Tant qu'il y aura des femmes

Selon un proverbe chinois, les femmes supportent la moitié du ciel. Mais restons sur terre : dans les pays ACP, elles soutiennent aussi plus de la moitié des activités agricoles. Nombre d'actions ont été entreprises ces dernières décennies pour les aider dans leur tâche. Cependant, les récents ajustements structurels opérés dans certains pays et une politique agricole visant ? favoriser les cultures de rente modifient considérablement le paysage pour les agricultrices dans les pays ACP, au point de menacer les progrès qu'elles ont réalisés. Les retombées de certaines stratégies sont déj? palpables. Le défi majeur que les femmes ont ? relever pour maintenir, voire valoriser, leur rôle dans la production agricole implique que leur soient ouverts des domaines souvent réservés aux hommes : le crédit, le droit de propriété ? la terre et la technologie.Le rôle de l'agricultrice dans les pays ACP est de plus en plus évoqué dans la presse. Certaines publications attirent l'attention sur un constat : en milieu rural, les femmes sont les principales actrices de la production économique et interviennent ? tous les niveaux de la transformation des produits agricoles1. Dans certains pays d'Afrique, les deux tiers des travaux agricoles sont assurés par les femmes.En Afrique comme en Asie, les femmes oeuvrent en moyenne chaque semaine 13 heures de plus que les hommes. En Ouganda, elles effectuent 50 heures de travail hebdomadaire, soit presque deux fois plus que les hommes (23 heures). Tandis que ces derniers s'orientent vers les cultures de rente ou louent leurs services, les femmes s'occupent ? satisfaire les besoins de la consommation alimentaire courante locale et familiale. En Afrique subsaharienne, elles produisent et vendent 80 ? 90 % des produits alimentaires (45 % dans les Caraïbes). En Afrique tropicale, en Asie et dans le Pacifique, 80 % des poissons et crustacés sont nettoyés, séchés et commercialisés par les femmes et les enfants.Responsables de l'approvisionnementLe rôle primordial des femmes dans la production agricole ne semble toutefois pas pris en compte ? sa juste mesure dans les politiques nationales et internationales. La FAO consacre moins de 1 % de ses projets aux femmes agricultrices ; les Nations unies moins de 4 %. En revanche, et selon le rapport intitulé « Les femmes, support de la sécurité alimentaire », publié par l'Institut international des politiques de recherches alimentaires (IFPRI) siégeant ? Washington, « la majorité des services consacrés au développement agricole, aux nouvelles technologies et au crédit bénéficient aux hommes ; les femmes s'occupant quasi exclusivement de l'approvisionnement alimentaire ». Il ajoute toutefois que, si les femmes disposaient des mêmes ressources que les hommes, les pays en voie de développement enregistreraient une hausse significative de leur production agricole. Dont acte.La plupart des investissements en faveur d'une agriculture qu'on pourrait appeler féminine poursuivent deux objectifs : améliorer les revenus et réduire les travaux pénibles. Toute association villageoise, tout regroupement de femmes ou organisation non gouvernementale (ONG) qui se respecte met en uvre des projets visant ? augmenter la productivité des cultures familiales, grâce ? des méthodes simples de fertilisation du sol, d'élimination des ravageurs et de stockage des produits. Leurs actions, essentiellement locales, ont contribué ? créer des revenus sûrs aux agricultrices et ? améliorer la qualité de l'alimentation.Par ailleurs, les femmes ont su récemment s'approprier les techniques de culture et de traitement post-récolte. De la binette ? la sécheuse solaire de fruits, de la décortiqueuse manuelle de noix ? la petite unité d'embouteillage, ces techniques sont peu coûteuses et ont pour principale vertu de soulager les exploitantes des travaux pénibles. Financées tantôt par les communautés elles-mêmes, tantôt par des bailleurs de fonds ou de petites ONG, elles ont été développées par des groupements de femmes et diffusées de village en village, de pays en pays, en favorisant l'échange d'expériences commerciales, techniques, de gestion et de financementUne autonomie compromiseCertes, ces actions en faveur des femmes ont amélioré leur revenu et leur qualité de vie ainsi que la production