Pour une transformation sur place des produits agricoles

Le traitement des récoltes est un souci constant pour la plupart des pays en développement : allonger la durée de stockage et faciliter les préparations culinaires est en effet une nécessité. De nombreux avantages apparaissent lorsque les opérations post-récolte peuvent s'effectuer en milieu rural. Des emplois se créent, les pertes sont réduites, le prix de revient des produits s'abaisse et les jeunes peuvent acquérir une formation professionnelle. Dans de nombreux villages, les communautés vivent en économie de subsistance et sont dépendantes des ressources et des compétences locales pour survivre.Aliments, boissons, huiles, cuir et fibres sont obtenus par le traitement des récoltes et des produits de l'élevage traditionnel. La plupart des adultes acquièrent une gamme de compétences allant du décorticage, de l'égrenage, de l'écossage ou du broyage des céréales à l'extraction des huiles à partir des noix et des graines. Fondre la graisse des animaux pour obtenir du suif, laver le manioc et extraire le sagou des palmes, traiterles peaux, filer le coton et la laine fait aussipartie de ces nombreuses compétences. De plus en plus, ces savoirs se perdent avec l'introduction des économies de type moderne et la possibilité d'acheter des produits déjà traités. Sans doute le traitement centralisé à grande échelle ou transformation industrielle n'a pas que des inconvénients : il permet des économies d'échelle, uniformise la production et supprime des tâches pénibles. Cependant, le coût pour les petites communautés rurales en est très élevé : les producteurs sont parfois éloignés des grands centres de traitement et doivent supporter les frais de transport (quand les routes et les moyens de transport existent). En outre, lorsque les produits sont transformés en ville, ils reviennent beaucoup plus cher au village. Enfin, élément fondamental, la transformation rurale de ces produits procure des emplois, développe des industries hors des villes. Créer des emplois Par définition, l'agriculture est une activité saisonnière. Même dans les zones où il existe deux saisons de récolte, la maind'oeuvre est loin d'être occupée toute l'année. Si les produits récoltés sont vendus et transportés dans un centre éloigné pour être traités, pendant ce temps la maind'oeuvre rurale reste inoccupée. En revanche, le traitement local dans le village peut fournir des emplois. Au Sénégal, où le riz est de plus en plus souvent transporté vers de grandes installations de broyage régionales, la population rurale a ainsi perdu les revenus de ce travail et la valeur du son de riz, sousproduit du traitement. En outre, les villageois devront payer leur riz plus cher puisque augmenté du coût de transport. Une situation similaire s'est développée au Malawi, où le maïs, l'arachide et le soja, utilisés pour fabriquer l'aliment national de sevrage, le Likuni Phala, étaient transportés à Blantyre' et ensuite redistribués dans le reste du pays sous leur forme transformée. Aujourd'hui, le Programme Alimentaire Mondial des Nations Unies et le Gouvernement néerlandais ont décidé d'installer plusieurs petites unités de fabrication de Phala à travers le pays. Ils utilisent les récoltes obtenues sur place et redistribuent les produits au niveau local également. Ainsi, les agriculteurs de l'ensemble du pays ont la possibilité de vendre leurs produits, des emplois sont créés et des coûts de transport superflus sont évités. Les activités de traitement exigent des compétences et une force physique variables. Certaines ne peuvent être effectuées que par des hommes mais la plupart des tâches sont à la portée des femmes. Elles apportent ainsi un complément aux revenus familiaux. Les jeunes peuvent également apporter leur aide et éviter ainsi de venir augmenter le nombre de chômeurs des villes. Les pertes après récoltes sont particulièrement importantes dans les pays en développement : le grain mal séché moisit, ainsi que les racines et les tubercules. Le lait, la viande et le poisson connaissent les mêmes problèmes de conservation en l'absence de