l'indépendance, les municipalités ont tout fait pour supprimer les cultures des villes pour des raisons dites «d'hygiène». Ainsi, dans les années 70, le maire de Bafoussam à l'ouest du Cameroun, a fait couper tous les maïs qui poussaient en ville et saisir tous les animaux élevés dans les concessions au nom de l'assainissement de la ville. Aujourd'hui, les mentalités ont changé et les cultures ne sont plus considérées comme illégales. Les maraîchers concourent à la propreté de la ville, dit-on à Kinshasa. Certains vont jusqu'à dire que sur les collines, ils participent à la lutte contre l'érosion et les glissements de terrain. Même opinion à Lomé : «Pourvu que la ville soit propre, déclare-t-on à la direction de l'urbanisme et de l'habitat, nous ne voyons aucun inconvénient aux cultures sur planches. Mais nous ne voulons pas des cultures de sorgho dont les tiges sont trop hautes et occasionnent des saletés». A Bamako, les céréales à paille ne bénéficient pas non plus de la clémence des autorités. Depuis fin 1989, elles sont interdites car elles attirent les moustiques et cachent les bandits... Beaucoup de terrains qui portaient du mil et du sorgho ne sont plus cultivés aujourd'hui. Terrains peaux de chagrin Aujourd'hui, l'importance alimentaire du maraîchage l'emporte sur ces inconvénients, mais les autorités sont plus intéressées par l'extension des constructions que par le maintien des espaces de culture. Les multiples expulsions de maraîchers en sont les signes les plus frappants. Dans la capitale congolaise, les exploitants du centre maraîcher de Talangaï, le plus important des dix-sept périmètres de la ville, ont été dépossédés de leurs terres au profit d'une brasserie. Beaucoup ont dû cesser leur activité faute de retrouver un terrain en ville. De l'autre côté du fleuve, à Kinshasa, au Zaïre, la situation n'est guère plus brillante. Les groupements installés sur des périmètres, pourtant aménagés avec l'aide de l'Etat depuis une vingtaine d'années, se sont peu à peu transformés en lotissements. Autant de preuves qui montrent bien que si le maraîchage est toléré par les instances urbaines, rien n'est fait pour le favoriser. Les agriculteurs qui cultivent des terrains publics ne bénéficient d'aucune garantie. La plupart ne paient aucune redevance mais leur situation est très précaire. Ceux qui exploitent les terrains de propriétaires privés ne sont guère mieux lotis ; entre la faible redevance payée par les maraîchers et la vente des parcelles en terrains à bâtir, les propriétaires n'ont guère d'hésitation. A Brazzaville, le prix des terrains a été multiplié par six en quinze ans. Les nombreux périmètres maraîchers que comptait la ville disparaissent petit à petit, victimes de l'urbanisation. Ceux qui ont la chance de trouver encore des parcelles à louer en ville doivent payer de plus en plus cher. «Aujourd'hui, je paye 8000 F CFA par mois une parcelle de 20 m sur 30 m alors que mon ancien propriétaire ne me demandait que 2500 F» explique une maraîchère de Lomé. Le droit de cultiver, souvent octroyé gratuitement ou moyennant quelques kilos de légumes par les propriétaires soucieux de voir leurs terrains débarrassés des mauvaises herbes, s'achète de plus en plus cher. Les maraîchers essaient de diversifier les emplacements de leurs parcelles pour ne pas courir le risque de se retrouver du jour au lendemain sans aucune terre. A Bamako, il vaut mieux avoir des jardins à la fois au bord du fleuve, dans un terrain vague et dans sa concession. Une maraîchère de Kinshasa explique : «les jardiniers disposent de parcelles dans différents arrondissements de la capitale, dans la concession de la radiotélévision, dans des écoles... Moi-même, je dispose de vingt plates-bandes dans quatre zones.» Pour bénéficier de surfaces suffisantes, beaucoup sont obligés de quitter la zone urbaine et de s'installer à la périphérie. Pourtant, c'est en ville que se font les meilleures affaires. La demande en légumes y est très importante et les consommateurs chaque jour plus nombreux. Il est donc très facile pour les maraîchers d'écouler directement leur production. Pas de problèmes de transport, pas de stockage, pas ou peu d'intermédiaires, l'identité des lieux de production et de consommation a bien des avantages. Participant aux activités de la ville, les maraîchers connaissent leurs clients et livrent leurs légumes sans difficulté aux restaurants et aux hôtels de la place. En revanche, l'éloignement de la ville allonge les circuits et diminue le prix payé aux