agricole. Mais elles n'ont pas abattu une barrière : celle qui sépare les sexes — dans le domaine de l'agriculture tout au moins. Bien que leurs revenus soient augmentés et que les travaux pénibles soient progressivement éliminés, les femmes restent cantonnées dans le secteur de la subsistance alimentaire. Les projets de développement de micro entreprises ou de production industrielle restent, quant ? eux, du ressort des hommes. Ainsi s'entretient l'idée que les activités de production des femmes sont moins importantes que celles des hommes.Qui dit développement commercial de l'agriculture pense optimisation de la production et conquête des marchés. Il s'agit en fait de deux thèmes d'information prioritaires du CTA. Cette stratégie de développement vise ? renforcer la sécurité alimentaire et ? pourvoir aux besoins matériels de toute la population, sans discrimination. Or, elle s'accompagne d'initiatives qui, en favorisant les hommes, risquent d'exclure les femmes et de ralentir, voire de stopper, leur longue marche vers l'autonomie.Traditionnellement, dans la plupart des pays ACP, ce sont les hommes qui ont accès ? la terre, aux techniques et au crédit de manière ? assurer la production de bétail et de culture de rente. Les stratégies tournées vers la commercialisation mettent donc les cultures vivrières en danger si elles n'intègrent pas des actions de protection et d'appui pour promouvoir les droits de la femme en agriculture. Ainsi, Tracy Doig, de l'université de Witwatersrand en Afrique du Sud, prévoit que les femmes auront ? terme ? assumer, en plus de leurs tâches agricoles traditionnelles, les charges induites par les activités de leur mari.Le docteur Jessy Kwesiga, du Réseau d'associations nationales pour le développement en Ouganda (DENIVA), insiste pour sa part sur la nécessité de renforcer les droits d'accès ? la terre pour les femmes. La loi sur la propriété foncière est impartiale, explique-t-il, et la Constitution ne mentionne nulle part que les femmes n'auraient pas le droit de posséder une terre ; dans la pratique, pourtant, la majorité des paysannes ont simplement la possibilité de cultiver la terre, sans en avoir le contrôle ni un droit de propriété, privilège réservé aux hommes. À moins de changements des droits fonciers, poursuit-il, « nous risquons de mener une politique augmentant délibérément le travail des femmes au nom de la croissance agricole ».L'accès aux connaissances techniques est aussi nécessaire aux femmes que l'accès ? la terre. Le faciliter devrait se traduire par des actions de formation et d'information appropriées. Or, « le manque d'investissement dans la formation des femmes entraîne de lourdes pertes en production et revenus agricoles », rapporte l'IFPRI.Avec le problème du financement se pose celui du crédit, incontournable lors de l'achat d'une terre et des équipements. Un rapport récent a salué la création, au Ghana, d'un regroupement de femmes constitué dans le but d'acquérir (ou de louer) des équipements nécessaires ? la post-récolte et ? la production. Tandis que la demande des marchés urbains en aliments transformés est en croissance rapide (cf. p. 4-5), que les besoins locaux ou régionaux en sauces traditionnelles mises en conserve ou en flacon, par exemple, sont en passe d'aboutir ? une petite révolution industrielle, les premières coopératives montées par des femmes pour exploiter ces créneaux ont échoué, faute de crédits. La réticence de la plupart des banques ? investir dans les entreprises féminines se vérifie sur le terrain : dans certains pays d'Afrique, les productrices reçoivent moins de 10 % du total des crédits alloués aux petits producteurs et seulement 1 % du total des crédits attribués ? l'agriculture.Les alternatives au créditLes plans d'épargne constituent aujourd'hui une réelle alternative au système de crédit dans plusieurs projets de petites entreprises pour les agricultrices. En épargnant d'avance de petits montants, la bénéficiaire du plan peut emprunter des sommes importantes aux moments cruciaux, en cas de coup dur ou pour réaliser des acquisitions au moment le plus opportun. Le système ouvre d'avantage aux femmes l'accès aux financements que le crédit, puisque leur capacité ? dégager une marge pour rembourser est remplacée par leur possibilité d'économiser. On constate, par ailleurs, que la solidarité d'un groupe de femmes est plus forte lorsqu'elle est fondée sur l'épargne que lorsqu'elle l'était sur des dettes.