système de réfrigération à moins d'être séchés et fumés, ou dans le cas du lait, transformé en fromage. En ce qui concerne les fruits et les légumes, ceux-ci doivent être consommés frais ou transformés en jus, pulpe, salaisons, condiment, confiture ou produit séché. L'absence ou l'inadéquation des traitements peuvent entraîner jusqu'à 50 % de pertes, estiment les spécialistes. Réduire les pertes Plus les rendements sont élevés, plus les pertes sont importantes. Cependant le principal effort de recherche-développement est orienté vers l'obtention de rendements plus performants plutôt que vers l'utilisation optimale de ce qui est déjà disponible. Transformer les produits alimentaires permet de prolonger la période de disponibilité des denrées alimentaires et ainsi de réduire les soudures. Les prix sont plus stables puisque les produits restent disponibles sur les marchés. Les techniques sont simples. Peu d'entre elles nécessitent plus qu'un peu de ciment, du fil de fer, des équipements réalisables par un forgeron, du sel, du sucre ou de la fumée tout comme de l'eau et du soleil. Plusieurs nouvelles technologies et améliorations des procédés traditionnels sont aujourd'hui à la portée de la population rurale et applicables au niveau du village. Des innovations simples sont en train de transformer certaines cultures traditionnelles en nouvelles productions alimentaires à haute potentialité économique. Il existe déjà du foutou prêt à cuire en Côte d'Ivoire, le 'Bonfoutou', du fonio précuit au Mali et au Burkina Faso, des pains de manioc, la chicouangue, vendus sur les marchés du Congo, des farines infantiles, mélanges de diverses céréales, disponibles au Bénin, au Burkina Faso... Ainsi, le Centre International d'Agriculture Tropicale (CIAT), en Amérique Latine, a mis au point des techniques de conservation des tubercules. Tout au long de l'année les consommateurs ruraux ou urbains peuvent manger des cossettes de manioc séchées au soleil. La farine de manioc qu'ils produisent met à la portée des habitants une source d'aliment peu chère, aisément stockable, et dont on peut donner les sousproduits au bétail, aux poissons ou aux crevettes. Ce progrès a, à son tour, induit un développement de l'élevage et de l'aquaculture, avec le double avantage d'accroître le nombre des emplois et la quantité de protéines animales destinées à l'alimentation humaine. Les tubercules de manioc peuvent être découpés en tranches fines, qui sont ensuite séchées, d'abord sur un sol en ciment, puis sur des claies de fil métallique qui permettent de garantir la propreté des cossettes obtenues. Les femmes des villages indonésiens fabriquent maintenant des biscuits appétissants à partir du sagou, tandis que les villageois du Sarawak produisent des 'perles' de sagou destinées aux marchés locaux et à l'exportation. Le sagou promet d'autres productions : pain, céréales et amuse-gueules tels que les 'sagou pops'. Ces derniers ressemblent à des biscuits croquants aux crevettes, à base de fécule de manioc. D'autres cultures pratiquées dans les pays du Groupe ACP peuvent subir un traitement similaire. La patate douce est un autre tubercule auquel de nombreuses améliorations peuvent être apportées. L'Institut Britannique des Ressources Naturelles (NaturalResources Institute NRI) collabore avec le Centre International de la Pomme de terre (CIP) pour mettre au point des méthodes permettant aux villageois d'extraire la fécule de patate douce et de fabriquer des nouilles à partir de ce tubercule : la fécule est extraite par un premier broyage humide des tubercules frais à l'aide d'une râpe cylindrique. De l'eau est versée pendant toute la durée des opérations afin de produire une mixture qui contient un résidu fibreux et une suspension de fécule. Un tamis en nylon permet d'isoler ces fibres. La fécule sédimente ensuite pendant quatre heures puis sèche au soleil. Les nouilles sont obtenues en faisant passer la pâte à travers les trous d'un 'gabarit'. Les fils de fécule tombent directement dans l'eau bouillante où ils se transforment en gel et sont ensuite lavés et séchés au soleil. Aucune étape