producteurs. Un inconvénient majeur des cultures en ville : les risques importants de vols sur les parcelles qui obligent les jardiniers à une surveillance constante de leurs planches. Essentiel pour les villes Les légumes produits en ville représentent une part importante de l'approvisionnement des marchés urbains. Difficile à chiffrer avec précision, cette contribution en produits frais est indispensable à l'alimentation des citadins. Les légumes dits «européens» comme les tomates, concombres, pommes de terre, salades, sont largement consommés par les populations urbaines. Ce sont les légumes le plus couramment cultivés en ville, surtout dans le Sahel où l'on trouve aussi du maïs frais, des arachides... S'y ajoutent, dans les régions plus humides, les légumes feuilles - feuilles de manioc, amarante, oseille - , les patates douces et les haricots très prisés des consommateurs. Les fruits - bananes, ananas, mangues, goyaves - sont beaucoup moins fréquemment cultivés en zone urbaine. Ces cultures pérennes exigent, en effet, une sécurité foncière de plus en plus difficile à trouver. En revanche, fleurs et plantes en pot connaissent un développement important ces dernières années. On estime qu'à lui seul le PASMAKIN, projet d'appui aux associations maraîchères de Kinshasa, qui encadre 6000 maraîchers travaillant sur 700 ha, produit chaque année 30 000 t de légumes, soit 15% des quantités consommées dans la capitale zaïroise. A Bamako, le maraîchage très développé dans la ville, couvre les besoins de la population. A certaines époques de l'année, il y a même des excédents de choux et de salades qui sont vendus à l'extérieur de l'agglomération. Les pics de surproduction qui font chuter les prix ne sont pas rares. Les maraîchers de métier, qui ne vivent que de la vente de leurs légumes, ne font pas fortune mais arrivent à subvenir à leurs besoins. Ceux qui bénéficient d'aménagements (canaux d'irrigation, motopompes) et d'encadrement grâce au soutien d'ONG s'en sortent mieux. Ainsi un maraîcher du PAMASKIN estime qu'il gagne autant chaque mois qu'un chef de division de l'administration publique. Les ventes ne représentent qu'une fraction de la production de légumes; une très large partie est auto-consommée, non seulement par les maraîchers professionnels mais surtout par ceux qui font du jardinage une activité secondaire. Plusieurs formes existent. A l'intérieur des concessions, les petits jardins sont essentiellement vivriers. Les femmes y cultivent en mélange légumes traditionnels, condiments pour la sauce et souvent plantes médicinales. A Nairobi, au Kenya, ces cultures permettent aux migrants venus de l'intérieur du pays et des contrées voisines de subvenir à leurs besoins. Partout, elles contribuent à diversifier l'alimentation des familles citadines. Maraîchage assurance chômage Les fonctionnaires ou salariés disposant de lots de terre importants, qui ne sont pas encore bâtis, y font pousser tous lés produits nécessaires à leur consommation. Ils limitent ainsi leurs achats au strict minimum. Ils s'occupent de leurs jardins durant les week-ends ou en confient l'entretien à des tiers. Ceux qui disposent de plus de place vendent même une partie de leur production pour arrondir les fins de mois. D'occasionnelle - pour la rentrée scolaire ou pour payer de grosses dépenses -, cette pratique devient permanente surtout lorsque les salaires sont trop maigres ou irrégulièrement payés. Certains avouent que sans cette activité, ils auraient bien du mal à joindre les deux bouts. Le maraîchage est ainsi de plus en plus souvent considéré comme une solution face à la crise économique et aux rigueurs de l'ajustement structurel. Pour les jeunes citadins au chômage ou les «compressés» de la fonction publique, des sociétés d'Etat et d'économie mixte, le maraîchage ou le petit élevage est parfois le seul recours. Ceux qui disposent d'un fond de démarrage et savent bien s'organiser arrivent à des résultats fort intéressants. Ils gagnent autant et parfois plus que de nombreux salariés. Certes, le jardinage exige beaucoup de travail mais il est rentable. On assiste ainsi depuis quelques années à une évolution importante dans presque toutes les villes africaines. Si les maraîchers traditionnels sont peu à peu expulsés du coeur des villes où les immeubles poussent aujourd'hui plus vite que les légumes, le nombre de jardiniers ne diminue pas pour autant. Mais il est le fait d'autres catégories sociales que la crise a contraintes à retourner à la terre. Certains n'ont