À court terme, mettre plus de terre, de crédits et de moyens techniques ? la disposition des femmes, et reconnaître leur rôle dans le développement agricole, consiste ? mettre en uvre une politique déj? existante : il y a d'ores et déj? suffisamment de lignes budgétaires et de fonds de crédit pour permettre des changements importants sinon radicaux dans l'économie rurale et pour promouvoir équitablement les exploitations tenues par les femmes. Les politiques de développement agricole intègrent des mesures contre la discrimination sexuelle qui devraient permettre que les femmes en bénéficient. Le message de l'Agenda 21 des Nations unies est, ? cet égard, éloquent. Il préconise de « faciliter un meilleur accès ? toutes les formes de crédit, particulièrement dans le secteur informel » et de prendre des mesures « pour la sécurisation des droits fonciers ainsi que des réalisations agricoles de la femme ».À long terme, des changements importants sont ? mener en matière d'éducation, de formation et de soutien des femmes. Ils devraient se traduire, en ce qui concerne les micro-projets, par un accès plus facile au crédit et ? l'équipement. Ils se font lentement ? l'échelon supérieur : une plus juste distribution des postes de décision entre les deux sexes devrait conduire plus de femmes aux fonctions de présidente, de chercheur agricole ou de banquier. Après tout, cinq pays africains figurent parmi les tout premiers du monde quant au pourcentage de femmes siégeant ? leur parlement, devançant en ce domaine le Canada et le Royaume-Uni. Dans onze autres pays du continent, le score de la Chambre des représentants des États-Unis (qui compte 11, 7 % de femmes) est dépassé.Pour que les paysannes accèdent ? la part de pouvoir qui leur revient, les plus grands changements d'attitude devraient peut-être aussi venir de ceux qui soutiennent l'autre moitié du ciel : les hommes.1 Voir Spore n° 67, page 10, l'article intitulé « Les agricultrices africaines et leur époux ».Pour en savoir plus :African Centre for Women, Economic Commission for Africa, PO Box 3001 Addis Abeba - ETHIOPIE Fax : + 251 1 5 1 27 85 E-mail : eca40th@un.org Site Web : http://www.un.org/depts/eca/divis/acwUNIFEM, United Nations Development Fund for Women 304 East 45th Street, 6th floor New York, NY 10017 - États-Unis Fax : + 1 212 906 67 05 E-mail : unifem@undp.org Site Web : http://www.unifem.undp.orgWomen's World Banking 8 West 40th St New York, NY 10018 - États-Unis Fax : + 1 212 768 8519 E-mail : wwb@swwb.orgVoir aussi : Le Courrier n° 170, juillet-août 1998, page 69 : « Agricultrice ? part entière ! » Publication de la Commission européenne 200, rue de la Loi 1049 Bruxelles – Belgique

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Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 1998
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/58485
https://hdl.handle.net/10568/99650
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description Selon un proverbe chinois, les femmes supportent la moitié du ciel. Mais restons sur terre : dans les pays ACP, elles soutiennent aussi plus de la moitié des activités agricoles. Nombre d'actions ont été entreprises ces dernières décennies pour les aider dans leur tâche. Cependant, les récents ajustements structurels opérés dans certains pays et une politique agricole visant ? favoriser les cultures de rente modifient considérablement le paysage pour les agricultrices dans les pays ACP, au point de menacer les progrès qu'elles ont réalisés. Les retombées de certaines stratégies sont déj? palpables. Le défi majeur que les femmes ont ? relever pour maintenir, voire valoriser, leur rôle dans la production agricole implique que leur soient ouverts des domaines souvent réservés aux hommes : le crédit, le droit de propriété ? la terre et la technologie.Le rôle de l'agricultrice dans les pays ACP est de plus en plus évoqué dans la presse. Certaines publications attirent l'attention sur un constat : en milieu rural, les femmes sont les principales actrices de la production économique et interviennent ? tous les niveaux de la transformation des produits agricoles1. Dans certains pays d'Afrique, les deux tiers des travaux agricoles sont assurés par les femmes.En Afrique comme en Asie, les femmes oeuvrent en moyenne chaque semaine 13 heures de plus que les hommes. En Ouganda, elles effectuent 50 heures de travail hebdomadaire, soit presque deux fois plus que les hommes (23 heures). Tandis que ces derniers s'orientent vers les cultures de rente ou louent leurs services, les femmes s'occupent ? satisfaire les besoins de la consommation alimentaire courante locale et familiale. En Afrique subsaharienne, elles produisent et vendent 80 ? 