du procédé ne dépasse les capacités technologiques du village. Nouveaux produits, nouvelles saveurs En ce qui concerne les céréales, le sorgho et le millet sont susceptibles d'amélioration. Ces deux cultures ont souvent été supplantées par le maïs à cause de leur goût quelque peu amer dû à des tannins et aux difficultés de leur transformation. De nouvelles techniques de traitement prometteuses ont été mises au point et peuvent s'adapter à la technologie disponible à l'échelle d'un village. Ces techniques pourraient contribuer à aider le sorgho et le millet à regagner le terrain perdu et ainsi garantir à la fois une nourriture plus abondante et un plus grand nombre d'emplois dans les zones de l'Afrique menacées par la sécheresse (voir Spore N°29, octobre 1990, page 6). Avec les nouveaux modes de vie et d'emploi (travail en ville, loin du domicile), sont apparus de nouveaux modes d'alimentation. Une augmentation de la demande d'aliments prêts à consommer se fait sentir. Ces produits peuvent être salés ou sucrés. Aux Philippines, la Haute Autorité des Sciences et Technologies a publié une série de brochures pour promouvoir le jus de goyave, les bonbons à base de bananes, la sauce de soja, le poisson séché, la mangue conservée dans du vinaigre, le lait de noix de coco et la sauce tomate. La liste des ingrédients et des ustensiles nécessaires est fournie et la méthode clairement expliquée étape par étape. Le texte est disponible en anglais ou en tagalogue, langue nationale. Au Bangladesh, le lait de soja tente de se substituer au lait de vache dans une large gamme de plats protéinés sucrés, qui jouent un rôle important dans l'alimentation nationale. L'obtention du lait de soja et la fabrication de ces plats sont parfaitement réalisables par les villageois eux-mêmes. Ces opérations font appel aux outils et aux ustensiles les plus élémentaires. Par ailleurs, la commercialisation des bonbons et des plats sucrés développe l'esprit d'entreprise des collectivités villageoises. Le lait de vache et le lait de soja peuvent aussi être utilisés pour fabriquer une vaste palette de fromages. Ceux-ci se conservent plus longtemps que le lait et sont plus faciles à transporter. Le fumage des fromages peut prolonger leur durée de conservation et apporter des saveurs différentes qui reflètent l'essence du bois utilisé et le procédé de fumage. Un vaste marché Même les sous-produits peuvent trouver une place parmi les produits fabriqués par le village. Au Honduras, la pomme de cajou a pu être transformée en fruit confit qui se vend bien sur les marchés. Autrefois, ce produit de l'anacardier était dédaigné en raison de son goût amer. L'amertume est éliminée par lavage du fruit dans une solution d'hydroxyde de sodium à 1% (soude caustique) durant trois minutes. Le fruit est ensuite rincé à l'eau claire, pressé entre des planches, porté à ébullition dans un sirop de sucre, égoutté et séché. Ce produit apporte aujourd'hui des revenus supplémentaires aux producteurs de noix de cajou et favorise le développement d'une industrie de transformation. On trouve aujourd'hui en Europe et aux Etats-Unis de nombreuses marques de produits alimentaires qui viennent d'une industrie villageoise ou d'une petite boulangerie artisanale d'un pays en développement. Souvent, ces activités ont été lancées au siècle dernier ou plus récemment, par des entrepreneurs individuels, hommes ou femmes. Ils ont su combiner les ressources locales avec les compétences et les entreprises disponibles pour satisfaire les besoins locaux et même créer une demande extérieure. Pour dépasser les frontières, ni investissements lourds ni technologies complexes n'ont été nécessaires, ce qui dans ces régions n'aurait de toute façon pas été possible. Au départ, la croissance a été lente et il a souvent fallu réinvestir les bénéfices pour financer les opérations. Un schéma similaire se développe dans un nombre croissant de pays dont l'économie repose sur l'agriculture. Si cette tendance peut être encouragée par les pouvoirs publics, beaucoup d'effets bénéfiques se feront sentir à la fois au niveau local et national.