pas attendu d'y être forcés par la conjoncture : très tôt, ils ont vu l'intérêt de ce secteur. Ils ont créé de grandes exploitations (plus de 5000 m2), dotées de motopompes et utilisant engrais et insecticides, où ils font travailler des salariés. Le maraîchage donne lui-même lieu à d'autres activités. Ainsi, sur les dépôts d'ordures de Bamako, des gens tamisent le compost et vont livrer du terreau par charrettes. Les cultivateurs qui ont de grandes surfaces n'hésitent pas à faire venir du terreau par camions entiers. Sont aussi récupérés les déchets d'abattoirs qui serviront d'engrais et les fumiers des animaux présents dans les cours. Beaucoup de maraîchers n'ont, en effet, pas les moyens d'acheter des engrais coûteux mais indispensables pour avoir des rendements intéressants. Se posent parfois des problèmes de salubrité des légumes produits. Outre les insecticides épandus souvent à tort et à travers sur les légumes, les maraîchers font parfois fi des règles élémentaires d'hygiène. A Yaoundé, ceux qui cultivent dans les marécages utilisent de l'eau noircie à l'huile de vidange et remplie de déchets pour arroser leurs plants de salade... Des élevages restreints L'élevage, autre volet de l'agriculture urbaine, ne connaît pas, au coeur des villes, le même développement que le maraîchage. Les nuisances qu'engendre cette activité - bruit, saleté - ne sont guère du goût des autorités municipales. A Lomé, les agents d'hygiène sanctionnent ceux qui ne respectent pas les règles en vigueur. Ainsi les porcheries sont implantées plus loin dans les banlieues. De même, les gros poulaillers qui regroupent plusieurs milliers de volailles quittent les lieux habités pour ne pas gêner les voisins et salir la ville. Ne subsistent, dans les agglomérations, que de petites unités d'élevage, en dehors des quelques poulets, pintades ou canards que chaque famille entretient pour sa propre consommation. On y trouve des poulaillers de petite taille (200 à 300 poules) généralement aux mains de hauts fonctionnaires et de commerçants qui ont un marché étendu à leur disposition. Dans quelques pays comme le Togo et la Côte d'Ivoire, les élevages de lapins sont de plus en plus fréquents. La pisciculture dans de petits étangs au bord des rivières est une activité très rentable. A condition, comme l'expliquent les éleveurs de tilapia de Kinshasa, que les voleurs ne viennent pas vider les bassins la nuit. Adieu veaux, vaches, cochons ... Le gros bétail, en revanche, n'a plus droit de cité dans les agglomérations. A Bamako, l'élevage de ruminants est interdit depuis 1982. Vaches et boeufs ont bien quitté la ville mais chèvres et moutons demeurent. Plus qu'un véritable élevage destiné à apporter des revenus monétaires, les petits ruminants ont une fonction sociale et jouent un rôle de caisse d'épargne permettant de faire face aux grosses dépenses. On remarque d'ailleurs que le nombre d'animaux fluctue en fonction des autres activités. Augmentant quand les affaires vont bien, ils régressent en cas de difficultés. Rares sont les citadins qui possèdent plus d'une dizaine de têtes et qui engraissent des moutons pour les vendre lors des fêtes comme la Tabaski. Encore moins bien connu que le jardinage, l'élevage en ville ne fait guère l'objet de statistiques. Les chiffres disponibles ne sont pas légion mais ils sont éloquents. A Bamako, on a recensé environ 130 000 volailles et 15 000 petits ruminants, à Bobo-Dioulasso 30 000 chèvres et moutons. Ce sont donc des troupeaux importants qui vivent à l'intérieur des concessions et contribuent à l'alimentation des villes. Loin de disparaître, les activités agricoles, incompatibles pensait-on avec l'urbanisation, connaissent aujourd'hui un regain de faveur. Elles font toujours partie intégrante des activités urbaines et contribuent plus que jamais à la vie des citadins. Cette vitalité a toutefois ses revers : peu organisés, les producteurs individuels en nombre croissant se font parfois concurrence pour l'écoulement de leurs produits. Mieux encadrés et mieux structurés, les maraîchers tireront meilleur profit de leur activité.