90 % des produits alimentaires (45 % dans les Caraïbes). En Afrique tropicale, en Asie et dans le Pacifique, 80 % des poissons et crustacés sont nettoyés, séchés et commercialisés par les femmes et les enfants.Responsables de l'approvisionnementLe rôle primordial des femmes dans la production agricole ne semble toutefois pas pris en compte ? sa juste mesure dans les politiques nationales et internationales. La FAO consacre moins de 1 % de ses projets aux femmes agricultrices ; les Nations unies moins de 4 %. En revanche, et selon le rapport intitulé « Les femmes, support de la sécurité alimentaire », publié par l'Institut international des politiques de recherches alimentaires (IFPRI) siégeant ? Washington, « la majorité des services consacrés au développement agricole, aux nouvelles technologies et au crédit bénéficient aux hommes ; les femmes s'occupant quasi exclusivement de l'approvisionnement alimentaire ». Il ajoute toutefois que, si les femmes disposaient des mêmes ressources que les hommes, les pays en voie de développement enregistreraient une hausse significative de leur production agricole. Dont acte.La plupart des investissements en faveur d'une agriculture qu'on pourrait appeler féminine poursuivent deux objectifs : améliorer les revenus et réduire les travaux pénibles. Toute association villageoise, tout regroupement de femmes ou organisation non gouvernementale (ONG) qui se respecte met en uvre des projets visant ? augmenter la productivité des cultures familiales, grâce ? des méthodes simples de fertilisation du sol, d'élimination des ravageurs et de stockage des produits. Leurs actions, essentiellement locales, ont contribué ? créer des revenus sûrs aux agricultrices et ? améliorer la qualité de l'alimentation.Par ailleurs, les femmes ont su récemment s'approprier les techniques de culture et de traitement post-récolte. De la binette ? la sécheuse solaire de fruits, de la décortiqueuse manuelle de noix ? la petite unité d'embouteillage, ces techniques sont peu coûteuses et ont pour principale vertu de soulager les exploitantes des travaux pénibles. Financées tantôt par les communautés elles-mêmes, tantôt par des bailleurs de fonds ou de petites ONG, elles ont été développées par des groupements de femmes et diffusées de village en village, de pays en pays, en favorisant l'échange d'expériences commerciales, techniques, de gestion et de financementUne autonomie compromiseCertes, ces actions en faveur des femmes ont amélioré leur revenu et leur qualité de vie ainsi que la production agricole. Mais elles n'ont pas abattu une barrière : celle qui sépare les sexes — dans le domaine de l'agriculture tout au moins. Bien que leurs revenus soient augmentés et que les travaux pénibles soient progressivement éliminés, les femmes restent cantonnées dans le secteur de la subsistance alimentaire. Les projets de développement de micro entreprises ou de production industrielle restent, quant ? eux, du ressort des hommes. Ainsi s'entretient l'idée que les activités de production des femmes sont moins importantes que celles des hommes.Qui dit développement commercial de l'agriculture pense optimisation de la production et conquête des marchés. Il s'agit en fait de deux thèmes d'information prioritaires du CTA. Cette stratégie de développement vise ? renforcer la sécurité alimentaire et ? pourvoir aux besoins matériels de toute la population, sans discrimination. Or, elle s'accompagne d'initiatives qui, en favorisant les hommes, risquent d'exclure les femmes et de ralentir, voire de stopper, leur longue marche vers l'autonomie.Traditionnellement, dans la plupart des pays ACP, ce sont les hommes qui ont accès ? la terre, aux techniques et au crédit de manière ? assurer la production de bétail et de culture de rente. Les stratégies tournées vers la