Eleveurs et société du nord de l'Uruguay face au changement global

Depuis le début de la colonisation par les Européens, le Nord de l'Uruguay se caractérise par la présence d'un élevage bovin et ovin en lien avec le biome pampa, récemment appelé Campos, parcours ou savane herbacée. Autour de ce socio-écosystème composé de l'Homme, l'Animal et la Prairie naturelle s'est progressivement au cours des 2-3 derniers siècles développée la société gaucha dont la structure, la culture, l'économie, la politique, les savoirs, coutumes et traditions font directement ou indirectement référence à ces trois composantes. Biome partagé avec l'Argentine et le Brésil, la Pampa est depuis deux à trois décennies l'objet d'un fort développement de l'agriculture d'exportation, principalement les grains avec notamment le soja et les plantations forestières pour le bois et la cellulose, en lien avec la demande internationale croissante en produits agricoles. Dans le cas de l'Uruguay, près de 20% de la prairie naturelle a déjà été transformée en champs de soja et autres grains et en plantations d'eucalyptus et de pins. L'agriculture d'exportation, globalisée et en grande partie contrôlée par des groupes étrangers, obtient un revenu à hectare supérieur à l'élevage de l'ordre de deux à trois fois, voire cinq à dix fois, selon le cours du marché international de la production. Avec un tel revenu, d'un côté l'agriculture d'exportation accède au foncier en louant ou achetant la terre aux éleveurs gauchos, et de l'autre côté les éleveurs gauchos louent leur terre, en totalité ou en partie, pour se constituer un revenu d'appoint, ou dans certains cas la vendent pour se désendetter ou tout simplement pour migrer vers la ville à la recherche d'autres activités. Par ailleurs, l'agriculture d'exportation reposant sur des paquets techniques avancés et une gestion à base de nouvelles technologies, mais aussi proposant des emplois en milieu rural avec résidence en ville, attire une jeunesse qui se désintéressait de plus en plus de la vocation un peu vieillotte offerte par l'élevage gaucho. Ainsi, parallèlement à la transformation de la prairie naturelle en parcelle plantée en grains ou en arbres, l'agriculture d'exportation accélère l'exode rural de familles abandonnant l'élevage, et en conséquence le dépeuplement des communautés, qui sont les lieux traditionnels d'activité et de vie sociale du système gaucho. A partir des concepts de vulnérabilité, résilience, adaptation, en s'appuyant en particulier sur la démarche système et la modélisation, notre recherche décrit, explique et modélise les dynamiques en cours dans le Nord de l'Uruguay, simule les scénarios du futur tant pour les exploitations d'élevage que pour les communautés et les territoires, et propose des mesures de politique publique appropriée. La plupart des observateurs pointe du doigt la bonne rémunération proposée par l'agriculture d'exportation comme principal moteur des transformations en cours. Notre recherche montre qu'il s'agit plus d'un phénomène parallèle, même si interagissant et ayant souvent un effet déclencheur. Les racines du changement seraient plus à chercher dans les fondements même de la société gaucha, dans la remise en cause du tripode Homme – Animal – Prairie qui ne correspondrait plus aux attentes de la population rurale, notamment des jeunes Gauchos, remise en cause qui serait à l'origine de l'exode rural. De plus, nous démontrons que l'attente majeure de la société rurale gaucha, loin d'être seulement un meilleur revenu et un habitat urbain, serait la possibilité de s'insérer dans la construction un projet à moyen-long terme associant un rapport particulier à l'animal, au troupeau, à l'environnement et des valeurs sociales, notamment communautaires, qui sont l'essence même du système gaucho. Nous pensons que la société gaucha a encore et toujours les ressources de son ambition, grâce notamment au savoir local et largement partagé sur la nature, les modes d'exploitation de la prairie naturelle, ainsi qu'une prédisposition à la conduite d'actions collectives. Plusieurs initiatives, le plus souvent d'origine privée, quasiment toujours localisées et parfois seulement ponctuelles, ont ouvertes la voie à suivre. Le mécanisme du Parc Naturel régional nous semble correspondre à une initiative collective, de plus grande ampleur, répondant aux attentes de la population locale, rurale, mais aussi urbaine, et auquel la société gaucha du Nord de l'Uruguay pourrait prétendre. Sa mise en oeuvre nécessite un investissement des pouvoirs publics ainsi qu'une mobilisation de tous les étages de la société gaucha, de l'exploitation d'élevage à la gouvernance des territoires.

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Bibliographic Details
Main Author: Saravia Alvarez, Alejandro
Format: thesis biblioteca
Language:fre
Published: AgroParisTech
Subjects:L01 - Élevage - Considérations générales, E50 - Sociologie rurale, élevage, éleveur pastoral, changement social, sociologie rurale, organisation socioéconomique, http://aims.fao.org/aos/agrovoc/c_8532, http://aims.fao.org/aos/agrovoc/c_653f04fe, http://aims.fao.org/aos/agrovoc/c_7130, http://aims.fao.org/aos/agrovoc/c_6707, http://aims.fao.org/aos/agrovoc/c_7141, http://aims.fao.org/aos/agrovoc/c_8113,
Online Access:http://agritrop.cirad.fr/596890/
http://agritrop.cirad.fr/596890/1/ID596890.pdf
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