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De même, rares sont les concessions qui n'hébergent pas poules, moutons ou chèvres. Peu étudiée,cette agriculture urbaine, considérée comme une activité «informelle», est à plusieurs titres un secteur vital pour les citadins. Durant la colonisation et les années qui ont suivi l'indépendance, les municipalités ont tout fait pour supprimer les cultures des villes pour des raisons dites «d'hygiène». Ainsi, dans les années 70, le maire de Bafoussam à l'ouest du Cameroun, a fait couper tous les maïs qui poussaient en ville et saisir tous les animaux élevés dans les concessions au nom de l'assainissement de la ville. Aujourd'hui, les mentalités ont changé et les cultures ne sont plus considérées comme illégales. Les maraîchers concourent à la propreté de la ville, dit-on à Kinshasa. Certains vont jusqu'à dire que sur les collines, ils participent à la lutte contre l'érosion et les glissements de terrain. Même opinion à Lomé : «Pourvu que la ville soit propre, déclare-t-on à la direction de l'urbanisme et de l'habitat, nous ne voyons aucun inconvénient aux cultures sur planches. Mais nous ne voulons pas des cultures de sorgho dont les tiges sont trop hautes et occasionnent des saletés». A Bamako, les céréales à paille ne bénéficient pas non plus de la clémence des autorités. Depuis fin 1989, elles sont interdites car elles attirent les moustiques et cachent les bandits... Beaucoup de terrains qui portaient du mil et du sorgho ne sont plus cultivés aujourd'hui. Terrains peaux de chagrin Aujourd'hui, l'importance alimentaire du maraîchage l'emporte sur ces inconvénients, mais les autorités sont plus intéressées par l'extension des constructions que par le maintien des espaces de culture. Les multiples expulsions de maraîchers en sont les signes les plus frappants. Dans la capitale congolaise, les exploitants du centre maraîcher de Talangaï, le plus important des dix-sept périmètres de la ville, ont été dépossédés de leurs terres au profit d'une brasserie. Beaucoup ont dû cesser leur activité faute de retrouver un terrain en ville. De l'autre côté du fleuve, à Kinshasa, au Zaïre, la situation n'est guère plus brillante. Les groupements installés sur des périmètres, pourtant aménagés avec l'aide de l'Etat depuis une vingtaine d'années, se sont peu à peu transformés en lotissements. Autant de preuves qui montrent bien que si le maraîchage est toléré par les instances urbaines, rien n'est fait pour le favoriser. Les agriculteurs qui cultivent des terrains publics ne bénéficient d'aucune garantie. La plupart ne paient aucune redevance mais leur situation est très précaire. Ceux qui exploitent les terrains de propriétaires privés ne sont guère mieux lotis ; entre la faible redevance payée par les maraîchers et la vente des parcelles en terrains à bâtir, les propriétaires n'ont guère d'hésitation. A Brazzaville, le prix des terrains a été multiplié par six en quinze ans. Les nombreux périmètres maraîchers que comptait la ville disparaissent petit à petit, victimes de l'urbanisation. Ceux qui ont la chance de trouver encore des parcelles à louer en ville doivent payer de plus en plus cher. «Aujourd'hui, je paye 8000 F CFA par mois une parcelle de 20 m sur 30 m alors que mon ancien propriétaire ne me demandait que 2500 F» explique une maraîchère de Lomé. Le droit de cultiver, souvent octroyé gratuitement ou moyennant quelques kilos de légumes par les propriétaires soucieux de voir leurs terrains débarrassés des mauvaises herbes, s'achète de plus en plus cher. Les maraîchers essaient de diversifier les emplacements de leurs parcelles pour ne pas courir le risque de se retrouver du jour au lendemain sans aucune terre. A Bamako, il vaut mieux avoir des jardins à la fois au bord du fleuve, dans un terrain vague et dans sa concession. Une maraîchère de Kinshasa explique : «les jardiniers disposent de parcelles dans différents arrondissements de la capitale, dans la concession de la radiotélévision, dans des écoles... Moi-même, je dispose de vingt plates-bandes dans quatre zones.» Pour bénéficier de surfaces suffisantes, beaucoup sont obligés de quitter la zone urbaine et de s'installer à la périphérie. Pourtant, c'est en ville que se font les meilleures affaires. La demande en légumes y est très importante et les consommateurs chaque jour plus nombreux. Il est donc très facile pour les maraîchers d'écouler directement leur production. Pas de problèmes de transport, pas de stockage, pas ou peu d'intermédiaires, l'identité des lieux de production et de consommation a bien des avantages. Participant aux activités de la ville, les maraîchers connaissent leurs clients et livrent leurs légumes sans difficulté aux restaurants et aux hôtels de la place. En revanche, l'éloignement de la ville allonge les circuits et diminue le prix payé aux producteurs. Un inconvénient majeur des cultures en ville : les risques importants de vols sur