L'élevage de la crevette, un pari séduisant

Elever des crevettes en Afrique et faire sa place sur le marché mondial parmi les empires asiatiques et sud-américains... sans être tout rose, le pari est séduisant. L'Afrique possède quelques atouts dans son jeu. L'élevage de la crevette reste encore à développer. La mer ne fournit pas plus de 1,7 million de tonnes par an. Et les consommateurs, principalement japonais, chinois, nord-américains et européens, en achèteraient plus s'ils en trouvaient sur leurs marchés. Déjà, de nombreux entrepreneurs, en Amérique latine et en Asie, ont compris que la crevette d'aquaculture était un créneau très intéressant. Certains ont fait fortune. Ces cinq dernières années, ils ont produit 500 000 t de crevettes. L'Afrique regarde avec envie les bassins d'élevage qu'elle pourrait elle aussi installer sur ses côtes. Depuis de ou trois ans, elle a décidé de se lancer dans l'aventure. Timidement et prudemment pour commencer. Quelques petites fermes d'élevage de crevettes s'égrènent au long de la côte ouest africaine. Encore extrêmement modestes, ces premiers essais n'en sont pas moins porteurs de beaucoup d'espoirs. La crevette africaine peu performante A Ziguinchor, au Sénégal, une ferme de quatre hectares environ, financée par le Gouvernement sénégalais et le Ministère français de la coopération, fait des recherches sur l'acclimatation des crevettes en Afrique. C'est que le continent africain souffre d'un grave handicap : les crevettes qui vivent au large de ses côtes, principalement Penaeus duorarum, ne sont pas propices à l'élevage. Elles ne grossissent pas vite et sont porteuses d'un virus qui prolifère dans les bassins. Pour les aquaculteurs africains, pas d'autre solution que d'aller s'approvisionner en larves dans les autres mers. o A côté de Conakry, en Guinée, la Société SEPIA a mis au point une méthode d'élevage de Penaeus vannamei, variété de crevette en provenance d'Amérique latine. En Sierra Leone, un entrepreneur privé a mis en expérimentation quelques ha de bassins. ó En Gambie, un projet de 100 ha passe cette année au stade de production. Enfin, à Madagascar, la société France Aquaculture projette de mettre en oeuvre une ferme de 1000 ha, avec une production prévue de 4 t/ha/an. Au Cameroun, au Congo, au Nigéria, plusieurs autres petits projets doivent voir le jour dans les mois à venir. Peu de sites à l'Ouest, beaucoup d'espoirs à l'Est Tous ces projets réunis couvrent à peine 500 ha. La production annoncée pour les cinq ans à venir reste limitée, pas plus de 2 000 à 3 000 t. «Nous ne cherchons pas à implanter d'immenses projets» explique Denis Gasnier de SEPIA. «Il faut tout d'abord s'assurer que la crevette pousse bien en Afrique». Outre le fait que les variétés de crevettes locales ne sont pas bonnes pour l'élevage, l'Afrique doit surmonter d'autres handicaps. Tout d'abord, à l'opposé de l'Asie et de l'Amérique latine, ce continent n'a aucune tradition d'aquaculture. L'éleveur de crevettes doit tout apprendre, il ne peut s'inspirer d'aucune technique déjà mise au point pour d'autres crustacés ou poissons. En outre, les sites ne sont pas toujours favorables Sur la côte ouest, la sécheresse a accentué la salinité de l'eau disponible. Dans de l'eau trop salée, les crevettes ne grossissent plus. Et souvent, entre Nouakchott et Libreville, le terrain est trop meuble pour supporter des bassins. C'est pourquoi la société France Aquaculture porte surtout ses espoirs sur l'Afrique de l'Est. «Au Mozambique, par exemple, le maintien de l'eau à une salinité acceptable est beaucoup plus aisé et les infrastructures sont nombreuses» explique Michel Autrand. C'est à Madagascar qu'il porte ses plus vifs espoirs. «Les sites y sont faciles à aménager, la salinité de l'eau est bonne, toute l'infrastructure du conditionnement et de la conservation de la crevette existe grâce aux pêcheries» raconte-t-il de retour de la Grande Ile. Mais si l'Afrique a décidé de se lancer dans le pari de la crevette d'élevage, c'est qu'elle a quelques chances de son côté. Tout d'abord, des prix avantageux. En Afrique, il n'y a quasiment pas de marché local de la crevette. Ce sont les Européens qui seront les principaux consommateurs. Dans le cadre de la Convention de Lomé, les importations de crevettes provenant de paver, ACP seront exonérées du droit d'entrée de 5 %. De quoi les rendre compétitives sur le marché européen. Le malheur des uns fait le bonheur des autres Par ailleurs, l'heure du déclin des grands empires de la crevette asiatiques et sud américains semble avoir sonné. En Equateur, l'environnement est tellement menacé par les défrichements des aquaculteurs qu'aucun permis de construire des bassins n'est plus délivré. En Thaïlande, la production a chuté de plusieurs milliers de tonnes : trop de bassins ont été creusés et l'eau s'est polluée. Avec ses quelques hectares de fermes aquacoles, l'Afrique n'en est pas encore là. Saura-t-elle jouer la carte de ce crustacé avec prudence et perspicacité ? Pour plus de renseignements : France Aquaculture - Michel Autrand - BP 70 29263 - Plouzane - FRANCE SEPIA - Denis Gasnier - 2, rue Stepenson 78181 - Saint Quentin - FRANCE

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Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 1990
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/59348
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