commercialisation mettent donc les cultures vivrières en danger si elles n'intègrent pas des actions de protection et d'appui pour promouvoir les droits de la femme en agriculture. Ainsi, Tracy Doig, de l'université de Witwatersrand en Afrique du Sud, prévoit que les femmes auront ? terme ? assumer, en plus de leurs tâches agricoles traditionnelles, les charges induites par les activités de leur mari.Le docteur Jessy Kwesiga, du Réseau d'associations nationales pour le développement en Ouganda (DENIVA), insiste pour sa part sur la nécessité de renforcer les droits d'accès ? la terre pour les femmes. La loi sur la propriété foncière est impartiale, explique-t-il, et la Constitution ne mentionne nulle part que les femmes n'auraient pas le droit de posséder une terre ; dans la pratique, pourtant, la majorité des paysannes ont simplement la possibilité de cultiver la terre, sans en avoir le contrôle ni un droit de propriété, privilège réservé aux hommes. À moins de changements des droits fonciers, poursuit-il, « nous risquons de mener une politique augmentant délibérément le travail des femmes au nom de la croissance agricole ».L'accès aux connaissances techniques est aussi nécessaire aux femmes que l'accès ? la terre. Le faciliter devrait se traduire par des actions de formation et d'information appropriées. Or, « le manque d'investissement dans la formation des femmes entraîne de lourdes pertes en production et revenus agricoles », rapporte l'IFPRI.Avec le problème du financement se pose celui du crédit, incontournable lors de l'achat d'une terre et des équipements. Un rapport récent a salué la création, au Ghana, d'un regroupement de femmes constitué dans le but d'acquérir (ou de louer) des équipements nécessaires ? la post-récolte et ? la production. Tandis que la demande des marchés urbains en aliments transformés est en croissance rapide (cf. p. 4-5), que les besoins locaux ou régionaux en sauces traditionnelles mises en conserve ou en flacon, par exemple, sont en passe d'aboutir ? une petite révolution industrielle, les premières coopératives montées par des femmes pour exploiter ces créneaux ont échoué, faute de crédits. La réticence de la plupart des banques ? investir dans les entreprises féminines se vérifie sur le terrain : dans certains pays d'Afrique, les productrices reçoivent moins de 10 % du total des crédits alloués aux petits producteurs et seulement 1 % du total des crédits attribués ? l'agriculture.Les alternatives au créditLes plans d'épargne constituent aujourd'hui une réelle alternative au système de crédit dans plusieurs projets de petites entreprises pour les agricultrices. En épargnant d'avance de petits montants, la bénéficiaire du plan peut emprunter des sommes importantes aux moments cruciaux, en cas de coup dur ou pour réaliser des acquisitions au moment le plus opportun. Le système ouvre d'avantage aux femmes l'accès aux financements que le crédit, puisque leur capacité ? dégager une marge pour rembourser est remplacée par leur possibilité d'économiser. On constate, par ailleurs, que la solidarité d'un groupe de femmes est plus forte lorsqu'elle est fondée sur l'épargne que lorsqu'elle l'était sur des dettes.À court terme, mettre plus de terre, de crédits et de moyens techniques ? la disposition des femmes, et reconnaître leur rôle dans le développement agricole, consiste ? mettre en uvre une politique déj? existante : il y a d'ores et déj? suffisamment de lignes budgétaires et de fonds de crédit pour permettre des changements importants sinon radicaux dans l'économie rurale et pour promouvoir équitablement les exploitations tenues par les femmes. Les politiques de développement agricole intègrent des mesures contre la discrimination sexuelle qui devraient permettre que les femmes en bénéficient. Le message de l'Agenda 21 des Nations unies est, ? cet égard, éloquent. Il préconise de « faciliter un meilleur accès ? toutes les formes de crédit, particulièrement dans le secteur informel » et de prendre des mesures « pour la sécurisation des droits fonciers ainsi que des réalisations agricoles de la femme ».