les parcelles qui obligent les jardiniers à une surveillance constante de leurs planches. Essentiel pour les villes Les légumes produits en ville représentent une part importante de l'approvisionnement des marchés urbains. Difficile à chiffrer avec précision, cette contribution en produits frais est indispensable à l'alimentation des citadins. Les légumes dits «européens» comme les tomates, concombres, pommes de terre, salades, sont largement consommés par les populations urbaines. Ce sont les légumes le plus couramment cultivés en ville, surtout dans le Sahel où l'on trouve aussi du maïs frais, des arachides... S'y ajoutent, dans les régions plus humides, les légumes feuilles - feuilles de manioc, amarante, oseille - , les patates douces et les haricots très prisés des consommateurs. Les fruits - bananes, ananas, mangues, goyaves - sont beaucoup moins fréquemment cultivés en zone urbaine. Ces cultures pérennes exigent, en effet, une sécurité foncière de plus en plus difficile à trouver. En revanche, fleurs et plantes en pot connaissent un développement important ces dernières années. On estime qu'à lui seul le PASMAKIN, projet d'appui aux associations maraîchères de Kinshasa, qui encadre 6000 maraîchers travaillant sur 700 ha, produit chaque année 30 000 t de légumes, soit 15% des quantités consommées dans la capitale zaïroise. A Bamako, le maraîchage très développé dans la ville, couvre les besoins de la population. A certaines époques de l'année, il y a même des excédents de choux et de salades qui sont vendus à l'extérieur de l'agglomération. Les pics de surproduction qui font chuter les prix ne sont pas rares. Les maraîchers de métier, qui ne vivent que de la vente de leurs légumes, ne font pas fortune mais arrivent à subvenir à leurs besoins. Ceux qui bénéficient d'aménagements (canaux d'irrigation, motopompes) et d'encadrement grâce au soutien d'ONG s'en sortent mieux. Ainsi un maraîcher du PAMASKIN estime qu'il gagne autant chaque mois qu'un chef de division de l'administration publique. Les ventes ne représentent qu'une fraction de la production de légumes; une très large partie est auto-consommée, non seulement par les maraîchers professionnels mais surtout par ceux qui font du jardinage une activité secondaire. Plusieurs formes existent. A l'intérieur des concessions, les petits jardins sont essentiellement vivriers. Les femmes y cultivent en mélange légumes traditionnels, condiments pour la sauce et souvent plantes médicinales. A Nairobi, au Kenya, ces cultures permettent aux migrants venus de l'intérieur du pays et des contrées voisines de subvenir à leurs besoins. Partout, elles contribuent à diversifier l'alimentation des familles citadines. Maraîchage assurance chômage Les fonctionnaires ou salariés disposant de lots de terre importants, qui ne sont pas encore bâtis, y font pousser tous lés produits nécessaires à leur consommation. Ils limitent ainsi leurs achats au strict minimum. Ils s'occupent de leurs jardins durant les week-ends ou en confient l'entretien à des tiers. Ceux qui disposent de plus de place vendent même une partie de leur production pour arrondir les fins de mois. D'occasionnelle - pour la rentrée scolaire ou pour payer de grosses dépenses -, cette pratique devient permanente surtout lorsque les salaires sont trop maigres ou irrégulièrement payés. Certains avouent que sans cette activité, ils auraient bien du mal à joindre les deux bouts. Le maraîchage est ainsi de plus en plus souvent considéré comme une solution face à la crise économique et aux rigueurs de l'ajustement structurel. Pour les jeunes citadins au chômage ou les «compressés» de la fonction publique, des sociétés d'Etat et d'économie mixte, le maraîchage ou le petit élevage est parfois le seul recours. Ceux qui disposent d'un fond de démarrage et savent bien s'organiser arrivent à des résultats fort intéressants. Ils gagnent autant et parfois plus que de nombreux salariés. Certes, le jardinage exige beaucoup de travail mais il est rentable. On assiste ainsi depuis quelques années à une évolution importante dans presque toutes les villes africaines. Si les maraîchers traditionnels sont peu à peu expulsés du coeur des villes où les immeubles poussent aujourd'hui plus vite que les légumes, le nombre de jardiniers ne diminue pas pour autant. Mais il est le fait d'autres catégories sociales que la crise a contraintes à retourner à la terre. Certains n'ont pas attendu d'y être forcés par la conjoncture : très tôt, ils ont vu l'intérêt de ce secteur. Ils