Saved in:
Bibliographic Details
Main Author: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation
Format: News Item biblioteca
Language:French
Published: Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation 1991
Online Access:https://hdl.handle.net/10568/59974
Tags: Add Tag
No Tags, Be the first to tag this record!
Description
Summary:Le traitement des récoltes est un souci constant pour la plupart des pays en développement : allonger la durée de stockage et faciliter les préparations culinaires est en effet une nécessité. De nombreux avantages apparaissent lorsque les opérations post-récolte peuvent s'effectuer en milieu rural. Des emplois se créent, les pertes sont réduites, le prix de revient des produits s'abaisse et les jeunes peuvent acquérir une formation professionnelle. Dans de nombreux villages, les communautés vivent en économie de subsistance et sont dépendantes des ressources et des compétences locales pour survivre.Aliments, boissons, huiles, cuir et fibres sont obtenus par le traitement des récoltes et des produits de l'élevage traditionnel. La plupart des adultes acquièrent une gamme de compétences allant du décorticage, de l'égrenage, de l'écossage ou du broyage des céréales à l'extraction des huiles à partir des noix et des graines. Fondre la graisse des animaux pour obtenir du suif, laver le manioc et extraire le sagou des palmes, traiterles peaux, filer le coton et la laine fait aussipartie de ces nombreuses compétences. De plus en plus, ces savoirs se perdent avec l'introduction des économies de type moderne et la possibilité d'acheter des produits déjà traités. Sans doute le traitement centralisé à grande échelle ou transformation industrielle n'a pas que des inconvénients : il permet des économies d'échelle, uniformise la production et supprime des tâches pénibles. Cependant, le coût pour les petites communautés rurales en est très élevé : les producteurs sont parfois éloignés des grands centres de traitement et doivent supporter les frais de transport (quand les routes et les moyens de transport existent). En outre, lorsque les produits sont transformés en ville, ils reviennent beaucoup plus cher au village. Enfin, élément fondamental, la transformation rurale de ces produits procure des emplois, développe des industries hors des villes. Créer des emplois Par définition, l'agriculture est une activité saisonnière. Même dans les zones où il existe deux saisons de récolte, la maind'oeuvre est loin d'être occupée toute l'année. Si les produits récoltés sont vendus et transportés dans un centre éloigné pour être traités, pendant ce temps la maind'oeuvre rurale reste inoccupée. En revanche, le traitement local dans le village peut fournir des emplois. Au Sénégal, où le riz est de plus en plus souvent transporté vers de grandes installations de broyage régionales, la population rurale a ainsi perdu les revenus de ce travail et la valeur du son de riz, sousproduit du traitement. En outre, les villageois devront payer leur riz plus cher puisque augmenté du coût de transport. Une situation similaire s'est développée au Malawi, où le maïs, l'arachide et le soja, utilisés pour fabriquer l'aliment national de sevrage, le Likuni Phala, étaient transportés à Blantyre' et ensuite redistribués dans le reste du pays sous leur forme transformée. Aujourd'hui, le Programme Alimentaire Mondial des Nations Unies et le Gouvernement néerlandais ont décidé d'installer plusieurs petites unités de fabrication de Phala à travers le pays. Ils utilisent les récoltes obtenues sur place et redistribuent les produits au niveau local également. Ainsi, les agriculteurs de l'ensemble du pays ont la possibilité de vendre leurs produits, des emplois sont créés et des coûts de transport superflus sont évités. Les activités de traitement exigent des compétences et une force physique variables. Certaines ne peuvent être effectuées que par des hommes mais la plupart des tâches sont à la portée des femmes. Elles apportent ainsi un complément aux revenus familiaux. Les jeunes peuvent également apporter leur aide et éviter ainsi de venir augmenter le nombre de chômeurs des villes. Les pertes après récoltes sont particulièrement importantes dans