À long terme, des changements importants sont ? mener en matière d'éducation, de formation et de soutien des femmes. Ils devraient se traduire, en ce qui concerne les micro-projets, par un accès plus facile au crédit et ? l'équipement. Ils se font lentement ? l'échelon supérieur : une plus juste distribution des postes de décision entre les deux sexes devrait conduire plus de femmes aux fonctions de présidente, de chercheur agricole ou de banquier. Après tout, cinq pays africains figurent parmi les tout premiers du monde quant au pourcentage de femmes siégeant ? leur parlement, devançant en ce domaine le Canada et le Royaume-Uni. Dans onze autres pays du continent, le score de la Chambre des représentants des États-Unis (qui compte 11, 7 % de femmes) est dépassé.Pour que les paysannes accèdent ? la part de pouvoir qui leur revient, les plus grands changements d'attitude devraient peut-être aussi venir de ceux qui soutiennent l'autre moitié du ciel : les hommes.1 Voir Spore n° 67, page 10, l'article intitulé « Les agricultrices africaines et leur époux ».Pour en savoir plus :African Centre for Women, Economic Commission for Africa, PO Box 3001 Addis Abeba - ETHIOPIE Fax : + 251 1 5 1 27 85 E-mail : eca40th@un.org Site Web : http://www.un.org/depts/eca/divis/acwUNIFEM, United Nations Development Fund for Women 304 East 45th Street, 6th floor New York, NY 10017 - États-Unis Fax : + 1 212 906 67 05 E-mail : unifem@undp.org Site Web : http://www.unifem.undp.orgWomen's World Banking 8 West 40th St New York, NY 10018 - États-Unis Fax : + 1 212 768 8519 E-mail : wwb@swwb.orgVoir aussi : Le Courrier n° 170, juillet-août 1998, page 69 : « Agricultrice ? part entière ! » Publication de la Commission européenne 200, rue de la Loi 1049 Bruxelles – Belgique
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Le défi majeur que les femmes ont ? relever pour maintenir, voire valoriser, leur rôle dans la production agricole implique que leur soient ouverts des domaines souvent réservés aux hommes : le crédit, le droit de propriété ? la terre et la technologie.Le rôle de l'agricultrice dans les pays ACP est de plus en plus évoqué dans la presse. Certaines publications attirent l'attention sur un constat : en milieu rural, les femmes sont les principales actrices de la production économique et interviennent ? tous les niveaux de la transformation des produits agricoles1. Dans certains pays d'Afrique, les deux tiers des travaux agricoles sont assurés par les femmes.En Afrique comme en Asie, les femmes oeuvrent en moyenne chaque semaine 13 heures de plus que les hommes. En Ouganda, elles effectuent 50 heures de travail hebdomadaire, soit presque deux fois plus que les hommes (23 heures). Tandis que ces derniers s'orientent vers les cultures de rente ou louent leurs services, les femmes s'occupent ? satisfaire les besoins de la consommation alimentaire courante locale et familiale. En Afrique subsaharienne, elles produisent et vendent 80 ? 90 % des produits alimentaires (45 % dans les Caraïbes). En Afrique tropicale, en Asie et dans le Pacifique, 80 % des poissons et crustacés sont nettoyés, séchés et commercialisés par les femmes et les enfants.Responsables de l'approvisionnementLe rôle primordial des femmes dans la production agricole ne semble toutefois pas pris en compte ? sa juste mesure dans les politiques nationales et internationales. La FAO consacre moins de 1 % de ses projets aux femmes agricultrices ; les Nations unies moins de 4 %. En revanche, et selon le rapport intitulé « Les femmes, support de la sécurité alimentaire », publié par l'Institut international des politiques de recherches alimentaires (IFPRI) siégeant ? Washington, « la majorité des services consacrés au développement agricole, aux nouvelles technologies et au crédit bénéficient aux hommes ; les femmes s'occupant quasi exclusivement de l'approvisionnement alimentaire ». Il ajoute toutefois que, si les femmes disposaient des mêmes ressources que les hommes, les pays en voie de développement enregistreraient une hausse significative de leur production agricole. Dont acte.La plupart des investissements en faveur d'une agriculture qu'on pourrait appeler féminine poursuivent deux objectifs : améliorer les revenus et réduire les travaux pénibles. Toute association villageoise, tout regroupement de femmes ou organisation non gouvernementale (ONG) qui se respecte met en uvre des projets visant ? augmenter la productivité des cultures familiales, grâce ? des méthodes simples de fertilisation du sol, d'élimination des ravageurs