Le lac Faguibine, un espace agropastoral au Nord Mali : dynamiques agraires, gestion des ressources naturelles et stratégies des acteurs
Le lac Faguibine est la plus grande dépression lacustre de la région du Nord Mali (cercle de Goundam). Cet espace agropastoral stratégique a connu de nombreuses transformations au cours du siècle dernier. Pour intervenir dans cette zone, VSF a demandé une étude systémique des dynamiques temporelles et spatiales de la valorisation du lac face à un environnement physique et social en mutation. Cette étude porte également sur l'évolution de la gestion et de l'accès aux ressources naturelles par les différents usagers (pasteurs tamacheqs et cultivateurs sonraïs). L'étude de la variabilité du régime hydraulique du lac Faguibine permet de dégager trois périodes: une série de crues "bénéficiaires", "déficitaires" et "stables". Pendant chacune de ces périodes, l'équilibre entre les fonctions agricoles et pastorales du lac évolue. Aujourd'hui, suite à une série de crues "déficitaires" et aux grandes sécheresses qu'a connue l'Afrique Saharienne, une partie du lac est asséchée : les surfaces cultivables en décrue sont fortement réduites, contraignant les cultivateurs au nomadisme agricole et à la pratique du métayage. Ces derniers sont ainsi de plus en plus confrontés à une insécurité foncière. Parallèlement, dans ces conditions, de nouvelles ressources pastorales se sont développées, le Faguibine est alors devenu une aire de transit et un pâturage de soudure convoité par les pasteurs nomades et transhumants de l'ensemble de la région. Outre la diminution du niveau du plan d'eau du lac Faguibine, l'organisation de la société locale a été profondément modifiée par des bouleversements politiques et climatiques (sécheresses et rébellion). Ils ont provoqué de nombreux déplacements de population et la déstabilisation des systèmes d'élevage. De ce fait, ils sont à l'origine de deux phénomènes: la sédentarisation d'une partie de la population pour bénéficier des projets d'aide et de développement et un très fort exode en direction de villes ou de nouvelles zones cultivables. Dans ce contexte, les agriculteurs comme les éleveurs installés aux abords du lac mettent en oeuvre de nouvelles stratégies pour s'assurer une certaine sécurité (alimentaire et économique). On observe alors une tendance générale: la diversification des systèmes de production vers des systèmes agropastoraux (associant agriculture et élevage). Le développement durable de la zone passe alors par l'appui des modes d'exploitation alternatif au recul de l'eau, tel le maraîchage ou les nouvelles pratiques d'élevage sédentaire; mais également par une sécurisation de la transhumance afin de pérenniser l'activité des communautés tamachèques et entretenir l'espace pastoral. Par ailleurs, les nouvelles formes de complémentarité entre les communautés pastorales et agricoles fragilisées par les évènements climatiques et politiques ainsi que les problèmes fonciers liés à la multifonctionnalité de cet espace justifient le besoin d'une réflexion sur la gestion des naturelles. Pour cela, dans le contexte récent de la décentralisation, une nouvelle échelle semble pertinente pour travailler à l'échelle du foncier lacustre: l'intercommunalité.