les pays en développement : le grain mal séché moisit, ainsi que les racines et les tubercules. Le lait, la viande et le poisson connaissent les mêmes problèmes de conservation en l'absence de système de réfrigération à moins d'être séchés et fumés, ou dans le cas du lait, transformé en fromage. En ce qui concerne les fruits et les légumes, ceux-ci doivent être consommés frais ou transformés en jus, pulpe, salaisons, condiment, confiture ou produit séché. L'absence ou l'inadéquation des traitements peuvent entraîner jusqu'à 50 % de pertes, estiment les spécialistes. Réduire les pertes Plus les rendements sont élevés, plus les pertes sont importantes. Cependant le principal effort de recherche-développement est orienté vers l'obtention de rendements plus performants plutôt que vers l'utilisation optimale de ce qui est déjà disponible. Transformer les produits alimentaires permet de prolonger la période de disponibilité des denrées alimentaires et ainsi de réduire les soudures. Les prix sont plus stables puisque les produits restent disponibles sur les marchés. Les techniques sont simples. Peu d'entre elles nécessitent plus qu'un peu de ciment, du fil de fer, des équipements réalisables par un forgeron, du sel, du sucre ou de la fumée tout comme de l'eau et du soleil. Plusieurs nouvelles technologies et améliorations des procédés traditionnels sont aujourd'hui à la portée de la population rurale et applicables au niveau du village. Des innovations simples sont en train de transformer certaines cultures traditionnelles en nouvelles productions alimentaires à haute potentialité économique. Il existe déjà du foutou prêt à cuire en Côte d'Ivoire, le 'Bonfoutou', du fonio précuit au Mali et au Burkina Faso, des pains de manioc, la chicouangue, vendus sur les marchés du Congo, des farines infantiles, mélanges de diverses céréales, disponibles au Bénin, au Burkina Faso... Ainsi, le Centre International d'Agriculture Tropicale (CIAT), en Amérique Latine, a mis au point des techniques de conservation des tubercules. Tout au long de l'année les consommateurs ruraux ou urbains peuvent manger des cossettes de manioc séchées au soleil. La farine de manioc qu'ils produisent met à la portée des habitants une source d'aliment peu chère, aisément stockable, et dont on peut donner les sousproduits au bétail, aux poissons ou aux crevettes. Ce progrès a, à son tour, induit un développement de l'élevage et de l'aquaculture, avec le double avantage d'accroître le nombre des emplois et la quantité de protéines animales destinées à l'alimentation humaine. Les tubercules de manioc peuvent être découpés en tranches fines, qui sont ensuite séchées, d'abord sur un sol en ciment, puis sur des claies de fil métallique qui permettent de garantir la propreté des cossettes obtenues. Les femmes des villages indonésiens fabriquent maintenant des biscuits appétissants à partir du sagou, tandis que les villageois du Sarawak produisent des 'perles' de sagou destinées aux marchés locaux et à l'exportation. Le sagou promet d'autres productions : pain, céréales et amuse-gueules tels que les 'sagou pops'. Ces derniers ressemblent à des biscuits croquants aux crevettes, à base de fécule de manioc. D'autres cultures pratiquées dans les pays du Groupe ACP peuvent subir un traitement similaire. La patate douce est un autre tubercule auquel de nombreuses améliorations peuvent être apportées. L'Institut Britannique des Ressources Naturelles (NaturalResources Institute NRI) collabore avec le Centre International de la Pomme de terre (CIP) pour mettre au point des méthodes permettant aux villageois d'extraire la fécule de patate douce et de fabriquer des nouilles à partir de ce tubercule : la fécule est extraite par un premier broyage humide des tubercules frais à l'aide d'une râpe cylindrique. De l'eau est versée pendant toute la durée des opérations afin de produire une mixture qui contient un résidu fibreux et une suspension de fécule. Un tamis en nylon permet d'isoler ces fibres. La fécule sédimente ensuite pendant quatre heures puis sèche au soleil. Les nouilles sont obtenues en faisant passer la pâte à travers les trous d'un 'gabarit'. Les fils de fécule tombent directement dans l'eau