et de stockage des produits. Leurs actions, essentiellement locales, ont contribué ? créer des revenus sûrs aux agricultrices et ? améliorer la qualité de l'alimentation.Par ailleurs, les femmes ont su récemment s'approprier les techniques de culture et de traitement post-récolte. De la binette ? la sécheuse solaire de fruits, de la décortiqueuse manuelle de noix ? la petite unité d'embouteillage, ces techniques sont peu coûteuses et ont pour principale vertu de soulager les exploitantes des travaux pénibles. Financées tantôt par les communautés elles-mêmes, tantôt par des bailleurs de fonds ou de petites ONG, elles ont été développées par des groupements de femmes et diffusées de village en village, de pays en pays, en favorisant l'échange d'expériences commerciales, techniques, de gestion et de financementUne autonomie compromiseCertes, ces actions en faveur des femmes ont amélioré leur revenu et leur qualité de vie ainsi que la production agricole. Mais elles n'ont pas abattu une barrière : celle qui sépare les sexes — dans le domaine de l'agriculture tout au moins. Bien que leurs revenus soient augmentés et que les travaux pénibles soient progressivement éliminés, les femmes restent cantonnées dans le secteur de la subsistance alimentaire. Les projets de développement de micro entreprises ou de production industrielle restent, quant ? eux, du ressort des hommes. Ainsi s'entretient l'idée que les activités de production des femmes sont moins importantes que celles des hommes.Qui dit développement commercial de l'agriculture pense optimisation de la production et conquête des marchés. Il s'agit en fait de deux thèmes d'information prioritaires du CTA. Cette stratégie de développement vise ? renforcer la sécurité alimentaire et ? pourvoir aux besoins matériels de toute la population, sans discrimination. Or, elle s'accompagne d'initiatives qui, en favorisant les hommes, risquent d'exclure les femmes et de ralentir, voire de stopper, leur longue marche vers l'autonomie.Traditionnellement, dans la plupart des pays ACP, ce sont les hommes qui ont accès ? la terre, aux techniques et au crédit de manière ? assurer la production de bétail et de culture de rente. Les stratégies tournées vers la commercialisation mettent donc les cultures vivrières en danger si elles n'intègrent pas des actions de protection et d'appui pour promouvoir les droits de la femme en agriculture. Ainsi, Tracy Doig, de l'université de Witwatersrand en Afrique du Sud, prévoit que les femmes auront ? terme ? assumer, en plus de leurs tâches agricoles traditionnelles, les charges induites par les activités de leur mari.Le docteur Jessy Kwesiga, du Réseau d'associations nationales pour le développement en Ouganda (DENIVA), insiste pour sa part sur la nécessité de renforcer les droits d'accès ? la terre pour les femmes. La loi sur la propriété foncière est impartiale, explique-t-il, et la Constitution ne mentionne nulle part que les femmes n'auraient pas le droit de posséder une terre ; dans la pratique, pourtant, la majorité des paysannes ont simplement la possibilité de cultiver la terre, sans en avoir le contrôle ni un droit de propriété, privilège réservé aux hommes. À moins de changements des droits fonciers, poursuit-il, « nous risquons de mener une politique augmentant délibérément le travail des femmes au nom de la croissance agricole ».L'accès aux connaissances techniques est aussi nécessaire aux femmes que l'accès ? la terre. Le faciliter devrait se traduire par des actions de formation et d'information appropriées. Or, « le manque d'investissement dans la formation des femmes entraîne de lourdes pertes en production et revenus agricoles », rapporte l'IFPRI.Avec le problème du financement se pose celui du crédit, incontournable lors de l'achat d'une terre et des équipements. Un rapport récent a salué la création, au Ghana, d'un regroupement de femmes constitué dans le but d'acquérir (ou de louer) des équipements nécessaires ? la post-récolte et ? la production. Tandis que la demande des marchés urbains en aliments transformés est en croissance rapide (cf. p. 4-5), que les besoins locaux ou régionaux en sauces traditionnelles mises en conserve ou en flacon, par exemple, sont en passe d'aboutir ? une petite révolution industrielle, les premières coopératives montées par des