ont créé de grandes exploitations (plus de 5000 m2), dotées de motopompes et utilisant engrais et insecticides, où ils font travailler des salariés. Le maraîchage donne lui-même lieu à d'autres activités. Ainsi, sur les dépôts d'ordures de Bamako, des gens tamisent le compost et vont livrer du terreau par charrettes. Les cultivateurs qui ont de grandes surfaces n'hésitent pas à faire venir du terreau par camions entiers. Sont aussi récupérés les déchets d'abattoirs qui serviront d'engrais et les fumiers des animaux présents dans les cours. Beaucoup de maraîchers n'ont, en effet, pas les moyens d'acheter des engrais coûteux mais indispensables pour avoir des rendements intéressants. Se posent parfois des problèmes de salubrité des légumes produits. Outre les insecticides épandus souvent à tort et à travers sur les légumes, les maraîchers font parfois fi des règles élémentaires d'hygiène. A Yaoundé, ceux qui cultivent dans les marécages utilisent de l'eau noircie à l'huile de vidange et remplie de déchets pour arroser leurs plants de salade... Des élevages restreints L'élevage, autre volet de l'agriculture urbaine, ne connaît pas, au coeur des villes, le même développement que le maraîchage. Les nuisances qu'engendre cette activité - bruit, saleté - ne sont guère du goût des autorités municipales. A Lomé, les agents d'hygiène sanctionnent ceux qui ne respectent pas les règles en vigueur. Ainsi les porcheries sont implantées plus loin dans les banlieues. De même, les gros poulaillers qui regroupent plusieurs milliers de volailles quittent les lieux habités pour ne pas gêner les voisins et salir la ville. Ne subsistent, dans les agglomérations, que de petites unités d'élevage, en dehors des quelques poulets, pintades ou canards que chaque famille entretient pour sa propre consommation. On y trouve des poulaillers de petite taille (200 à 300 poules) généralement aux mains de hauts fonctionnaires et de commerçants qui ont un marché étendu à leur disposition. Dans quelques pays comme le Togo et la Côte d'Ivoire, les élevages de lapins sont de plus en plus fréquents. La pisciculture dans de petits étangs au bord des rivières est une activité très rentable. A condition, comme l'expliquent les éleveurs de tilapia de Kinshasa, que les voleurs ne viennent pas vider les bassins la nuit. Adieu veaux, vaches, cochons ... Le gros bétail, en revanche, n'a plus droit de cité dans les agglomérations. A Bamako, l'élevage de ruminants est interdit depuis 1982. Vaches et boeufs ont bien quitté la ville mais chèvres et moutons demeurent. Plus qu'un véritable élevage destiné à apporter des revenus monétaires, les petits ruminants ont une fonction sociale et jouent un rôle de caisse d'épargne permettant de faire face aux grosses dépenses. On remarque d'ailleurs que le nombre d'animaux fluctue en fonction des autres activités. Augmentant quand les affaires vont bien, ils régressent en cas de difficultés. Rares sont les citadins qui possèdent plus d'une dizaine de têtes et qui engraissent des moutons pour les vendre lors des fêtes comme la Tabaski. Encore moins bien connu que le jardinage, l'élevage en ville ne fait guère l'objet de statistiques. Les chiffres disponibles ne sont pas légion mais ils sont éloquents. A Bamako, on a recensé environ 130 000 volailles et 15 000 petits ruminants, à Bobo-Dioulasso 30 000 chèvres et moutons. Ce sont donc des troupeaux importants qui vivent à l'intérieur des concessions et contribuent à l'alimentation des villes. Loin de disparaître, les activités agricoles, incompatibles pensait-on avec l'urbanisation, connaissent aujourd'hui un regain de faveur. Elles font toujours partie intégrante des activités urbaines et contribuent plus que jamais à la vie des citadins. Cette vitalité a toutefois ses revers : peu organisés, les producteurs individuels en nombre croissant se font parfois concurrence pour l'écoulement de leurs produits. Mieux encadrés et mieux structurés, les maraîchers tireront meilleur profit de leur activité. Approvisionner les marchés de la ville en produits frais est l'objectif premier de l'agriculture urbaine. Aujourd'hui, le maraîchage est aussi un recours pour les victimes de la crise économique. Cependant, la croissance de l'urbanisation rejette... 1991 2015-03-23T11:05:42Z 2015-03-23T11:05:42Z News Item CTA. 1991. Agriculteur en ville. Spore 33. CTA, Wageningen, The Netherlands. 1011-0046 https://hdl.handle.net/10568/59899 fr Spore Open Access Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation Spore