bouillante où ils se transforment en gel et sont ensuite lavés et séchés au soleil. Aucune étape du procédé ne dépasse les capacités technologiques du village. Nouveaux produits, nouvelles saveurs En ce qui concerne les céréales, le sorgho et le millet sont susceptibles d'amélioration. Ces deux cultures ont souvent été supplantées par le maïs à cause de leur goût quelque peu amer dû à des tannins et aux difficultés de leur transformation. De nouvelles techniques de traitement prometteuses ont été mises au point et peuvent s'adapter à la technologie disponible à l'échelle d'un village. Ces techniques pourraient contribuer à aider le sorgho et le millet à regagner le terrain perdu et ainsi garantir à la fois une nourriture plus abondante et un plus grand nombre d'emplois dans les zones de l'Afrique menacées par la sécheresse (voir Spore N°29, octobre 1990, page 6). Avec les nouveaux modes de vie et d'emploi (travail en ville, loin du domicile), sont apparus de nouveaux modes d'alimentation. Une augmentation de la demande d'aliments prêts à consommer se fait sentir. Ces produits peuvent être salés ou sucrés. Aux Philippines, la Haute Autorité des Sciences et Technologies a publié une série de brochures pour promouvoir le jus de goyave, les bonbons à base de bananes, la sauce de soja, le poisson séché, la mangue conservée dans du vinaigre, le lait de noix de coco et la sauce tomate. La liste des ingrédients et des ustensiles nécessaires est fournie et la méthode clairement expliquée étape par étape. Le texte est disponible en anglais ou en tagalogue, langue nationale. Au Bangladesh, le lait de soja tente de se substituer au lait de vache dans une large gamme de plats protéinés sucrés, qui jouent un rôle important dans l'alimentation nationale. L'obtention du lait de soja et la fabrication de ces plats sont parfaitement réalisables par les villageois eux-mêmes. Ces opérations font appel aux outils et aux ustensiles les plus élémentaires. Par ailleurs, la commercialisation des bonbons et des plats sucrés développe l'esprit d'entreprise des collectivités villageoises. Le lait de vache et le lait de soja peuvent aussi être utilisés pour fabriquer une vaste palette de fromages. Ceux-ci se conservent plus longtemps que le lait et sont plus faciles à transporter. Le fumage des fromages peut prolonger leur durée de conservation et apporter des saveurs différentes qui reflètent l'essence du bois utilisé et le procédé de fumage. Un vaste marché Même les sous-produits peuvent trouver une place parmi les produits fabriqués par le village. Au Honduras, la pomme de cajou a pu être transformée en fruit confit qui se vend bien sur les marchés. Autrefois, ce produit de l'anacardier était dédaigné en raison de son goût amer. L'amertume est éliminée par lavage du fruit dans une solution d'hydroxyde de sodium à 1% (soude caustique) durant trois minutes. Le fruit est ensuite rincé à l'eau claire, pressé entre des planches, porté à ébullition dans un sirop de sucre, égoutté et séché. Ce produit apporte aujourd'hui des revenus supplémentaires aux producteurs de noix de cajou et favorise le développement d'une industrie de transformation. On trouve aujourd'hui en Europe et aux Etats-Unis de nombreuses marques de produits alimentaires qui viennent d'une industrie villageoise ou d'une petite boulangerie artisanale d'un pays en développement. Souvent, ces activités ont été lancées au siècle dernier ou plus récemment, par des entrepreneurs individuels, hommes ou femmes. Ils ont su combiner les ressources locales avec les compétences et les entreprises disponibles pour satisfaire les besoins locaux et même créer une demande extérieure. Pour dépasser les frontières, ni investissements lourds ni technologies complexes n'ont été nécessaires, ce qui dans ces régions n'aurait de toute façon pas été possible. Au départ, la croissance a été lente et il a souvent fallu réinvestir les bénéfices pour financer les opérations. Un schéma similaire se développe dans un nombre croissant de pays dont l'économie repose sur l'agriculture. Si cette tendance peut être encouragée par les pouvoirs publics, beaucoup d'effets bénéfiques se feront sentir à la fois au niveau local et national.