femmes pour exploiter ces créneaux ont échoué, faute de crédits. La réticence de la plupart des banques ? investir dans les entreprises féminines se vérifie sur le terrain : dans certains pays d'Afrique, les productrices reçoivent moins de 10 % du total des crédits alloués aux petits producteurs et seulement 1 % du total des crédits attribués ? l'agriculture.Les alternatives au créditLes plans d'épargne constituent aujourd'hui une réelle alternative au système de crédit dans plusieurs projets de petites entreprises pour les agricultrices. En épargnant d'avance de petits montants, la bénéficiaire du plan peut emprunter des sommes importantes aux moments cruciaux, en cas de coup dur ou pour réaliser des acquisitions au moment le plus opportun. Le système ouvre d'avantage aux femmes l'accès aux financements que le crédit, puisque leur capacité ? dégager une marge pour rembourser est remplacée par leur possibilité d'économiser. On constate, par ailleurs, que la solidarité d'un groupe de femmes est plus forte lorsqu'elle est fondée sur l'épargne que lorsqu'elle l'était sur des dettes.À court terme, mettre plus de terre, de crédits et de moyens techniques ? la disposition des femmes, et reconnaître leur rôle dans le développement agricole, consiste ? mettre en uvre une politique déj? existante : il y a d'ores et déj? suffisamment de lignes budgétaires et de fonds de crédit pour permettre des changements importants sinon radicaux dans l'économie rurale et pour promouvoir équitablement les exploitations tenues par les femmes. Les politiques de développement agricole intègrent des mesures contre la discrimination sexuelle qui devraient permettre que les femmes en bénéficient. Le message de l'Agenda 21 des Nations unies est, ? cet égard, éloquent. Il préconise de « faciliter un meilleur accès ? toutes les formes de crédit, particulièrement dans le secteur informel » et de prendre des mesures « pour la sécurisation des droits fonciers ainsi que des réalisations agricoles de la femme ».À long terme, des changements importants sont ? mener en matière d'éducation, de formation et de soutien des femmes. Ils devraient se traduire, en ce qui concerne les micro-projets, par un accès plus facile au crédit et ? l'équipement. Ils se font lentement ? l'échelon supérieur : une plus juste distribution des postes de décision entre les deux sexes devrait conduire plus de femmes aux fonctions de présidente, de chercheur agricole ou de banquier. Après tout, cinq pays africains figurent parmi les tout premiers du monde quant au pourcentage de femmes siégeant ? leur parlement, devançant en ce domaine le Canada et le Royaume-Uni. Dans onze autres pays du continent, le score de la Chambre des représentants des États-Unis (qui compte 11, 7 % de femmes) est dépassé.Pour que les paysannes accèdent ? la part de pouvoir qui leur revient, les plus grands changements d'attitude devraient peut-être aussi venir de ceux qui soutiennent l'autre moitié du ciel : les hommes.1 Voir Spore n° 67, page 10, l'article intitulé « Les agricultrices africaines et leur époux ».Pour en savoir plus :African Centre for Women, Economic Commission for Africa, PO Box 3001 Addis Abeba - ETHIOPIE Fax : + 251 1 5 1 27 85 E-mail : eca40th@un.org Site Web : http://www.un.org/depts/eca/divis/acwUNIFEM, United Nations Development Fund for Women 304 East 45th Street, 6th floor New York, NY 10017 - États-Unis Fax : + 1 212 906 67 05 E-mail : unifem@undp.org Site Web : http://www.unifem.undp.orgWomen's World Banking 8 West 40th St New York, NY 10018 - États-Unis Fax : + 1 212 768 8519 E-mail : wwb@swwb.orgVoir aussi : Le Courrier n° 170, juillet-août 1998, page 69 : « Agricultrice ? part entière ! » Publication de la Commission européenne 200, rue de la Loi 1049 Bruxelles – Belgique Selon un proverbe chinois, les femmes supportent la moitié du ciel. Mais restons sur terre : dans les pays ACP, elles soutiennent aussi plus de la moitié des activités agricoles. Nombre d'actions ont été entreprises ces dernières décennies... 1998 2015-03-19T13:48:41Z 2015-03-19T13:48:41Z News Item CTA. 1998. Tant qu'il y aura des femmes. Spore 76. CTA, Wageningen, The Netherlands. 1011-0046 https://hdl.handle.net/10568/58485 https://hdl.handle.net/10568/99650 fr Spore Open Access Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation Spore